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François Marie Arouet, dit VOLTAIRE (1694-1778) - Les Fréron

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François Marie Arouet, dit VOLTAIRE (1694-1778) - Les Fréron D'où vient que ce nom de Fréron Est l'emblème du ridicule ? Si quelque maître Aliboron, Sans esprit comme sans scrupule, Brave les moeurs et la raison ; Si de Zoïle et de Chausson Il se montre le digne émule, Les enfants disent : " C'est Fréron. " Sitôt qu'un libelle imbécile Croqué par quelque polisson Court dans les cafés de la ville, " Fi, dit-on, quel ennui ! quel style ! C'est du Fréron, c'est du Fréron ! " Si quelque pédant fanfaron Vient étaler son ignorance, S'il prend Gillot pour Cicéron, S'il vous ment avec impudence, On lui dit : " Taisez-vous, Fréron. " L'autrejour un gros ex-jésuite, Dans le grenier d'une maison, Rencontra fille très-instruite Avec un beau petit garçon. Le bouc s'empara du giton. On le découvre, il prend la fuite. Tout le quartier à sa poursuite Criait : " Fréron, Fréron, Fréron. " Lorsqu'au drame de monsieur Hume On bafouait certain fripon, Le parterre, dont la coutume Est d'avoir le nez assez bon, Se disait tout haut : " Je présume Qu'on a voulu peindre Fréron. " Cependant, fier de son renom, Certain maroufle se rengorge ; Dans son antre à loisir il forge Des traits pour l'indignation. Sur le papier il vous dégorge De ses lettres le froid poison, Sans songer qu'on serre la gorge Aux gens du métier de Fréron. Pour notre petit embryon, Délateur de profession, Qui du mensonge est la trompette, Déjà sa réputation Dans le monde nous semble faite : C'est le perroquet de Fréron.

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