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Le Roman italien

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Un des principaux facteurs qui contribuent à différencier les lettres italiennes de celles des autres pays (même lorsqu'il s'agit de pays limitrophes, comme la France) est l'extrême décentralisation de l'Italie ; celle-ci, en effet, ne compte pas une, mais plusieurs capitales culturelles ; et la café-society ­ pourtant puissante ­ de Rome ou les grandes maisons d'édition de Milan fournissent un tableau à peu près complet de l'état actuel de la situation. Les lettres italiennes ont, en fait, suivi le sort commun de la culture européenne la plus évoluée ; mais, en dépit de tous les apports cosmopolites dont elles ont pu bénéficier ces temps derniers, elles continuent à trouver leur expression la plus authentique et la plus valable dans des modèles essentiellement régionaux.       Aussitôt après la Libération se sont propagées, en Italie comme ailleurs, des théories sur l'engagement en littérature, et le “ néo-réalisme ”, qui suscitèrent de grands espoirs. Au cours des vingt années que dura le régime fasciste, on pensait mal et l'on écrivait fort bien (prose d'art), ou l'on s'exprimait dans un langage obscur (hermétisme), en ne se permettant que quelques rares allusions, d'ailleurs déguisées, à la réalité présente. Dans l'euphorie de la liberté reconquise, on s'attacha surtout au témoignage pris sur le vif, à la prise de conscience d'une série d'événements dramatiques qui portaient l'homme à douter de sa propre humanité, comme la guerre et la Résistance ­ reflets de circonstances exceptionnelles qui, dans le dénuement matériel général, bouleversaient les destinées les plus diverses que la mort, toujours présente, rendait éminemment précaires. Mais ce fut là un feu de paille : de la plupart des oeuvres romanesques, poétiques ou théâtrales qui firent prime durant ces dix Années, presque aucun souvenir ne subsiste aujourd'hui. Il manquait à ces productions littéraires le cachet d'un style définitif. La “ mimesis ” du réel tentée par un Ginseppe Berto (Il cielo è rosso), un Dante Arfelli (I superflui) ou un Sivio Micheli (Pane duro) était gauche, soutenue par une créativité de tout repos. Seuls parvinrent à émerger les auteurs qui, comme Cesare Pavese ou Rocco Scotellaro, le jeune poète prématurément disparu, avaient misé sur des thèmes plus complexes.   

« Le Roman italien Un des principaux facteurs qui contribuent à différencier les lettres italiennes de celles des autres pays (même lorsqu'il s'agit de pays limitrophes, comme la France) est l'extrême décentralisation de l'Italie ; celle-ci, en effet, ne compte pas une, mais plusieurs capitales culturelles ; et la café-society pourtant puissante de Rome ou les grandes maisons d'édition de Milan fournissent un tableau à peu près complet de l'état actuel de la situation.

Les lettres italiennes ont, en fait, suivi le sort commun de la culture européenne la plus évoluée ; mais, en dépit de tous les apports cosmopolites dont elles ont pu bénéficier ces temps derniers, elles continuent à trouver leur expression la plus authentique et la plus valable dans des modèles essentiellement régionaux. Aussitôt après la Libération se sont propagées, en Italie comme ailleurs, des théories sur l'engagement en littérature, et le “ néo-réalisme ”, qui suscitèrent de grands espoirs.

Au cours des vingt années que dura le régime fasciste, on pensait mal et l'on écrivait fort bien (prose d'art), ou l'on s'exprimait dans un langage obscur (hermétisme), en ne se permettant que quelques rares allusions, d'ailleurs déguisées, à la réalité présente.

Dans l'euphorie de la liberté reconquise, on s'attacha surtout au témoignage pris sur le vif, à la prise de conscience d'une série d'événements dramatiques qui portaient l'homme à douter de sa propre humanité, comme la guerre et la Résistance reflets de circonstances exceptionnelles qui, dans le dénuement matériel général, bouleversaient les destinées les plus diverses que la mort, toujours présente, rendait éminemment précaires. Mais ce fut là un feu de paille : de la plupart des oeuvres romanesques, poétiques ou théâtrales qui firent prime durant ces dix Années, presque aucun souvenir ne subsiste aujourd'hui.

Il manquait à ces productions littéraires le cachet d'un style définitif.

La “ mimesis ” du réel tentée par un Ginseppe Berto (Il cielo è rosso), un Dante Arfelli (I superflui) ou un Sivio Micheli (Pane duro) était gauche, soutenue par une créativité de tout repos.

Seuls parvinrent à émerger les auteurs qui, comme Cesare Pavese ou Rocco Scotellaro, le jeune poète prématurément disparu, avaient misé sur des thèmes plus complexes. En outre, les oeuvres les plus valables sur le plan narratif (qui étaient représentées non pas par des romans, mais par les films de Roberto Rossellini, de Vittorio de Sica, etc.) ont perdu, avec le temps et l'évolution des circonstances auxquelles elles étaient étroitement liées, une bonne part de leur mordant.

Il va sans dire que ce phénomène s'est produit aussi bien à l'étranger en France, par exemple qu'en Italie, pour les raisons dont SartreL195 a donné une si pénétrante analyse dans la troisième partie de l'ouvrage intitulé Qu'est-ce que la littérature ? Ce qui, en revanche, demeure une prérogative de la situation des lettres italiennes est “ l'aisance ” avec laquelle se sont constituées des “ écoles ”, des “ manières ” circonscrites à une région voire à une ville et dotées de caractéristiques bien particulières, avec dés tendances de même type et un substratum culturel commun, sans parler des régionalismes d'ordre purement linguistique. On pourrait adopter, notamment en ce qui concerne les oeuvres narratives et les essais, un mode de classification strictement géographique. Considérons par exemple les écrivains piémontais : on s'apercevra bientôt que l'oeuvre d'un romancier connu, comme Cesare PaveseL161, ne prend toute sa signification et sa valeur que si on la replace dans le contexte dans lequel son auteur l'a élaborée.

L'atmosphère des romans de PaveseL161 est empreinte d'un stoïcisme austère, introspectif et farouche presque jusqu'à la misanttropie, que l'on retrouve avec des accents et une qualité humaine différents chez le maître de PaveseL161, Augusto Monti, chez son compagnon Giaime PintorL1714 et chez ses deux disciples d'élection, Italo CalvinoL1180 et Beppe FenoglioL1334.

L'oeuvre de ces écrivains piémontais est marquée par un dépouillement voulu, une rigueur formelle, une pudeur dans l'expression qui exclut toute affectation, toute mièvrerie ; et même si PaveseL161, bien que s'articulant au terroir, aux célèbres Langhe (c'est-à-dire au monde des “ lourdauds ”, par opposition à celui des “ droits ”), demeure malgré lui tributaire de ses modèles paniques et néo- romantiques, un CalvinoL1180 et un FenoglioL1334 sont parvenus en revanche à acquérir vis-à-vis de leur sujet le détachement des philosophes éclairés du XVIIIe siècle, voire la froide objectivité des chroniqueurs du temps jadis. Pour les écrivains lombards, ce sont les préoccupations d'ordre purement formel qui dominent : et les rapports complexes, faits à la fois d'amour et de haine, qu'ils entretiennent avec la langue nationale, dont la conquête leur a été difficile, ont donné naissance à un style heurté qui révèle un conflit perpétuel entre le fond et la forme bref, à l'expressionnisme.

Milan a été, à la fin du siècle dernier, le berceau du mouvement littéraire connu sous le nom de “ scapigliatura ”.

Ce mouvement au programme agressivement bohème et antibourgeois, qui avait pour représentants Carlo DossiL1292, Emilio De MarchiL1584, etc., a eu des prolongements à travers certains écrivains intermédiaires comme Linati, et a marqué une importante partie de l'oeuvre de Carlo Emilio GaddaL1365 de la Madonna dei filosofi (1931) au Castello di Udine (1934), de l'Adalgisa aux Novelle dal Ducato in fiamme (1953) partie qui se situe avant la période “ florentine ” et celle, “ romaine ”, de l'auteur du célèbre Affreux Pastis. Le dernier en date des représentants de cette lignée est Giovanni TestoriL1895 qui, dans sa série de romans et de pièces de théâtre intitulée I segreti di Milano, nous a donné une image à la fois vigoureuse et poétique de la réalité de la banlieue et du sous-prolétariat de Milan, et dont la prose, dans certains passages particulièrement bien venus, s'élève à une pureté toute classique. La Vénétie possède, notamment à Vicence et à Trieste, une solide tradition littéraire.

Le grand maître des lettres vicentines au XIXe est Antonio Fogazzaro qui, préoccupé de questions d'ordre essentiellement moral et perpétuellement écartelé entre la sensualité et la foi, a produit une oeuvre tout entière baignée dans une atmosphère trouble et ambiguë.

Cette atmosphère des romans de Fogazzaro continue d'ailleurs à marquer tous les écrivains qui se sont attachés, après lui, à dépeindre cette province, de Giovanni Comisso à Guido PioveneL1715 et aux jeunes auteurs Goffredo PariseL1685 et Luigi Meneghello (dont il faut lire le beau roman Libera nos a malo, paru en 1963).

D'un côté l'abjection des sens, de la “ mauvaise foi ” existentielle, de l'autre la probité rigide qui accuse et démystifie : il est malheureusement impossible au lecteur de discerner où vont les sympathies de l'auteur s'il est, du fond de son être, complice de ses nauséabonds personnages, ou si, au contraire, il les regarde se débattre du haut de l'inconfortable observatoire du courage intellectuel et de la dénonciation impitoyable. Il est difficile, quand on parle de Trieste, de ne pas évoquer Italo SvevoL211 et le climat très “ Europe centrale ” qui y règne depuis le long séjour de celui-ci.

Cette ville, pratiquement isolée du reste de la péninsule, mais dont la culture se rattache à celle de l'ex-empire austro-hongrois (et notamment de Vienne, sa capitale), a toujours eu sur le plan littéraire un caractère à part : en retard sur les autres auteurs italiens sur le plan de la forme proprement dite (depuis SvevoL211, on accuse toujours les écrivains triestins de mal écrire), ses représentants se situent néanmoins à l'avant-garde en tout ce qui concerne le mouvement des idées, la technique du roman, etc.

Il est significatif de constater que la renommée de. »

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