Devoir de Français

Jules LEFÈVRE-DEUMIER (1797-1857) - L'exécution

Extrait du document

Jules LEFÈVRE-DEUMIER (1797-1857) - L'exécution C'était l'heure agréable où le jour qui décline Ramène la fraîcheur de la brise marine, Où l'on respire en paix : c'était un soir d'été. Le soleil semblait fuir avec rapidité, Et, prêt à se cacher, le soleil, qui peut-être Dans ce funeste jour n'aurait pas dû paraître, Éclaira tout à coup d'un rayon solennel Le front humilié du jeune criminel. Au moment où le ciel, commuant sa sentence, Admettait du guerrier la noble pénitence, La lumière effleura ses boucles de cheveux, Et la hache levée en réfléchit les feux. De l'équité de Dieu cette lueur complice, Ainsi montrait le crime au glaive du supplice Et le coeur le plus dur en fut glacé d'horreur. Tels les peuples jadis croyaient, dans leur terreur, Que, des décrets du ciel échevelé ministre, Se levait la comète, et que l'astre sinistre, Comme le sceau divin des réprobations, Sur la tête des rois balançait ses rayons. Tout est dit : il est temps que l'arrêt s'exécute ; Les heures vont passer leur dernière minute ; Ses crimes sont absous : pour la dernière fois Les grains du chapelet ont tourné sous ses doigts. Tranquille et sans orgueil, il demande au vieux prêtre Ce que Dieu peut lui dire en le voyant paraître ; Et puis de son épaule arrachant son manteau, Il livre ses cheveux à l'affront du ciseau. On le dépouille : il perd cette écharpe charmante Qu'en pleurant ses amours, lui broda son amante, Qu'il crut comme aux combats emporter au tombeau. Pour lui couvrir les yeux s'apprêtait le bandeau. Quand son superbe front repousse un tel outrage ; Dans son coeur indompté ramassant son courage, Et d'un profond dédain soulevant la fierté : " Esclave, à mes regards laisse la liberté. " Le crime est une dette, un peu de sang l'acquitte ; " Je te donne le mien, prends tout, que je sois quitte. " Devant ce bras captif si la mort ne peut fuir, " Je veux qu'au moins mes yeux puissent le voir venir. " Et sur le noir billot il va poser la tête. Le bourreau stupéfait le regarde et s'arrête : " Allons, frappe " ; et vers lui le bourreau se courba ; " Frappe donc ! " cria-t-il ; et la hache tomba. Le tronc recule et meurt, le sang jaillit et coule, La tête convulsive au loin bondit et roule ; L'oeil terne agite encore un regard effacé, Puis la bouche se serre, et la vie a cessé...

Liens utiles