FRANÇOIS VI, duc de LA ROCHEFOUCAULD
Extrait du document
«
FRANÇOIS VI, duc de LA ROCHEFOUCAULD (1613-1680)
La caste au pouvoir déchoit en littérature par ses femmes, La Fayette, Sévigné, et par ses aigris, Retz, La
Rochefoucauld.
Certaines soirées des années 1678, ils durent d'ailleurs se retrouver tous les quatre pour méditer sur
le plaisir de substitution que fut pour eux l'écriture, plaisir pur d'une littérature d'amateurs, pratiquée pour ellemême, entre soi, et non avec l'ambition, parfaitement vulgaire, d'être imprimé, à quoi on ne daigne condescendre
que lorsqu'on est sûr d'avoir écrit un chef-d'oeuvre, c'est-à-dire d'être au rang qui convient, le premier.
Les
Maximes (1664) de La Rochefoucauld sont l'expression de cette morgue.
Leur impérieuse tyrannie s'impose
sèchement.
Elles relèvent d'une sorte d'art martial : raideur de l'attitude, exercice infini ; le comble de la gratuité et
de la convention réunies dans un même genre.
La rareté de la parole montre tout le dédain qu'on a du discours.
Il s'agit de chanter l'amertume des mondes finissants et de détruire, avant de céder la place, des valeurs qui
pourraient encore servir.
Corneille a pris les devants et les a sauvées pour les futurs maîtres.
Le nihilisme de La
Rochefoucauld n'a rien à voir avec le scepticisme critique de Molière, palpitant de vie.
Il n'atteint jamais le cynisme
dynamique du jésuite espagnol Graciàn qui recommande de « connaître les gens heureux pour s'en servir, et les
malheureux pour s'en écarter ».
Ce n'est pas non plus le pessimisme lucide de Pascal.
C'est une négation pure, un
refus de se déployer hors de la retraite fortifiée de la maxime, d'où il tente d'anéantir de son mépris un monde où
l'hypocrisie de la vertu a supplanté l'ostentation de la force.
Sa flèche préférée est une locution-outil : « n'est que
», leitmotiv quasi mécanique.
Pourquoi une société qui bannit durablement Tartuffe se délecta-t-elle de cette
dénonciation ? Probablement parce que ce nihilisme dissolvait tout, y compris son pouvoir de nier.
Attaquer tout
c'est n'attaquer rien, faire peur à tout le monde sans faire de mal à personne.
Rien n'est moins subversif que les
Maximes, dans leur incurable et chagrine délectation morose.
Leur secret se trouve peut-être dans la rupture de la
forme que constitue l'ultime maxime de l'édition de 1678.
L'auteur, soudain loquace, s'épanche : « Après avoir parlé
de la fausseté de tant de vertus apparentes, il est raisonnable de dire quelque chose de la fausseté du mépris de la
mort.
» On sent enfin une profonde satisfaction chez La Rochefoucauld à contempler, du haut de son expérience
d'homme d'épée, conscient de sa nudité, l'infériorité de l'homme de paroles devant la mort, dont il croit qu'il peut
parler, comme du reste, sans que son ridicule éclate avec évidence..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- François de La Rochefoucauld
- Écrivez soit un conte soit une fable dont la morale sera la suivante : « On ne peut répondre de son courage quand on n'a jamais été dans le péril ». François de La Rochefoucauld
- Dans quelle mesure Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce consiste-t-elle, comme le dit François Berreur, en un « équilibre de tensions » ?
- Commentaire sue le texte de François Villon, Testament (écrit vers 1461)
- François Marie Arouet, dit VOLTAIRE (1694-1778) - A Mme du Châtelet