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Hafiz de Chiraz

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Si passionnées que soient entre Persans, les controverses sur les choses de la littérature, il est un point, tout au moins, sur lequel tous tombent d'accord, à savoir que Hafiz est le plus grand poète que leur poétique patrie ait jamais vu naître. Mirza Muhammad de Qazvin, critique austère et très révéré, a, plus tard, parfaitement exprimé l'opinion de ses concitoyens, lorsque, invité à proposer un candidat persan pour une place dans un hypothétique Panthéon des plus grands poètes du monde, il a aussitôt et sans hésitation nommé Hafiz. Né à Chiraz, la belle capitale de la province de Fars, en ou vers 1300, un siècle après la première invasion mongole en Perse, et quelque soixante ans après le sac de Bagdad par Hulagu Khan, Shams al-Din Muhammad Hafiz semble avoir été instruit, selon la mode de l'époque, dans les sciences religieuses musulmanes et la langue arabe. Alors que sa vie privée a été passablement calme, Chiraz fut, en ce temps-là, le théâtre de beaucoup d'événements publics très violents et vit s'élever et choir, l'une après l'autre, avec une régularité monotone, grandes et petites dynasties. Lorsque Hafiz résolut de faire de la poésie sa profession ­ et les poètes dépendaient en Perse, pour leur subsistance, de la protection des princes ­ il choisit certainement un gagne-pain des plus hasardeux. Mais tel était le renom que lui avait valu son talent, que jamais il n'a manqué d'un marché où vendre sa précieuse marchandise. Il reçut même ­ mais déclina ­ une flatteuse invitation à la cour d'un gouverneur, dans le lointain Bengale. Abstraction faite de courts voyages à l'intérieur de la Perse, il ne quitta jamais sa ville natale, où il mourut en 1389 ou 1390, assez tôt pour que lui fût épargnée la douleur de voir la ruine de ses loyaux protecteurs et l'humiliation de Chiraz par Tamerlan.

« Hafiz de Chiraz Si passionnées que soient entre Persans, les controverses sur les choses de la littérature, il est un point, tout au moins, sur lequel tous tombent d'accord, à savoir que Hafiz est le plus grand poète que leur poétique patrie ait jamais vu naître.

Mirza Muhammad de Qazvin, critique austère et très révéré, a, plus tard, parfaitement exprimé l'opinion de ses concitoyens, lorsque, invité à proposer un candidat persan pour une place dans un hypothétique Panthéon des plus grands poètes du monde, il a aussitôt et sans hésitation nommé Hafiz. Né à Chiraz, la belle capitale de la province de Fars, en ou vers 1300, un siècle après la première invasion mongole en Perse, et quelque soixante ans après le sac de Bagdad par Hulagu Khan, Shams al-Din Muhammad Hafiz semble avoir été instruit, selon la mode de l'époque, dans les sciences religieuses musulmanes et la langue arabe.

Alors que sa vie privée a été passablement calme, Chiraz fut, en ce temps-là, le théâtre de beaucoup d'événements publics très violents et vit s'élever et choir, l'une après l'autre, avec une régularité monotone, grandes et petites dynasties. Lorsque Hafiz résolut de faire de la poésie sa profession et les poètes dépendaient en Perse, pour leur subsistance, de la protection des princes il choisit certainement un gagne-pain des plus hasardeux.

Mais tel était le renom que lui avait valu son talent, que jamais il n'a manqué d'un marché où vendre sa précieuse marchandise. Il reçut même mais déclina une flatteuse invitation à la cour d'un gouverneur, dans le lointain Bengale.

Abstraction faite de courts voyages à l'intérieur de la Perse, il ne quitta jamais sa ville natale, où il mourut en 1389 ou 1390, assez tôt pour que lui fût épargnée la douleur de voir la ruine de ses loyaux protecteurs et l'humiliation de Chiraz par Tamerlan. La forme poétique pratiquée presque toujours par Hafiz est le ghazel.

Cette forme consiste en un poème de cinq à treize strophes, une rime unique se répétant au dernier vers de chacune d'elles.

Le poète a la liberté de choisir parmi un grand nombre de mètres, mais ne peut faire usage que d'un seul, dans une même pièce.

La composition des ghazels remontait, en Perse, à plus de deux siècles et avait pris, pendant cette longue période, un caractère de plus en plus conventionnel.

Les principaux thèmes admis étaient l'amour et le vin, et ces thèmes se confondaient en fait, l'objet stylisé de l'amour étant, plus d'une fois, le beau jeune homme (saki) servant les buveurs de vin, et le vin passe pour stimuler la tendre passion. Si le sujet de la composition se trouvait ainsi étroitement circonscrit, la manière de l'exposer et de le développer suivait des normes non moins stéréotypées.

L'objet aimé était toujours d'une suprême beauté et les images pour le décrire étaient exactement établies et suprêmement insensible ; c'est pourquoi l'amoureux apparaissait, généralement, en proie au désespoir, encore que, à l'occasion, il éprouvât le ravissement extatique de voir se réaliser ses espoirs.

Comparaisons, métaphores et allusions, soit purement persanes, soit empruntées à la poésie arabe classique, mettaient en lumière les diverses ressources du poète ; les préciosités d'expression et les artifices rhétoriques passaient pour rehausser la beauté de l'idée et du style. Le ghazel avait commencé sa carrière comme simple poème d'amour, ayant pour prétexte un beau jeune homme ou une belle jeune fille.

Mais il était également fait pour être chanté, et le chant devait servir de divertissement à celui dont l'auteur et les musiciens attendaient la récompense de leur talent.

Entre temps, le désastre du XIIIe siècle ayant considérablement renforcé le mouvement soufi (mysticisme islamique), toutes les formes poétiques subirent son influence.

On spiritualisa le ghazel, qui devint une allégorie de l'amour sacré et de l'ivresse divine.

Voilà l'instrument dont Hafiz avait choisi de jouer pour s'exprimer en poésie, instrument de faible sonorité, à vrai dire, mais capable de la plus grande délicatesse, à condition que le joueur évitât, d'une part, la monotonie, de l'autre, la recherche des fausses notes, à seule fin de faire étalage d'originalité.

Fils d'un maître avait déjà composé pour cet instrument des mélodies très admirées.

Le concitoyen de Hafiz, Saadi, mort en 1291 ou 1292, passait pour avoir atteint à la plus haute virtuosité, en tant qu'instrumentiste pur, alors que Roumi (1207-1273) avait élevé la ferveur mystique et l'invention intuitive à une hauteur sublime.

La grandeur du génie de Hafiz se reconnaît le plus clairement à ce qu'il a dépassé Saadi pour le métier et s'est montré à peine moins pénétrant que Roumi comme visionnaire. Plus d'un ghazel de Hafiz doit être interprété, pour ainsi dire, sur trois plans différents.

Il lui arrive de choisir deux ou trois thèmes, de développer chacun d'eux à part, avec une magistrale économie décorative et, pour finir, de les entrelacer en une trame brillante d'images et de sons.

Le bien-aimé, sous sa forme traditionnelle de beau jeune homme ou de belle jeune fille, occupe le plan inférieur ; sur le plan moyen, se place le prince dont le poète veut acquérir ou conserver la faveur ; sur le plan le plus élevé, c'est la Beauté Divine qui figure le bien-aimé.

Cette ambiguïté des allusions confère au poème une émotion qui n'a guère été égalée dans aucune littérature.

Elle explique, d'autre part, les grandes divergences d'interprétation, si frappantes dans les études sur la poésie de Hafiz. Une brève analyse d'un de ses ghazels typiques montrera peut-être mieux ces particularités de son style. Métre : Hazaj musaddas mahdhuf biya ba ma mavarz in kina-dari ki haqq-i suhbat-i dirina dari nasihat gush kun k- in durr basi bih. »

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