La critique littéraire au temps du romantisme
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« La critique littéraire a lentement conquis ses titres de noblesse. Pratiquée d'abord par les écrivains en marge de leur création proprement dite, elle s'est constituée peu à peu comme une activité autonome; au XIXe siècle, elle s'élève au niveau des grands genres littéraires. Au temps du romantisme, les défenseurs des traditions classiques, comme Nisard, s'opposent aux défenseurs de l'esthétique nouvelle. Mais de nombreux critiques refusent désormais de juger les oeuvres au nom d'un idéal défini et condamnent le dogmatisme en matière de goût : ainsi, Villemain applique les méthodes de la critique dite explicative ou historique. A sa suite, Sainte-Beuve, avec beaucoup plus d'art et de souplesse, s'attache à étudier les écrivains dans l'intimité de leur vie et à les faire revivre dans leur singularité; ses études sont souvent des modèles de discernement, de pénétration et de finesse. Pendant la première moitié du XIXe siècle, les critiques sont nombreux. Les uns, comme Jules Janin, commentent cavalièrement, les nouveautés de la scène; d'autres, comme Nisard ou Saint-Marc Girardin édifient des théories et prétendent restaurer les traditions de l'art classique; d'autres encore, comme Villemain, s'efforcent d'expliquer objectivement la naissance des œuvres littéraires. LE FEUILLETON DRAMATIQUE Jules Janin (1804-1874) abandonne le droit pour la littérature et se signale à l'attention du public comme romancier en publiant une oeuvre étrange, L'Ane mort et la Femme guillotinée (1829), qui semble une parodie du roman frénétique et macabre. L'année suivante, il entre au Journal des Débats, où, à partir de 1835, il assure seul le feuilleton dramatique; pendant près de quarante ans, il est considéré comme « le prince des critiques ». Il recueille ses feuilletons en une Histoire de la littérature dramatique comportant six volumes Janin manie une prose primesautière et brillante, cultive le paradoxe et séduit parfois grâce à son esprit; mais il est souvent bavard et frivole. LA CRITIQUE CLASSIQUE : DÉSIRÉ NISARD Désiré Nisard (1806-1888), rédacteur au Journal des Débats et professeur de littérature française à l'École Normale, flétrit le romantisme dans son Manifeste contre la littérature facile (1833); dans son Histoire de la littérature française (1844-1849), il juge les écrivains au nom de l' « esprit français ». Il admire sans réserve le classicisme, qui, selon lui, marque le triomphe du génie national. Nisard rachète par un style précis et nerveux l'étroitesse de son dogmatisme. Saint-Marc Girardin (180r-1873), professeur à la Sorbonne, publie un Cours de littérature dramatique (1843), où il étudie le théâtre depuis l'antiquité jusqu'aux temps modernes; il veut montrer que les écrivains romantiques ont dénaturé, en les portant à la scène, les grands sentiments humains; et il attaque la littérature nouvelle au nom de la morale. LA CRITIQUE EXPLICATIVE : VILLEMAIN Villemain (1790-1870), professeur d'éloquence française à la Sorbonne, puis ministre de l'Instruction publique, insiste sur l'importance du milieu social dans la genèse des ouvrages de l'esprit. Après Mme de Staël, il s'attache à déterminer l'influence réciproque de la société sur l'écrivain et de l'écrivain sur la société, ainsi que les actions et réactions des diverses civilisations les unes sur les autres. Son Tableau de la littérature au Moyen Age et son Tableau de la littérature au XVIIIe siècle (1828-1829) illustrent sa méthode. Villemain joint à une érudition solide un style clair et nuancé; mais il considère d'un peu haut les grands événements de l'histoire de la littérature. « L'explication » des oeuvres sera poussée beaucoup plus loin par Sainte-Beuve : il reste à Villemain le mérite de lui avoir frayé la voie. »
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