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Louis-Ferdinand Céline

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Louis-Ferdinand Destouches, connu sous le prénom de sa mère Céline, est né à Courbevoie dans une famille sans fortune. Son père travaillait pour une compagnie d'assurances et sa mère tenait un commerce de dentelles. Il exerça lui-même plusieurs petits métiers pour financer ses études, avant de s'engager en 1912 dans l'armée. Blessé en 1914, il fut démobilisé et reçut une pension d'invalidité. Il rentra à Paris finir ses études de médecine et épousa la fille de son directeur en 1919. Docteur diplômé, il parcourut le monde pour soigner les pauvres, écrivant en même temps. Il devint célèbre avec la parution du Voyage au bout de la nuit. Le roman, publié en 1934, décrit un voyage spirituel vers le dégoût de la vie. Il continua de pratiquer la médecine tandis qu'il rédigeait son second livre, Mort à crédit, récit d'une enfance sinistre. Il se considérait comme un écrivain classique, chroniqueur de son temps, utilisant les mots de son époque, même argotiques. Durant la Seconde Guerre mondiale, Céline qui n'avait pu prendre part aux combats, s'engagea aux côtés du régime de Vichy et participa à la propagande antisémite. Condamné à mort à la Libération, il s'enfuit en Allemagne et au Danemark. En 1951, la révision de son procès le dégagea de son implication dans la persécution du peuple juif. Il rentra en France et s'installa à Meudon, où il continua d'écrire, notamment sur ses années d'exil (D'un château l'autre) tout en soignant gratuitement les pauvres gens. Il mourut en 1961.

« Louis-Ferdinand C éline Louis-Ferdinand Destouches, connu sous le prénom de sa mère C éline, est né à C ourbevoie dans une famille sans fortune.

Son père travaillait pour une compagnie d'assurances et sa mère tenait un commerce de dentelles.

Il exerça lui-même plusieurs petits métiers pour financer ses études, avant de s'engager en 1912 dans l'armée.

Blessé en 1914, il fut démobilisé et reçut une pension d'invalidité.

Il rentra à P aris finir ses études de médecine et épousa la fille de son directeur en 1919.

Docteur diplômé, il parcourut le monde pour soigner les pauvres, écrivant en même temps.

Il devint célèbre avec la parution du V oyage au bout de la nuit.

Le roman, publié en 1934, décrit un voyage spirituel vers le dégoût de la vie.

Il continua de pratiquer la médecine tandis qu'il rédigeait son second livre, Mort à crédit, récit d'une enfance sinistre.

Il se considérait comme un écrivain classique, chroniqueur de son temps, utilisant les mots de son époque, même argotiques.

Durant la Seconde Guerre mondiale, C éline qui n'avait pu prendre part aux combats, s'engagea aux côtés du régime de V ichy et participa à la propagande antisémite.

C ondamné à mort à la Libération, il s'enfuit en A llemagne et au Danemark.

En 1951, la révision de son procès le dégagea de son implication dans la persécution du peuple juif.

Il rentra en France et s'installa à M eudon, où il continua d'écrire, notamment sur ses années d'exil (D'un château l'autre) tout en soignant gratuitement les pauvres gens.

Il mourut en 1961. A l'origine du génie littéraire de C éline, il nous faut découvrir une nausée : c'est l'intuition, à la fois vertigineuse et écoeurante, que l'univers manque d'assurance, que l e s c h o s e s n'arrivent pas à se tenir.

Un instinct de mollesse les pousse inlassablement à la dissolution et à la déliquescence.

Idées, objets, consciences, valeurs, rien n'échappe, dans les romans de C éline, à la poussée d'une sorte de lâcheté profonde qui pourrit peu à peu toutes les régions de l'être.

Les paysages (forêt tropicale, gratte-ciel New-yorkais, rue parisienne, château allemand) s'y affaissent sous d'irrésistibles déluges de nature ou d'histoire ; les corps s'y entrouvrent, s'y débraillent, ils laissent s'écouler hors d'eux, de manière également obscène, aveux sentimentaux, radotages, baves ou excréments.

Une fondamentale poisse y saisit et aliène la vie.

Tout tend à s'y avachir, à retomber et à se fondre en ce degré zéro de l'existence que C éline nomme quasi mystiquement sa nuit : sorte de pâte obscure et grenue, d'où nous sommes sortis et où nous retournons, royaume de la mort, mais d'une mort continuée, vivante, où s e vrille l'infâme prince larvaire de notre décomposition, l'asticot.

A v e c un mélange de désespoir et de tendresse, C éline cultive donc toutes les réalités qui puissent le renvoyer, mais sans l'y égarer absolument, à cette fantasmagorie de la débâcle : ainsi l'ordure, le déchet tous ses personnages sont en un sens raclures ou ratés le fou, la concierge, la zone (parisienne, tropicale), la misère, les grandes diarrhées d'histoire (1939 en France, 1945 en A llemagne), toutes choses situées aux limites de l'être et du non-être, ou plus exactement dans cette marge fascinante où l'être se défait, se disperse, succombe à l'active anarchie de son contraire.

Q u'est-ce que vivre alors sinon essayer de résister, et sans nul espoir de réussite, à cette puissance de diffusion qui veut, à chaque moment de notre vie, nous arracher à notre ici, à notre maintenant, à notre corps et à notre conscience, pour nous éparpiller dans le louche infini des choses ? " C 'est tenir ensemble qui est difficile ", dit profondément C éline.

Et encore : " C e corps à nous, travesti de molécules agitées et banales, tout le temps se révolte contre cette farce atroce de durer.

Elles veulent aller se perdre, nos molécules, au plus vite, parmi l'univers, ces mignonnes.

On éclaterait si on avait du courage.

Notre torture chérie est enfermée là, dans notre peau même, avec notre orgueil.

" Le seul fait de persévérer dans notre vie, de vouloir être, nous place donc paradoxalement en dehors de la vérité de l'être.

Mais nous nous consolons en songeant que cette exclusion reste très provisoire, et que l'orgueil a perdu d'avance son pari : tout ce qu'il peut, c'est reculer un peu l'instant de l'éclatement libérateur, retarder l'échéance.

" Un homme, dit C éline, ce n'est rien d'autre, après tout, que de la pourriture en suspens.

" C haque vivant, à commencer par lui-même, est bien ici un mort en sursis, un " mort à crédit ". I l faut pourtant que ce mort épuise son crédit, et donc qu'il continue à vivre.

Face à la nausée qu'il éprouve à la fois sur le plan de l'humeur et de la conscience, et qui y devient alors, comme plus tard chez Sartre, une angoisse d'absurdité, de gratuité ontologique, comment l'homme célinien pourra-t-il réagir ? Un premier parti, le plus original sans doute, l'amènerait à assumer son mal, à s'abandonner absolument à lui.

Puisque, en nous et hors de nous, la débâcle nous révèle le mouvement le plus vrai de l'être, livrons-nous volontairement à la débâcle, poussons-la à son extrémité, exploitons-la jusque dans ses plus révoltantes conséquences.

C 'est à un tel choix, me semble-t-il, qu'en était arrivé le C éline du V oyage et de M ort à crédit : quitte à vivre, et à continuellement mourir, dans la nuit, autant aller jusqu'au bout de la nuit.

Se reconnaître et s'accepter soi-même comme une pourriture en suspens, cela donnait au moins à C éline le droit de dénoncer les autres pourritures militarisme, colonialisme, industrialisme par exemple qui cancérisent l'homme d'aujourd'hui.

La vraie sagesse consiste ainsi peut-être à abdiquer tout orgueil, tout souci de façade, à abandonner même toute prétention de " caractère ", à n'être plus " quelqu'un " " une chiffe crâneuse ", dit C éline mais à se laisser emporter et ballotter par l'existence, en opposant au ruissellement universel la seule ressource de sa lâcheté.

" Être lâche définitivement ", partir à la dérive, comme tant de héros céliniens, connaître l'épreuve initiatique de l'échec, de la dérision ou de la honte, voilà peut-être le chemin de notre liberté.

La veulerie entendons ce mot sans nulle acception péjorative conduit ainsi à la détente intime ; elle nous ouvre à la pitié, au sentiment d'un autrui aussi lâche, aussi abandonné que nous ; nous réduisant à n'être plus personne, elle donne la paix du coeur. N'oublions pas pourtant lui-même, toujours, nous le rappelle que C éline est d'abord un artiste, un écrivain, que c'est donc au niveau et dans l'expérience propre du langage qu'il sera d'abord tenté de se sauver.

Face à la mollesse existentielle, l'écriture se fera à la fois complicité et guérison.

Si, en effet, l'allure de sa phrase imite d'abord, et merveilleusement, les gestes de l'inondation et du débraillage, si à la scandaleuse défection de l'être les mots répondent ici par leur pléthore, par leur gouaille, par leur volubilité lâchée et familière, ce langage possède aussi, et surtout dans les derniers romans, une énergie, une force d'exclamation et d'explosion qui soulèvent en feu d'artifice le flasque originel de l'expérience.

Surtout il enferme une saveur, due à s a qualité harmonique et poétique ; apparemment brut et sauvage, il est animé en fait par une " petite musique " capable, dit C éline, de " faire danser la vie ", de lui redonner rythme et allégresse, de réveiller en elle la gaieté, ou les " enchantements de son essor ".

C et idéal, tout de cadence et de verdeur, qui trouve ses modèles avoués chez Du Bellay, chez C ouperin (nous songeons aussi, bien sûr, à Rabelais), s'oppose aux plates complications du style moderne, à l'art par exemple gidien ou valéryen de " troufignoliser l'adjectif, enculagailler la moumouche, frénétiser l'insignifiance...

" Mais sa vigueur, surtout, assume une fonction vitale : elle vise, au sein des plus affreux effondrements, à nous remettre sur nos pieds, à nous rendre biologiquement à nous-mêmes.

D'où sa salubrité, son foncier optimisme. Dans la destinée spirituelle et historique de C éline se dessine pourtant (entre Mort à crédit et Bagatelles pour un massacre) un tournant fatal : c'est le moment où il cesse de vivre et de combattre de manière authentique sa nausée.

En un véritable mouvement de fuite, il décide que sa débâcle ne vient plus de lui, mais des autres, qu'il n'en est plus l'auteur, ni l'acteur, mais la victime, que tout le mal s'en développe hors de lui, et contre lui, dans cette France de 1 9 3 6 e t 1 9 4 0 sur laquelle il projette sans vergogne son propre phantasme de mollesse.

C e pays " tourné gonzesse ", " gâteux à fondre ", il peut alors l'insulter et le vomir, lui offrir les cures les plus niaises d'autoritarisme et de virilité.

Il est visible que C éline tente alors de se dégager de son propre mal, qu'il veut s'innocenter par la violence même de son accusation.

Mais surtout, et c'est là le plus grave, il trouve imaginairement à toute cette pourriture une cause unique et multiforme : le juif.

A la fois mou et virulent, haineux et anarchique, celui-ci devient fantastiquement alors comme l'asticot d'une société dans laquelle il introduirait sans fin les germes de sa dégénérescence.

Utilisant la " pollution juive " comme un trop parfait alibi, C éline épouse ainsi avec frénésie les pires mythologies racistes.

En un ironique retour, son antisémitisme allait lui permettre cependant de retrouver sa vérité profonde.

P arce que raciste et antisémite, il se trouve pris en effet dans la débâcle allemande de 1 9 4 5 , sorte de décomposition apocalyptique qu'il lui faut bien vivre de l'intérieur, et dont les images nourrissent ses derniers livres.

Il se sauve donc en fin de compte, et cela à partir du moment où il commence à se sentir mourir.

C ar la vie, lorsqu'elle est vraiment vécue, n'est qu'une dissolution continuée de soi, qu'une longue agonie.

" La plupart des gens ne meurent qu'au dernier moment ; d'autres commencent et s'y prennent vingt ans d'avance et parfois davantage.

C e sont les malheureux de la terre ", avait écrit C éline. Reconnaissons et saluons en lui le premier de ces malheureux-là.. »

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