LA CONDITION DES ÉCRIVAINS AU 18 ième siècle
Extrait du document
«
A l'aisance bourgeoise, les écrivains ne participent guère.
Leur condition matérielle, souvent
médiocre et parfois menacée, n'est pas en rapport avec le rôle essentiel qu'ils jouent dans la
vie sociale.
LA MÉDIOCRITÉ MATÉRIELLE
Beaucoup d'écrivains vivent de leur plume; mais le travail intellectuel est mal rétribué.
Jusqu'en 1777, aucune législation ne fixe le droit de propriété littéraire.
Les auteurs peu connus
végètent misérablement; ils « compilent pour avoir du pain ».
Les auteurs célèbres ne sont
guère plus favorisés : Montesquieu ne tire aucun profit matériel de son oeuvre maîtresse,
L'Esprit des Lois, éditée pourtant vingt-deux fois en moins de deux ans et traduite dans toutes
les langues.
Seul Voltaire fit fortune, mais son cas est spécial : ses revenus provenaient
surtout de ses spéculations financières et des propriétés qu'il avait pu acquérir grâce à elles;
lui-même reconnaît que le métier d'écrivain est « assez ingrat », et il donne en exemple
l'Angleterre, où l'on a un tel respect pour les talents « qu'un homme de mérite y fait toujours
fortune ».
L'INSÉCURITÉ
La censure et les persécutions entravent encore la liberté d'expression.
La hardiesse
croissante des ouvrages suscite des répressions sévères.
Un arrêt du Conseil du Roi ou du
Parlement peut supprimer un ouvrage par le feu ou par le pilon; une simple lettre de cachet
suffit pour envoyer son auteur à la Bastille ou à Vincennes.
Ainsi Voltaire fut emprisonné en
1717 pour avoir laissé circuler une satire politique écrite de sa main; Diderot, en 1749, pour
avoir publié la Lettre sur les Aveugles, où perçait son irréligion.
Encore après 175o, malgré
l'affaiblissement du pouvoir central, la surveillance continue à s'exercer : la publication de
l'Encyclopédie fut suspendue à plusieurs reprises, et un arrêt du Parlement obligea Rousseau à
fuir en Suisse, après la publication de l'Émile.
LE PRESTIGE SOCIAL
Les hommes de lettres, cependant, acquièrent, avec l'indépendance, le droit à la
considération.
Protégés par le roi ou par les grands, les auteurs du xvite siècle ne pouvaient
s'exprimer en toute liberté.
Au XVIIIe siècle, la cour cesse d'être le point de mire des écrivains;
et comme le pouvoir ne les patronne plus, ils échappent à sa tutelle et s'affranchissent.
Du
même coup, leur condition est universellement respectée : les grands seigneurs et même les
souverains étrangers leur prodiguent les hommages les plus flatteurs et se disputent l'honneur
de les recevoir.
Partout l'aristocratie de l'esprit jouit d'un prestige incontesté.
Enfin, les
hommes de lettres deviennent les maîtres de l'opinion.
L'homme de cabinet du XVIIe siècle se
transforme en homme d'action.
Il prend conscience de la force qu'il représente; il veut être à la
fois l'interprète et le guide de l'opinion publique.
La République des Lettres, formée par l'union
des écrivains, prétend jouer un rôle de premier plan dans la politique et elle dresse, en face du
pouvoir, les droits de la pensée..
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