Devoir de Français

Le comique exige, pour produire tout son effet, quelque chose comme une anesthésie momentanée du coeur ?

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S'ils entendent des rires, de la part de ceux que le deuil ne touche pas suffisamment et qui sont « anesthésiés », ils ne comprendront pas et en seront même peines. L'exemple idéal, celui que nous offre à la fois la réalité quotidienne et le théâtre, c'est celui de la vanité, défaut à la fois superficiel et profond : on le blesse, il ne guérit pas ; on le flatte et il en résulte une reconnaissance durable ou profonde. Admiration de soi fondée sur l'admiration qu'on croit inspirer aux autres, la vanité est plus naturelle encore que l'égoïsme, et c'est pourquoi, plus qu'Argan, Monsieur Jourdain est foncièrement comique. C'est de celui-ci en effet que nous voulons parler. Ridicule dans ses gestes, ses manières, son costume, et ses moindres réflexes, ce perroquet des gens de qualité heurte notre intelligence mais jamais notre sensibilité. Molière l'a vêtu de rouge, de vert et de jaune, aux couleurs du perroquet. Sa vanité est telle qu'il abandonnerait toute sa bourse au garçon tailleur qui lui donne du Monseigneur ; il se ruine pour l'homme qui parle de lui dans l'antichambre du roi ; il donne aveuglément la main de sa fille au prétendu fils du Grand Turc. II. - Mais son vice n'est ni l'égoïsme profond d'un Argan, ni l'exigeante et aveugle avarice, ni rien de tout cela ; ce n'est qu'une douce maniaquerie dont nous nous amusons franchement car notre coeur n'est sollicité par aucun trouble. Mais imaginons un instant que Dorimène soit un danger pour l'équilibre du ménage ou que le gendre voulu par cet ancien marchand de drap soit une sorte de Thomas Diafoirus de cour, avorton ennobli et sordide.

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