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Hugo, Quatre Vingt Treize, Extrait du chapitre 2 (Deuxième partie)

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Hugo, Quatre Vingt Treize, Extrait du chapitre 2 (Deuxième partie) Le premier de ces trois hommes était pâle, jeune, grave, avec les lèvres minces et le regard froid. Il avait dans la joue un tic nerveux qui devait le gêner pour sourire. Il était poudré, ganté, brossé, boutonné ; son habit bleu clair ne faisait pas un pli. Il avait une culotte de nankin, des bas blancs, une haute cravate, un jabot plissé, des souliers à boucles d'argent. Les deux autres hommes étaient, l'un, une espèce de géant, l'autre, une espèce de nain. Le grand, débraillé dans un vaste habit de drap écarlate, le col nu dans une cravate dénouée tombant plus bas que le jabot, la veste ouverte avec des boutons arrachés, était botté de bottes à revers et avait les cheveux tout hérissés, quoiqu'on y vît un reste de coiffure et d'apprêt ; il y avait de la crinière dans sa perruque. Il avait la petite vérole sur la face, une ride de colère entre les sourcils, le pli de la bonté au coin de la bouche, les lèvres épaisses, les dents grandes, un poing de portefaix, l'oeil éclatant. Le petit était un homme jaune qui, assis, semblait difforme ; il avait la tête renversée en arrière, les yeux injectés de sang, des plaques livides sur le visage, un mouchoir noué sur ses cheveux gras et plats, pas de front, une bouche énorme et terrible. Il avait un pantalon à pied, des pantoufles, un gilet qu i semblait avoir été de satin blanc, et par-dessus ce gilet une roupe dans les plis de laquelle une ligne dure et droite laissait deviner un poignard. Le premier de ces hommes s'appelait Robespierre, le second Danton, le troisième, Marat.

« Introduction. Quatre-vingt-treize est le dernier roman de Victor Hugo.

Comme son titre l'indique, c'est une épopée de la Révolution française qui met en scène un aristocrate, un noble combattant dans les rangs de la Révolution et un homme du peuple incarnant l'intransigeance de la Convention. Ce roman rend compte de l'évolution politique de Victor Hugo ainsi que de sa conception du roman historique.

Ainsi, cet extrait présente de façon objective, semble-t-il, le portrait de trois „ figures remarquables de la Révolution et plus précisément de la Convention.

Nous verrons qu'en réalité l'objectivité cède le pas au mythe, chaque notation réaliste n'étant qu'un prétexte pour qu'affleurent le sens et la définition historique des personnages : la Terreur froide de Robespierre, le tribun populaire qu'est Danton et la violence malsaine représentée par Marat. Comment se mêlent le mythe et la réalité ? I.

Une description apparemment réaliste. A.

La composition du texte. • C'est un texte composé de deux paragraphes : le premier, décrit successivement les trois hommes, le second dévoile sans commentaire subjectif leur identité. • Le plan est identique pour les trois : même longueur, même souci d'objectivité (ex.

: description des vêtements et des chaussures pour chacun des trois hommes), même importance accordée aux mêmes traits (le teint, la peau, la forme des lèvres, la qualité du regard, la coiffure). B.

Des qualités de précision et d'objectivité. • Recours stylistique à l'énumération d'adjectifs (« pâle », « jeune », « grave »), de substantifs (« une culotte de nankin, des bas blancs,une haute cravate, un jabot plissé, des souliers à boucles d'argent »). • Souci de précision dans la description (ex.

: la coiffure de Danton, « quoiqu'on y vit un reste de coiffure et d'apprêt »). • Utilisation de termes techniques (le « nankin », une « rouppe »). • Le réalisme cru dans le portrait de Marat qui insiste sur la laideur, la saleté, afin de créer une impression de malaise (« plaques livides », « cheveux gras et plats », « un gilet qui semblait avoir été de satin blanc »). C.

Parcimonie et atténuation des termes subjectifs. • A propos de Robespierre : relatives et imparfait (« qui devait le gêner pour sourire ») exprimant le doute. • A propos de Danton : alliance d'un terme concret avec un terme abstrait (« une ride de colère, le pli de la bonté [...] »). • A propos de Marat : le verbe sembler (« semblait difforme »). Transition La lecture du premier paragraphe évoque un art du portrait objectif.

Cependant, au-delà même de l'effet de suspens et de coup de théâtre du second paragraphe qui remettent en cause l'apparent réalisme du début du texte, la structure interne laisse présager des effets de sens. II.

Un jeu d'opposition et de progression. A.

Opposition des vêtements. Les vêtements de Robespierre s'opposent point par point à ceux des deux autres personnages : - opposition sociale des vêtements : vêtements de bourgeois ou d'aristocrate pour Robespierre qui porte l'habit, avec la culotte à la française, une chemise à jabot et des souliers à boucles d'argent ; vêtements moins élégants de Danton (habit de drap, cravate dénouée, veste ouverte, bottes à revers) et complètement hétéroclites pour Marat (pantalon à pied et pantoufles, gilet de satin et blouse de drap grossier) ; - opposition symbolique de couleurs : bleu clair pour Robespierre, rouge pour Danton, blanc sale pour Marat (la froideur incorruptible, la vitalité, la violence et la mort chez Danton, un certain malaise physique pour Marat). B.

Opposition psychologique reflétée par la tenue vestimentaire. • Le soin de Robespierre : l'accumulation d'adjectifs (« poudré, ganté, brossé, boutonné »), la constatation (« son habit ne faisait pas un pli »). • Le débraillé de Danton : (« débraillé », « col nu », « cravate dénouée tombant plus bas que le jabot », « boutons arrachés », « cheveux hérissés »). • Marat : impression de malaise, de maladie et de violence ; le gilet couvert par la « rouppe dans les plis de laquelle une ligne droite et dure laissait deviner un poignard » (importance et suspens de la métaphore « ligne droite et dure »).. »

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