MARGUERITE DE NAVARRE
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MARGUERITE DE NAVARRE
Marguerite de Navarre étonne par les contrastes qui résument ceux de son époque : le talent de la forme dit la chair
aussi bien que l'Esprit.
Politique et spiritualité
Soeur de François Ier et grand-mère d'Henri IV, la reine de Navarre joue un rôle important comme protectrice des
Lettres et des nouvelles idées, et comme négociatrice politique (après Pavie), avant de se distinguer par ses
propres productions littéraires.
En 1521, elle est proche du « groupe de Meaux », animé par son évêque Briçonnet, avec lequel elle entretiendra une
correspondance importante pour sa vie spirituelle.
Ses poèmes, inspirés par une théologie affective proche du
nicodémisme, font d'elle la cible de Noël Béda qui interdit en 1533 le Miroir de l'âme pécheresse, édité avec le
Dialogue en forme de vision nocturne.
Méditation versifiée, cette poésie de facture marotique et italianisante (terza
rima) utilise les thèmes traditionnels de la mystique (les « prisons » et les « lacs » de la chair) pour valoriser l'esprit
et le séparer radicalement de la servitude du péché.
Moins graduelle que le ficinisme, sa philosophie de l'amour
insiste sur la Grâce indispensable.
Après cette affaire, où elle est soutenue par le roi, elle séjourne surtout dans le
Midi (Nérac, Pau) et à Lyon ; l'influence des spirituels augmente, du fait de la « miraculeuse » guérison de sa fille
Jeanne d'Albret en 1538.
Vers 1542, elle incite Antoine Le Maçon à effectuer une nouvelle traduction du Décaméron
et commence peut-être à ce moment-là la rédaction des premières nouvelles d'un recueil français qui l'imiterait.
Son
Théâtre profane (1548), ses Moralités qu'elle fait représenter, restent dans l'esprit illuministe des Poésies et son
oeuvre théâtrale et poétique est réunie l'année de sa mort dans les Marguerites de la Marguerite des Princesses
sans que l'ouvrage qui fera sa gloire, l'Heptaméron, soit connu du public.
Une édition incomplète et sans ordre est
d'abord donnée par Pierre Boaistuau (1558), mais c'est Claude Gruget qui édite les soixante-douze nouvelles avec le
titre actuel (1559), non sans avoir éliminé les noms propres connus et les passages risqués, heureusement
conservés dans les manuscrits.
Péchés d'amour narrés et commentés
Dès le Prologue, l'auteur fait profession de vérité, par opposition aux sources livresques et inventées.
Peu de
nouvelles viennent en effet d'autres livres (quelques fabliaux et la soixante-dizième nouvelle), les événements
évoqués ont souvent une réalité historique (douzième nouvelle, histoire de « Lorenzaccio »), et Marguerite s'est
livrée à un véritable cryptage des noms.
Mais le livre n'en est pas moins avare de réalisme et les descriptions sont
stéréotypées.
L'inondation qui fournit le prétexte à l'isolement de la communauté devisante et répond à la peste de
Boccace, rappelle le voyage de la reine à Cauterets (1546) et plante le décor pyrénéen.
Mais le réalisme est aussi
absent des discours contenus dans les nouvelles, à la différence des propos des devisants.
Les premiers
comprennent peu de réparties : les conversations sont rapportées au style indi-rect, sauf pour les longs monologues
sentimentaux ou explicatifs, ou pour quelques traits saillants.
Les seconds sont plus vifs et tentent de reproduire
une conversation réelle, dont la transcription a cependant aussi ses lois.
Enfin, l'intention de vérité chez l'auteur et
les devisants sert d'explication à la crudité de certaines nouvelles, qui alterne avec la rhétorique éthérée des récits
pathétiques.
L'intérêt du texte se partage entre les récits eux-mêmes et les discussions des devisants, et leurs relations
réciproques de commentaires/exempla.
Les oppositions idéologiques des locuteurs, assez marquées, animent un
débat qui tourne essentiellement autour de l'amour et de sa justification spirituelle et sociale.
Le partage entre
platonisme et courant gaulois est évident (Oisille et Parlamente contre Hircan) mais se nuance dans ces arguments
nouveaux que sont le recours à une Nature innocente et les relations de pouvoir qui opposent hommes et femmes ;
l'ensemble est compliqué par les ébauches d'intrigues entre les devisants, qui pourraient donner naissance à de
nouvelles histoires avec leurs commentaires...
Les débats sont fondamentalement non conclusifs et véritablement
dialogiques, car ils s'arrêtent quand ils risquent de tourner en disputes ou en « prêches ».
Les relais narratifs sont assurés par les procédés classiques d'enchaînement : exemple, exception, ressemblance,
anti-thèse (le plus fréquent), renchérissement, et « métonymie » (de la soixante et unième à la soixante-cinquième
nouvelle), cas où le nouveau récit est amené par une association de thèmes pendant le débat.
Le modèle boccacien
fournit les paramètres indispensables, comme la passion amoureuse, et ce ressort dramatique essentiel qu'est la
tromperie ou la dissimulation.
La satire anti-monacale est en fait moins importante que la dialectique du péché et de
la punition que la concupiscence des moines met en oeuvre ; elle révèle le fonctionnement négatif de la nouvelle
tendance de la nouvelle, qui s'oppose à la « facétie » et au récit d'intrigue : le péché, comme l'amour-passion
criminel, donne au récit une tension et un enjeu que le discours moral des devisants met en valeur.
Le « cuider
méchant » dénoncé dans les Poésies de la reine est la Grâce efficace des nouvelles..
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