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Jonathan Swift

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Voici des plus grands écrivains de tous les temps, et peut-être le plus malheureux. Sa vie ne fut qu'une longue colère. Son orgueil blessé le poussait à l'arrogance et à la brutalité. Swift était irlandais, donc rebelle, et il avait été au service des Grands, donc révolté. Ses premiers patrons lui avaient fait donner de petites prébendes ecclésiastiques. Vers 1701, à trente-quatre ans, il décida d'abandonner la théologie pour la politique. Plus exactement, ce Docteur en Divinité tourna théologie et politique en la plus sauvage satire. 1702-1714. C'est le temps de la Reine Anne, souveraine insulaire, étroitement anglicane, farouchement tory, tout occupée de ses amours féminines. Sous l'influence de Swift, de Daniel Defoe, d'Addison et de Steele, les controverses deviennent alors aussi violentes que brillantes. Swift, ami des tories et de la haute Église, écrivit en leur faveur le Conte du Tonneau, obus de papier chargé de prose explosive, puis, en 1708, l'ironique Discours pour prouver que, dans l'état présent des choses, l'abolition du christianisme aurait en Angleterre quelques inconvénients. Il devint un pouvoir dans l'État, le pamphlétaire officiel des tories, le familier des ministres. Il en vint à se regarder comme un être placé au-dessus de tous, sans distinction de naissance, de sexe ou d'emploi. "Il vivait, dit Taine, en roi tombé, toujours insultant et blessé, ayant toutes les misères de l'orgueil sans aucune de ses consolations. Son visage et son style demeuraient impassibles, mais cette froideur apparente n'était que pour masquer des passions qui allaient à la folie. Il savait lui-même que son esprit était "comme un démon conjuré, qui ravagerait tout, s'il se refusait à lui donner du travail".

« Jonathan Swift Voici des plus grands écrivains de tous les temps, et peut-être le plus malheureux.

Sa vie ne fut qu'une longue colère.

Son orgueil blessé le poussait à l'arrogance et à la brutalité.

Swift était irlandais, donc rebelle, et il avait été au service des Grands, donc révolté.

Ses premiers patrons lui avaient fait donner de petites prébendes ecclésiastiques.

Vers 1701, à trente-quatre ans, il décida d'abandonner la théologie pour la politique.

Plus exactement, ce Docteur en Divinité tourna théologie et politique en la plus sauvage satire. 1702-1714.

C'est le temps de la Reine Anne, souveraine insulaire, étroitement anglicane, farouchement tory, tout occupée de ses amours féminines.

Sous l'influence de Swift, de Daniel Defoe, d'Addison et de Steele, les controverses deviennent alors aussi violentes que brillantes.

Swift, ami des tories et de la haute Église, écrivit en leur faveur le Conte du Tonneau, obus de papier chargé de prose explosive, puis, en 1708, l'ironique Discours pour prouver que, dans l'état présent des choses, l'abolition du christianisme aurait en Angleterre quelques inconvénients. Il devint un pouvoir dans l'État, le pamphlétaire officiel des tories, le familier des ministres.

Il en vint à se regarder comme un être placé au-dessus de tous, sans distinction de naissance, de sexe ou d'emploi.

"Il vivait, dit Taine, en roi tombé, toujours insultant et blessé, ayant toutes les misères de l'orgueil sans aucune de ses consolations.

Son visage et son style demeuraient impassibles, mais cette froideur apparente n'était que pour masquer des passions qui allaient à la folie.

Il savait lui-même que son esprit était "comme un démon conjuré, qui ravagerait tout, s'il se refusait à lui donner du travail". Les seuls éléments de douceur qui entrèrent dans la composition de Swift lui vinrent de deux femmes.

Esther Johnson (Stella), qu'il avait connue, jeune fille, chez Sir William Temple, son premier patron, vint plus tard s'installer en Irlande près de lui.

Leurs relations intimes demeurent un mystère.

L'épousa-t-il secrètement ? On ne sait.

Il est probable que Swift, par infirmité physique, était impropre au mariage, mais il aima "Stella", douloureusement.

Ce qu'on appelle le Journal à Stella est fait de soixante-cinq lettres qu'il lui adressa.

Le soir du jour où elle mourut, en 1728, il écrivit un Portrait de Stella qui est déchirant par la tranquillité désespérée du ton. Une autre jeune fille, Esther Vanhomrigh, fille d'un riche marchand de Dublin, fort belle et que Swift avait surnommée "Vanessa" eut, elle aussi, le malheur d'aimer ce misogyne de génie, capable de tendresse mais non d'amour.

Il n'eut ni le courage de la sacrifier à Stella, ni le pouvoir de la rendre heureuse.

Lasse à la fin d'attendre et de douter, Vanessa prit le dangereux parti d'écrire à Stella pour lui demander ce qu'étaient ses relations avec Swift.

Stella, cruellement, envoya la lettre à Swift, qui galopa jusque chez Vanessa et la foudroya par la véhémence de ses reproches.

Elle en mourut quelques semaines plus tard.

"Je crois que j'aurais supporté plus volontiers la torture que les mortelles paroles que vous m'avez dites", lui écrivit-elle. Ces passions et ces misères l'avaient atteint alors qu'il était à la fois au sommet de la gloire et au comble de la disgrâce.

Depuis 1714, son parti n'était plus au pouvoir.

A Swift, les nouveaux maîtres lui avaient donné un os à ronger en le faisant Doyen de la cathédrale Saint-Patrick, à Dublin.

En Irlande, les gens le fuyaient.

L'amertume effraie.

Mais ses écrits lui valaient encore de grands triomphes littéraires.

Les Lettres du Drapier, publiées anonymement, bouleversaient la politique anglaise.

Les Voyages de Gulliver dans plusieurs parties éloignées du globe lui permettaient de dire, sous un déguisement amusant, tout le mal qu'il pensait des partis, de la Cour, de son temps et de l'espèce humaine en général. Après la mort de Stella, il devint plus amer encore.

Jamais rien de plus atroce n'a été écrit que sa Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres de devenir un fardeau pour leurs parents et pour le pays.

Le remède proposé par Swift était de les engraisser, pour les vendre comme viande de boucherie.

Moins sanglants, mais aussi durs, sont les Conseils aux Domestiques.

En ces pamphlets, l'art de souligner d'amères vérités en les poussant jusqu'à la plus folle exagération, atteint à une épouvantable perfection. Cependant, le Doyen de Saint-Patrick administrait sa cathédrale avec sagesse et gravité.

Ce visage convulsé était respecté à Dublin, qui le fit citoyen d'honneur.

Mais la folie avait toujours menacé Swift.

Dès la jeunesse, il avait été sujet à des accès de vertige.

"Ses yeux changeants passaient du candide au terrible." Ses immenses travaux, ses malheurs sentimentaux avaient achevé d'ébranler son esprit.

Un jour, on l'avait vu s'arrêter devant un orme découronné : "Je serai comme cet arbre, avait-il dit, je mourrai par le haut." Dans sa vieillesse, il devint capricieux, méchant, soupçonneux.

Il fallut le faire interdire.

Il vivait seul, ayant pris, comme Gulliver chez les Yahoos, l'horreur des hommes.

Il marchait dix heures par jour.

Puis il tomba progressivement dans la démence.

Un de ses derniers mots fut : "Je suis fou." Il mourut en 1745 et fut enterré dans sa cathédrale, à côté de Stella.

Il avait écrit luimême son épitaphe : HIC DEPOSITUM EST CORPUS JONATHAN SWIFT S.

T.

P. HUIUS ECCLESIAE CATHEDRALIS DECANI UBI SAEVA INDIGNATIO ULTERIUS COR LACERARE NEQUIT. Là au moins, sa sauvage indignation ne peut plus déchirer son cœur.

Sans famille, sans amis, il laissait sa fortune pour construire un asile de fous. "Tout le désigne, en matière d'humour noir, comme le véritable initiateur", écrit André Breton.

L'initiateur et le. »

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