Gabriel DU BOIS-HUS (1599-1655) - La Nuit des nuits
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Gabriel DU BOIS-HUS (1599-1655) - La Nuit des nuits (Extraits) Le jour, ce beau fils du Soleil, Dont le visage non pareil Donne le teint aux belles choses, Prêt d'entrer en la mer, enlumine son bord De ses dernières roses, Et ses premiers rayons vont lui marquer le port. Ce doux créateur des beautés, Roi des glorieuses clartés, Qui dessus nous sont répandues, Nous donnant le bonsoir se cache dans les eaux, Et les ombres tendues Avertissent le ciel d'allumer ses flambeaux. Les bois ne paraissent plus verts, La Nuit entrant dans l'univers Couvre le sommet des montagne Déjà l'air orphelin arrose de ses pleurs La face des campagnes, Et les larmes du soir tombent dessus les fleurs. Le monde change de couleurs, Une générale pâleur Efface la beauté des plaines, Et les oiseaux surpris sur le bord des marais Courtisant les fontaines Se vont mettre à couvert dans le sein des forêts. Quelques brins d'écarlate et d'or Paraissent attachés encor À quelques pièces de nuage ; Des restes de rayons peignant tout à l'entour Le fond du paysage Font un troisième temps qui n'est ni nuit ni jour. Les rougeurs qu'on voit dans les airs Jeter ces languissants éclairs Qui meurent dans les plis de l'onde, Sont les hontes du jour fuyant le successeur Qui le chasse du monde, L'astre des belles nuits que gouverne sa soeur. Le Silence vêtu de noir Retournant faire son devoir Vole sur la mer et la terre, Et l'Océan joyeux de sa tranquillité Est un liquide verre Où la face du Ciel imprime sa beauté. Le visage du firmament Descendu de cet élément Y fait voir sa figure peinte, Les feux du Ciel sans peur nagent dedans la mer, Et les poissons sans crainte Glissent parmi ces feux qui semblent les aimer. Dans le fond de ce grand miroir La nature se plaît à voir L'onde et la flamme si voisines, Et les astres tombés en ces pays nouveaux, Salamandres marines, Se baignent à plaisir dans le giron des eaux. [...] Un bel oeil nageant dans ses pleurs Fait soupirer de ses douleurs La plus insensible poitrine ; Ô larmes de Jésus, que ne ferez-vous pas ? Chère enfance divine, Qui pourra résister à vos chastes appas ? Belle Iris, nourrice des fleurs, Arc de rayons et de couleurs, Dont les flèches sont les rosées, Vos larmes céderont aux pleurs de cet Amour Quoiqu'elles soient puisées En des sources de musc et des canaux de jour. Rosée, agréable présent, Dont l'Aurore va courtisant Les nourrissons de la prairie, De qui l'été reçoit ses aimables fraîcheurs, Et la plaine fleurie Les parfums embaumés de ses riches blancheurs ; Gouttes, filles des beaux matins, Yeux des fleurs, astres argentins, Nourriture des prés humides, Étoiles des jardins, douces sueurs des cieux, Cristaux, perles liquides, Vous n'avez rien d'égal aux larmes de ces yeux. Ruisseaux, délicieux serpents Qui vous glissez à pas rampants Parmi les herbages des plaines, Grossissez-vous des pleurs qui mouillent ce beau corps, Ces deux riches fontaines De vos flots roturiers en feront des trésors. Fleuves, de roseaux habillés, Prenez vos vases écaillés Pour recueillir ces douces pluies, Ils n'ont jamais reçu de plus riche liqueur, Venez remplir vos buies Des chers écoulements du sang de ce beau coeur. [...]
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