Le Nouveau Théâtre
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LE NOUVEAU THÉATRE
Parallèlement à ce qui se passait vers 1950 pour notre roman, un certain nombre de dramaturges, sans se concerter, eurent en
commun l'intention de renouveler le théâtre en rompant avec la plupart des critères jusqu'alors acceptés : temps et lieu, action,
caractères, langage.
Dans le « Nouveau Théâtre », le déroulement d'une pièce n'est déterminé ni par un temps, ni par
un lieu précis.
L'action ne comporte plus une exposition, une crise et un dénouement : elle est réduite au minimum,
parfois inexistante.
Les personnages sont, en général, dégagés de toute appartenance sociale et vidés de tout
contenu psychologique : ce sont des archétypes presque sans visage, quelquefois sans nom.
Le langage enfin tend à
ne plus être considéré comme un moyen de communication : son incohérence et son vide révèlent le néant de notre
existence.
Considéré sous son aspect positif, le nouveau théâtre est un tableau de la condition humaine aux prises avec un
univers absurde; mais il ne disserte pas sur la détresse de l'homme, il se contente de la montrer, en utilisant au
maximum les éléments visuels du spectacle : gestes, lumière, sons et surtout objets.
Enfin, le nouveau théâtre
présente un dosage original de comique et de tragique.
SAMUEL BECKETT (né en 1906)
Né à Dublin, Samuel Beckett, après avoir été assistant de littérature française dans sa ville natale, s'installe à Paris en
1936.
Il écrit d'abord des romans (Murphy, Molloy, Malone meurt, L'Innommable), puis se sent attiré vers la scène.
En
attendant Godot triomphe en 1953 au Théâtre de Babylone avant d'être joué dans le monde entier.
La pièce est une
farce tragique en deux actes.
Deux vagabonds pitoyables, Vladimir et Estragon, échangent quelques propos sur une
route déserte de campagne; ils attendent un certain Godot, dont la venue leur apportera sans doute quelque
réconfort, mais un messager leur apprend que Godot, empêché, ne viendra que demain.
Le jour suivant répète ce qui
s'est passé la veille : Godot sera éternellement attendu.
Samuel Beckett compose ensuite Tous ceux qui tombent, Fin de
partie, Acte sans paroles, La Dernière Bande, Oh! les beaux jours.
Samuel Beckett présente une vision métaphysique de l'univers.
Ses personnages, qui sont souvent des gueux ou de
lamentables épaves, examinent leur sort avec une implacable acuité : ils se posent des questions sur leur existence,
leur identité, la vie future.
Leur seule consolation est dans le langage, qui leur donne la sensation d'exister et
d'oublier leur misère.
Mais, en fait, les propos qu'ils échangent ne sont qu'inanité et mensonge.
Dramaturge d'un noir
pessimisme, Beckett est aussi un auteur qui fait rire.
Son comique s'apparente au comique de cirque : ses héros
dérisoires sont des clowns qui tombent par terre, reçoivent des coups de pied ou font de grossiers calembours.
La
répétition mécanique de leurs gestes et de leurs paroles révèle ce qu'il y a de bouffon et d'atroce dans notre
existence.
En attendant Godot, écrit Jean Anouilh, est « un sketch des Pensées de Pascal traité par les Fratellini »
ARTHUR ADAMOV (1908-1970)
D'origine russe, Arthur Adamov s'établit tout jeune à Paris.
En 195o, L'Invasion, mise en scène par Jean Vilar, est jouée
au Studio des Champs-Élysées.
Adamov fait représenter ensuite La Grande et la Petite Manoeuvre (195o), La Parodie
(1952), Le Professeur Taranne (1953), Le Sens de la marche (1953), Tous contre tous (1953).
Les pièces postérieures ne
relèvent guère du nouveau théâtre.
Adamov peint la détresse de l'homme voué à la solitude et à la persécution.
Ses personnages, sans identité nettement
formulée, évoluent dans une atmosphère de cauchemars, condamnés à l'échec de leurs entreprises par leur incapacité
à communiquer avec autrui et traqués par des puissances mystérieuses.
Le théâtre d'Adamov est un théâtre visuel; tout y est concret : ainsi, dans L'Invasion, le désordre de l'appartement est
l'image sensible du désordre qui règne dans l'esprit des personnages; les coups de sifflets des moniteurs de La
Grande et la Petite Manoeuvre traduisent la pesée d'une fatalité énigmatique.
Le dialogue est réduit à des répliques
banales et oiseuses; cependant, sous sa platitude aride, affleure un certain lyrisme.
JEAN GENET (né en 1910)
Né à Paris, Jean Genet est confié dès l'âge de dix ans à une maison de redressement.
Il compose d'abord des
romans (Notre-Dame des fleurs, Miracle de la rose) et une confession, Journal du voleur.
En 1947, Louis Jouvet crée sa première pièce, Les Bonnes, au théâtre de l'Athénée.
Deux bonnes, Claire et Solange,
qui ont pris l'habitude de jouer à la servante et à la patronne, tentent, pour assouvir leur révolte refoulée, de verser
du thé empoisonné à leur maîtresse, mais elles manquent leur coup.
Restées seules, elles reprennent leur jeu; Claire,
dans le rôle de Madame, se fait servir le thé par Solange : en mourant ainsi, elle donne corps à un de ses rêves,
tandis que Solange trouve dans son crime même la justification de son existence.
Genet fait ensuite représenter Haute
Surveillance (1949), Le Balcon (1956), Les Nègres (1959) et Les Paravents (1966).
Dans Les Nègres, une troupe d'acteurs
noirs satisfait ses rêves de vengeance en jouant le meurtre d'une Blanche, tandis que les spectateurs, formés d'autres
Nègres déguisés en Blancs, simulent le rigorisme hypocrite sous un régime colonialiste; dans Les Paravents, toute une
série de tableaux inspirés par l'histoire de l'Algérie en lutte pour son indépendance dénoncent l'éternelle misère des
hommes, leur fanatisme, leurs convoitises et leur aveuglement.
En dépit de la grossièreté systématique de son langage, Jean Genet défend une conception noble du théâtre, qu'il fonde,
comme en Orient, sur un rituel; mais, dans l'univers de Genet, les valeurs traditionnelles sont inversées : c'est le mal
qui est sanctifié; c'est l'enfer qui est le paradis.
Une autre originalité de Genet réside dans sa façon de suggérer, par
des jeux de miroirs et de reflets, que tout ici-bas n'est qu'illusion; le monde des apparences est toutefois plus pur et
plus séduisant que la réalité..
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