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Le réalisme

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Entre 1850 et 1890 la littérature occidentale est dominée par un mouvement auquel on donne le nom de réalisme : le Naturalisme en est la pointe extrême et la manifestation la plus tardive. Bien des oeuvres échappent, sans doute, à cette orientation collective, certainement moins tyrannique que ne le fut l'impulsion romantique. En pleine période réaliste, en France, Baudelaire annonce le Symbolisme et Barbey d'Aurevilly prolonge le romantisme ; Newman et Ruskin, en Angleterre, mettent l'accent sur les valeurs irrationnelles ; et le génie allemand se reconnaît bien plus dans l'oeuvre de Wagner et de Nietzsche que dans les romans de Gustav Freytag. Mais il demeure vrai que la réaction antiromantique qui, un peu partout, s'esquisse vers 1850 confère une unité relative à la littérature de ce temps.

« Le réalisme Entre 1850 et 1890 la littérature occidentale est dominée par un mouvement auquel on donne le nom de réalisme : le Naturalisme en est la pointe extrême et la manifestation la plus tardive.

Bien des oeuvres échappent, sans doute, à cette orientation collective, certainement moins tyrannique que ne le fut l'impulsion romantique.

En pleine période réaliste, en France, Baudelaire annonce le Symbolisme et Barbey d'Aurevilly prolonge le romantisme ; Newman et Ruskin, en Angleterre, mettent l'accent sur les valeurs irrationnelles ; et le génie allemand se reconnaît bien plus dans l'oeuvre de Wagner et de Nietzsche que dans les romans de Gustav Freytag.

Mais il demeure vrai que la réaction antiromantique qui, un peu partout, s'esquisse vers 1850 confère une unité relative à la littérature de ce temps. La France se libère du romantisme assez tardivement, mais c'est elle qui pousse le réalisme jusqu'à ses dernières conséquences et qui, des déclarations de Champfleury à celles de Flaubert, des manifestes de Zola (le Roman expérimental) aux préfaces de Germinie Lacerteux et de Pierre et Jean, en affirme le plus nettement la théorie. L'époque littéraire qui, dans l'ordre de la création romanesque, va de l'oeuvre de Flaubert, des Goncourt, de Zola, de Daudet, de Maupassant à celle de Huysmans, de Mirbeau, de Vallès ; qui, dans l'ordre de la critique, comprend l'oeuvre du Sainte-Beuve d'après 1849 de Taine, de Renan ; qui assiste à la poésie de Leconte de Lisle, du Gautier d'Emaux et Camées, des Parnassiens ainsi qu'à la formation du théâtre bourgeois, mérite bien d'être appelée réaliste. En Angleterre, au même moment, domine la pensée scientifique, utilitariste et évolutionniste (celle de Stuart Mill, de Darwin, de Spencer, de Huxley) ; les illusions byroniennes et le romanesque historique de Walter Scott cèdent la place à la lucidité désabusée de Thackeray, au souci documentaire de Trollope, de Reade, de Wilkie Collins, aux préoccupations humaines de George Eliot ; la poésie réfléchie, philosophique de Browning succède au pur lyrisme de Shelley et de Keats.

En Allemagne, les fresques sociales de Freytag et de Fontane remplacent le Märchen symbolique ; l'enquête historique de Treitschke et de Mommsen succède aux grandes synthèses métaphysiques, et les problèmes de la société moderne supplantent la " fleur bleue " d'Ofterdingen : sous l'influence de Strindberg, d'Ibsen et du " théâtre libre " d'Antoine, la scène allemande connaît une importante floraison naturaliste que dominent les pièces de Hauptmann.

En Russie, 1852 marque un tournant, l'avènement d'un âge de la prose et du roman succédant à l'âge de la poésie : c'est l'année où paraissent les Récits d'un Chasseur de Tourgueniev et Enfance de Tolstoï.

Et, dans l'Europe tout entière, de la Pologne à l'Italie, de la Scandinavie à l'Espagne, foisonnent un roman et un théâtre d'observation contemporaine ou de reconstitution d'un passé récent. Saisissant est le contraste d'une telle époque avec l'époque romantique.

Le romantisme avait été le moment de la poésie : le réalisme est celui de la prose du roman.

" L'esprit s'est détourné de la poésie ", note Gautier en 1867. Sans doute y a-t-il une poésie réaliste : mais les poètes de l'heure soumettent tous la poésie à autre chose qu'ellemême : à une passion toute scientifique de connaissance (Browning), à la description (Leconte de Lisle), à l'utilité sociale et morale (Holz, Nekrassov), au récit et à la pensée (Tennyson, Spitteler, Carducci).

Nul ne considère la poésie comme la suprême valeur. C'est l'intelligence dans sa volonté de connaissance lucide et son aptitude critique qui est maintenant la première valeur.

" La volonté illimitée de parvenir à la connaissance ", c'est ainsi que Nietzsche définit son temps.

Taine se prononce contre " le rêve et l'abstraction ", et Renan identifie l'écrivain au savant et au philosophe.

De L'Origine des espèces de Darwin au Cours de philosophie positive de Comte, des Premiers principes de Spencer au Port Royal de Sainte-Beuve, de L'Histoire de la Civilisation anglaise de Buckle aux Origines de la France contemporaine, des Essais de Critique et d'Histoire de Macaulay à L'Histoire des Origines du Christianisme de Renan, peut-être les livres les plus significatifs de l'époque sont-ils des livres d'idées. Cependant, ce sont des noms de romanciers qui viennent d'abord à l'esprit quand on songe à la littérature réaliste. De 1850 à 1890, dans la littérature occidentale, c'est l'époque du roman.

A l'importance du roman sont liées la vitalité et l'audience du théâtre.

Le réalisme substitue le drame bourgeois et la comédie de moeurs au drame romantique, et un langage scénique simple et direct succède à l'expression éloquente et poétique des premières années du siècle.

L'évolution du théâtre est parallèle à celle du roman, et l'on passe facilement d'un genre à l'autre : les romans réalistes se prêtent à l'adaptation théâtrale et il serait aisé de convertir en romans les grandes pièces du répertoire réaliste.

D'ailleurs, Freytag est également dramaturge, Strindberg également romancier, et Mirbeau passe des Affaires sont les Affaires à Sébastien Roch, comme Tchekhov du Moine Noir à La Mouette. La transformation du régime littéraire est évidente.

Quelles sont les tendances qui la gouvernent ? Le souci de découvrir et de révéler une réalité que le romantisme avait éludée ou travestie définit tout d'abord le réalisme.

Le mot d'ordre de la littérature devient celui de la science : voir clair.

Dans cet âge scientiste et positiviste, le roman ne peut justifier son existence qu'en sacrifiant la fiction à l'observation.

On abandonne tout ce qui dans le romantisme substituait au réel un irréel : le fantastique, le surnaturel, le rêve, la légende.

Certes, l'exotisme ne disparaît pas, mais il devient un exotisme de l'observation, un exotisme de " choses vues ".

Flaubert part pour Tunis avant d'écrire Salammbô.

Et comme il est plus facile de voir Yvetot que de voir Constantinople, le roman réaliste sera en France le roman des quartiers de Paris et de la province (la Normandie de Flaubert et de Maupassant, le Berry de George Sand, la Provence de Daudet) ; et partout ailleurs une géographie précise localise la création romanesque : c'est le Stockholm de Strindberg, le Holstein de Storm, la Sicile de Verga, les Grisons de C.

F.

Mayer, la campagne de Zurich de Gottfried Keller, la Prusse de Fontane, le Portugal d'Eça de Queiroz, le Wessex de Thomas Hardy.

La poésie elle-même n'est pas exempte de régionalisme : Mistral écrit le poème de la Provence, comme Verdaguer celui de la Catalogne.. »

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