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L'originalité de Maupassant

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Maupassant nie comme à plaisir tout ce qui peut entretenir l'espérance chez les hommes. Il dépasse sur ce point Flaubert, qui croyait au moins à l'art; et il s'apparente à Schopenhauer, en qui il reconnaît « le plus grand saccageur de rêves qui ait passé sur la terre ». Maupassant nie la Providence, car Dieu « est ignorant de ce qu'il fait »; il nie la croyance au génie humain, car l'homme n'est rien de plus qu'une bête, à peine supérieure aux autres : « Nous ne savons rien, nous ne devinons rien, nous n'imaginons rien. » La philosophie donne des explications saugrenues de problèmes dont la solution nous échappera toujours; la science se heurte aussi à l'inconnaissable; la religion est une duperie. Quant à la vie sociale, elle étale le spectacle affreux de « l'éternelle, universelle, indestructible et omnipotente bêtise ». D'ailleurs chaque être est isolé, impénétrable pour son semblable : aussi les liens qui se nouent entre les humains, amour ou amitié, n'offrent-ils que des consolations illusoires.

« 1 Le pessimisme La vision du monde chez Maupassant révèle un pessimisme invétéré, qui s'est exprimé sous des formes diverses au cours de sa carrière littéraire. LA NÉGATION DE L'ESPÉRANCE Maupassant nie comme à plaisir tout ce qui peut entretenir l'espérance chez les hommes.

Il dépasse sur ce point Flaubert, qui croyait au moins à l'art; et il s'apparente à Schopenhauer, en qui il reconnaît « le plus grand saccageur de rêves qui ait passé sur la terre ». Maupassant nie la Providence, car Dieu « est ignorant de ce qu'il fait »; il nie la croyance au génie humain, car l'homme n'est rien de plus qu'une bête, à peine supérieure aux autres : « Nous ne savons rien, nous ne devinons rien, nous n'imaginons rien.

» La philosophie donne des explications saugrenues de problèmes dont la solution nous échappera toujours; la science se heurte aussi à l'inconnaissable; la religion est une duperie.

Quant à la vie sociale, elle étale le spectacle affreux de « l'éternelle, universelle, indestructible et omnipotente bêtise ».

D'ailleurs chaque être est isolé, impénétrable pour son semblable : aussi les liens qui se nouent entre les humains, amour ou amitié, n'offrent-ils que des consolations illusoires. L'EXPRESSION DU DÉSESPOIR Cette philosophie désolée a donné naissance, dans l'oeuvre de Maupassant, à des réactions en apparence contradictoires, mais qui sont, en fait, souvent liées à son état physique et mental. Le sarcasme.

Le jeune conteur de La Maison Tellier et de Mademoiselle Fiji exprime son pessimisme sous une forme généralement sarcastique et brutale.

Encore tout imprégné des leçons de son maître Flaubert, Maupassant sonde les bassesses du coeur avec une délectation vengeresse, grossit le trait jusqu'à la caricature et se plaît à scandaliser. La pitié.

Lorsque sa santé s'altère, Maupassant tend à quitter le ton sarcastique pour se pencher avec sympathie sur la misère humaine.

Il peint des bourgeois crédules et niais, mais sans s'égayer à leurs dépens (Monsieur Parent); et il évoque avec une émotion contenue la vie misérable des vieilles filles (Miss Harriett), des malades, des vieillards et des gueux. L'angoisse.

Cependant, le progrès de son mal et l'abus des drogues provoquent en lui de fréquents états d'angoisse, dont il cultive les affres et les effets délirants.

Plusieurs contes témoignent de son goût morbide pour la peur : il analyse ce sentiment irraisonné qui s'empare parfois de l'âme anxieuse et la fait frissonner comme si une menace pesait sur elle (La Peur); il peint des névrosés qui redoutent les bruits, la solitude et la nuit (Apparition, Lui ?); un obsédé qui se convainc qu'un être invisible hante sa maison et s'acharne contre lui (Le Horla).

Tous ces récits traduisent sous une forme dramatique ou mythique l'horreur anxieuse de Maupassant devant le mystère. 2 L'art Maupassant a survécu surtout par ses qualités d'artiste : sa maîtrise est le résultat d'une longue réflexion sur son métier d'écrivain. LES IDÉES ESTHÉTIQUES Bien qu'il fût hostile à tout exposé de principes, Maupassant a nettement défini ses idées esthétiques, en particulier dans la préface de Pierre et jean et dans Sur l'eau.

Cette esthétique est originale dans la mesure où elle nuance, au nom d'un goût sûr, ce qu'il y a de rigide et d'arbitraire dans la doctrine naturaliste.

Maupassant estime légitime le désir qu'ont les réalistes et les naturalistes de « faire vrai mais il conteste leurs prétentions à exprimer la seule vérité et la vérité tout entière.

La réalité nous offre indistinctement des faits de toutes sortes, pour la plupart sans intérêt.

Or, « l'art est la vérité choisie et expressive » : le romancier ou le conteur devra donc éliminer tout ce qui n'est pas utile à son sujet et mettre en pleine lumière, par la seule adresse de la composition, ce qui est essentiel et caractéristique.

« Le réaliste, s'il est un artiste, cherchera non pas à nous donner la photographie de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même.

» Il est d'ailleurs fatal que la réalité apparaisse à chaque écrivain sous un jour différent, car tout être se fait une « illusion » du monde conforme à sa nature. En outre, les naturalistes ont tort d'étaler leur documentation et de ne pas épargner au public le long travail qui précède l'éclosion d'une oeuvre : ce qui a demandé effort et peine à l'auteur doit être détente et plaisir pour le lecteur.

En corrigeant ainsi la doctrine de ses contemporains, Maupassant renouait avec quelques principes fondamentaux du réalisme classique. LA MAITRISE DU CONTEUR Les contes de Maupassant, plus encore que ses romans, illustrent ses conceptions esthétiques.

Grâce à un choix judicieux des moyens, ils donnent une impression de simplicité, d'équilibre et de condensation.

Maupassant fixe d'abord son décor avec une brièveté expressive : cour de ferme, place de marché, jardin public, compartiment de chemin de fer.

Il campe ensuite ses personnages : quelques particularités physiques d'un trait un peu appuyé, quelques gestes familiers, quelques mots d'un patois haut en couleur suffisent à révéler la finasserie ou la cupidité d'un paysan du pays de Caux.

Puis il entame son récit ,volontairement simple et même banal : une « histoire arrivée » de pêche ou de chasse; un fait-divers de la vie campagnarde ou de la vie parisienne; mais bientôt, des incidents imprévus précipitent l'action vers sa conclusion inéluctable, souvent tragique, sans que l'auteur se départisse de son calme apparent. Le style de Maupassant confirme cette impression de sobriété expressive.

L'écrivain ne tire aucun effet ni de la sonorité des mots, ni de leur agencement dans la phrase; il suit la ligne la plus banale; pourtant, sous sa simplicité familière et sa limpidité alerte, il cache une technique d'une étonnante sûreté.. »

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