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Fanny et Marius

Publié le 03/03/2024

Extrait du document

« Lecture linéaire n° 7 1 5 10 15 20 25 30 MARIUS Fanny, je te jure qu’il n’y a pas de femme qui ait de l’importance dans ma vie. FANNY Alors, c’est simplement parce que tu ne veux pas de moi.

C’est à cause de ma tante Zoé que tu as honte de m’épouser ? Tu sais moi, je ne suis pas comme elle ! Au contraire ! MARIUS Je le sais bien. FANNY Alors, dis-moi que je ne suis pas assez jolie, ou pas assez riche...

Enfin, donne-moi une raison, et je ne t’en parlerai jamais plus. MARIUS Si je te le disais, tu ne comprendrais pas, et peut-être tu le répéterais, parce que tu croirais que c’est pour mon bien. FANNY Dis-moi ton secret, et je te jure devant Dieu que personne ne le saura jamais !... MARIUS Fanny, je ne veux pas rester derrière ce comptoir toute ma vie à rattraper la dernière goutte ou à calculer le quatrième tiers pendant que les bateaux m'appellent sur la mer. FANNY (Elle pousse un soupir.

Elle est presque rassurée.) Ah bon ! C'est Piquoiseau qui t'a monté la tête ? MARIUS Non...

Il y a longtemps que cette envie m'a pris...

Bien avant qu'il vienne...J'avais peut-être dixsept ans...

et un matin, là, devant le bar, un grand voilier s'est amarré...C'était un trois-mâts franc(2) qui apportait du bois des Antilles, du bois noir dehors et doré dedans, qui sentait le camphre et le poivre.

Il arrivait d'un archipel qui s'appelait les Îles Sous le Vent(3).

J'ai bavardé avec les hommes de l'équipage quand ils venaient s'asseoir ici ; ils m'ont parlé de leur pays, ils m'ont fait boire du rhum de là-bas, du rhum qui était très doux et très poivré.

Et puis un soir, ils sont partis.

Je suis allé sur la jetée, j'ai regardé le beau trois-mâts qui s'en allait...

Il est parti contre le soleil, il est allé aux Îles Sous le Vent...

Et c'est ce jour-là que ça m'a pris. FANNY Marius, dis-moi la vérité : il y avait une femme sur ce bateau et c'est elle que tu veux revoir ? MARIUS Mais non ! Tu vois, tu ne peux pas comprendre. FANNY Alors ce sont ces îles que tu veux connaître ? MARIUS Les Îles Sous le Vent ? J'aimerais mieux ne jamais y aller pour qu'elles restent comme je les ai faites.

Mais j'ai envie d'ailleurs, voilà ce qu'il faut dire.

C'est une chose bête, une idée qui ne s'explique pas.

J'ai envie d'ailleurs. FANNY Et c'est pour cette envie que tu veux me quitter ? MARIUS Ne dis pas que « je veux », parce que ce n'est pas moi qui commande...

Lorsque je vais sur la jetée, et que je regarde le bout du ciel, je suis déjà de l'autre côté.

Si je vois un bateau sur la mer, je le sens qui me tire comme avec une corde.

Ça me serre les côtes, je ne sais plus où je suis... Toi quand nous sommes montés sur le Pont Transbordeur, tu n'osais pas regarder en bas...

Tu avais le vertige, il te semblait que tu allais tomber.

Eh bien moi, quand je vois un bateau qui s'en va, je tombe vers lui... Marcel Pagnol, Marius, Acte II, scène 5, 1929. Introduction : Marcel est un auteur et dramaturge provençal de la première moitié du XXème siècle.

Il est célèbre pour sa trilogie des Souvenirs, un récit autobiographique sur son enfance méridionale.

Marius est une pièce de théâtre écrite en 1929 ; devant le succès rencontré, elle fait l'objet d'une adaptation cinématographique dès 1931.

Cette pièce nous invite à découvrir l'histoire d'amour impossible entre Fanny et de Marius, le personnage éponyme.

Dans le passage que nous nous proposons d'étudier, les deux amoureux se querellent car Marius tarde à demander la main de Fanny.

C'est pourquoi nous chercherons à déterminer en quoi la passion de Marius provoque une crise au sein du couple.

Pour ce faire, nous analyserons en premier lieu comment l'auteur met en scène le début de la dispute de la ligne 1 à la ligne 12. Ensuite, nous examinerons l'aveu de Marius de la ligne 13 à la ligne 21.

Pour finir, à partir de la ligne 22, nous étudierons comment l'incompréhension s'installe néanmoins entre les deux personnages. Plan linéaire : Lignes 1 à 12 : Une dispute d'amoureux Lignes 13 à 21 : L'aveu un peu honteux de Marius Lignes 22 à la fin : La persistance d'une impossible communication 1er mouvement : Les deux amoureux se querellent : Fanny cherche à savoir pourquoi Marius veut la quitter tandis que Marius hésite à s'expliquer. Dans la première réplique de Marius "Fanny, je te jure qu’il n’y a pas de femme qui ait de l’importance dans ma vie." (l.1), le jeune homme s'adresse directement à sa bien aimée afin de lui prouver qu'elle a toute son attention. L'hyperbole " je te jure " montre que Marius veut absolument que Fanny croit ses paroles. L'emploi d'une négation totale " il n'y a pas de femme " alors que l'on attendrait plutôt une négation partielle comme " il n'y a aucune autre femme " montre l'ambivalence de cette réponse puisqu'elle sousentend que Fanny elle-même n'a guère de place dans sa vie. Même si elle n'a pas saisi toute l'ampleur de cette réponse, Fanny sent qu'elle n'intéresse pas assez Marius pour qu'il s'engage avec elle.

Elle cherche donc à montrer dans un premier temps qu'elle a compris.

Ainsi elle utilise l'adverbe " Alors " et la conjonction de subordination " parce que " qui indique la relation de cause à effet. Puis elle essaie de formuler une raison évidente, facile comme l'indique l'adverbe " simplement " et la négation totale " tu ne veux pas de moi ".

Elle se pose comme la seule cause du refus de Marius. Cependant, comme une enfant, elle cherche à connaître précisément les motifs de ce rejet.

C’est pourquoi elle pose une question rhétorique et se défend immédiatement après d'une réponse positive, sans laisser le temps à Marius de répondre.

Les phrases exclamatives prouvent son empressement à répondre à cette question. Par ailleurs, la négation totale et la comparaison "comme elle" indique qu'elle se pose à l'opposé de cette femme de mauvaise vie qui fait partie de sa famille.

Cette impression est renforcée par la phrase non verbale "Au contraire ! ". La réponse brève de Marius, clôturée par l'adverbe " bien " est une tentative pour faire taire les idées noires de sa compagne.

Le jeune homme refuse qu'elle se dénigre ou ne se sente coupable. Mais Fanny insiste.

Elle emploie l'impératif présent avec " dis-moi " et " donne-moi " pour montrer son besoin d'explication.

Elle émet deux hypothèses.

Ces deux suppositions sont mises en parallèle et reliées par la conjonction de coordination " ou ".

Dans les deux cas, elle se pose en responsable avec la formule " je ne suis pas assez ".

On comprend qu'elle craint une fois encore de ne pas pouvoir combler les attentes de Marius. Comme elle a un besoin immense de savoir et sans doute de se rassurer, elle essaie de négocier l'aveu de Marius en lui promettant de ne plus aborder la situation s'il lui dévoilait ce qui le retient réellement de s'engager avec elle.

Ainsi, elle termine sa réplique par une hyperbole " jamais plus " pour le convaincre que céder à sa requête mettra un terme à leur dispute. Mais si Fanny est sujette à craindre d'entendre une vérité blessante, Marius, lui est tenaillée par la peur d'être ridiculisé ou incompris s'il lui révélait ses véritables mobiles.

L'irréel du présent, avec la proposition subordonnée de condition, indique qu'il pense que tant sa confidence que son entendement lui paraissent impossible.

Il pense qu'il ne doit pas formuler ses envies car Fanny ne peut pas les accepter.

Pire, elle risque de mettre en place une stratégie dissuasive (répéter son secret) tout en étant persuadée d'agir " pour son bien".

Ici il reconnait que les intentions de la jeune femme sont pures et désintéressées. Sentant néanmoins une faille, Fanny cherche à convaincre Marius de parler et répète " Dis-moi " ce qui indique son insistance.

Puis elle reprend les mots de Marius pour l'atteindre " je te jure ".

Elle lui demande autant de confiance qu'il lui en a demandée quelques instants plus tôt. Enfin, elle contre son dernier argument avec les hyperboles "personne " et " jamais ".

Elle lui garantit ici que la conversation restera strictement privée et ne sera jamais divulguée. Alors, Marius se livre.

Il s'adresse à elle en la nommant, ce qui rend sa parole plus intense, plus solennelle. La négation totale " je ne veux pas rester " indique son refus catégorique de l'immobilisme.

Ce refus concerne le lieu et le temps.

Ainsi le déterminant démonstratif dans " ce comptoir " confère une valeur péjorative au bar qu'il tient avec son père tandis que l'hyperbole " toute ma vie " insiste sur.... »

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