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Etudier les vers suivants de Ronsard :

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Etudier les vers suivants de Ronsard : Ecoute, bûcheron, arrête un peu le bras : Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ; Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force Des Nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ? Sacrilège meurtrier ! Si l'on pend un voleur Pour piller un butin de bien peu de valeur, Combien de feux, de fers, de morts et de détresses Mérites-tu, méchant, pour tuer nos déesses ? Forêt, haute maison des oiseaux bocagers ! Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière Plus du soleil d'été ne rompra la lumière »

« Etudier les vers suivants de Ronsard : Ecoute, bûcheron, arrête un peu le bras : Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ; Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force Des Nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ? Sacrilège meurtrier ! Si l'on pend un voleur Pour piller un butin de bien peu de valeur, Combien de feux, de fers, de morts et de détresses Mérites-tu, méchant, pour tuer nos déesses ? Forêt, haute maison des oiseaux bocagers ! Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière Plus du soleil d'été ne rompra la lumière ». Les vers à étudier sont extraits d'une élégie intitulée « Contre les Bûcherons de la Forêt de Gastine ».

Voyons, en les analysant au double point de vue de la forme et du fond, comment les idées et le tempérament de Ronsard s'y révèlent. I.

La Forme. Les mots que nous rencontrons dans ce fragment ne sont pas tombés en désuétude, à la différence d'un grand nombre de vocables, caractéristiques soit de la langue du début du XVIe siècle soit de Ronsard et son école.

Nous signalerons toutefois les particularités suivantes : les mots morts et détresses employés au pluriel, à force dans le sens d'abondamment, l'adjectif bocager formé, suivant une méthode chère à la Pléiade, par dérivation de bocage, le mot crinière appliqué aux cimes des arbres, enfin pour (pour piller) dans le sens de parce que. Nulle autre inversion n'est à relever que celle du mot plus au dernier vers et à l'antépénultième.

Ronsard condamne, en effet, ce mode d'expression dont ses prédécesseurs avaient abusé, trop souvent aux dépens de la clarté. Le mot meurtrier est compté pour deux syllabes.

Le mètre adopté est l'alexandrin.

Ronsard en a fait le plus heureux emploi, après l'avoir remis en l'honneur.

Les rimes sont régulièrement alternées.

Au point de vue des coupes, nous noterons les suivantes : « « « a Ecoute l bûcheron l arrête un peu le bras. Combien de feux l de fers l de morts et de détresses Mérites-tu l méchant l pour tuer nos déesses Forêt haute maison des oiseaux bocagers...

» Ronsard, partisan déclaré de la césure à l'hémistiche, n'hésite pas cependant à multiplier et à déplacer les coupes, suivant, le rythme de l'inspiration.

En cela, il est à rattacher directement aux maîtres de l'école romantique. Les expressions métaphoriques procèdent d'une identification de la forêt, tour à tour avec une demeure (haute maison des oiseaux bocagers), puis avec un géant à la puissante chevelure (ta verte crinière) brisant les rayons du soleil (ne rompra la lumière). Le Fond. La forêt de Gastine, située dans le Vendômois, avait été célébrée par Ronsard, dans une ode insérée au livre II.

Couché sous ses ombrages, le poète poursuivait, loin des importuns, son intarissable dialogue avec les Muses.

Mais hélas un propriétaire cupide entend monnayer ces vertes frondaisons. Le spectacle des dégâts causés par le bûcheron arrache à Ronsard des apostrophes indignées.

L'excès même des épithètes (sacrilège meurtrier) et des menaces (feux, fers, morts, détresses) dénote un amant passionné de la nature et de ses beautés.

Ronsard, élevé dans les riantes campagnes du Vendômois a goûté, dès son enfance, le charme des courses vagabondes à travers champs et des siestes paresseuses sous les hautes futaies.

Le bruit des vents dans les ramures a bercé ses rêves.

Il se plaît à évoquer le frais gazouillis des oiseaux et la flûte rustique du pasteur.

La désolation qui suivra la disparition de la forêt étreint son coeur d'une âpre mélancolie.

C'est que, dans la nature, il voit un refuge assuré contre les mille tracas de la vie.

Il la chante inlassablement : dans ses Eglogues, dans ses odes ; elle lui fournit le cadre, parfois même le thème de ses sonnets. Par dessus tous lieux il vante les sites de sa province natale.

Même aux époques les plus brillantes de sa vie de cour, sa pensée s'envole vers les bords du Loir ; il regrette d'avoir trop sacrifié aux délices illusoires d'une vie factice, d'avoir prisé trop haut les satisfactions de la gloire.

Il rêve de doux loisirs, d'une campagne solitaire ; il élit par avance le lieu de son sépulcre : « C'est une île verte, sous un arbre toujours vert », il souhaite que de lui la terre « engendre un lierre », c'est-à-dire quelque chose de toujours verdoyant. Nous ne retrouvons un amour aussi ardent de la nature et de la terre natale, une évocation aussi intense des années de jeunesse qu'avec le lyrisme romantique. Cependant, il serait exagéré de prétendre que Ronsard a déjà conçu la nature à la manière de Lamartine ou de Victor Hugo, par exemple. Son animation ne procède pas d'une identification profonde entre l'homme et la nature représentée tantôt comme une mère, tantôt comme une marâtre.

Il n'imagine pas qu'elle puisse haïr ou chérir.

Il en est resté, pour ainsi dire, à la conception antique qui faisait de la nature un cadre agréable pour les rêveries et un reposant asile.

S'il en décrit complaisamment le charme, s'il en note avec sentiment les aspects divers, ii ne va pas jusqu'à lui prêter une âme. La vie qui circule en elle est une vie toute mythologique.

Les Nymphes, dont les danses joyeuses égayaient jadis les clairières, meurent, lamentables, sous la hache sacrilège ; le sang gicle de leurs profondes blessures.

Bientôt la dernière d'entre elles, Echo, se taira à jamais. Puis c'est tout le cortège des Satyres, c'est le dieu Pan, c'est Apollon lui-même, escorté des Muses, que le bûcheron sanguinaire contraint à l'exil. Or, si l'antiquité pouvait peupler la forêt de ces mille divinités, il ne nous est plus possible de nous laisser prendre longtemps à l'illusion d'une « animation » devenue toute conventionnelle.

Nous sentons bien vite que l'érudition étouffe la sensibilité vraie et se substitue à elle. Ronsard lui-même en a conscience parfois.

Un instant, il s'abandonne à ses sentiments et à ses souvenirs personnels.

Il note les cerfs entrevus, les chevreuils bondissants, et, quelques vers plus loin, le berger adossé à un tronc « son mâtin à ses pieds, à son flanc la houlette » chantant les attraits de la belle Jeannette. Ainsi, les vers « aux bûcherons de la forêt de Gastine » nous révèlent deux caractéristiques essentielles du génie de Ronsard : érudition et sentiment lyrique de la nature.

Ils nous permettent de comprendre que l'on ait pu le définir « Le poète le plus rêveur de cette époque agitée ».. »

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