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Denis Diderot

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Denis Diderot La fortune littéraire de Diderot est plus surprenante encore que celle de Stendhal : ce n'est pas, en effet, avec un demi-siècle, mais avec plus d'un siècle et demi de retard que la postérité a reconnu son génie. Véritablement découverte par notre époque, l'oeuvre de Diderot n'a pas encore triomphé des monstrueuses erreurs de jugement et des sots préjugés paresseusement admis par un public longtemps victime d'une critique rétrograde. Cette destinée, Diderot l'avait sans doute prévue lorsqu'il écrivait, en 1767, à son ami le sculpteur Falconet : "Combien d'auteurs qui n'ont obtenu la célébrité qu'ils méritaient que longtemps après leur mort ? C'est le sort de presque tous les hommes de génie ; ils ne sont pas à la portée de leur siècle ; ils écrivent pour la génération suivante." La plupart des ouvrages de Diderot que nous admirons aujourd'hui sont posthumes : plusieurs d'entre eux, dont le Neveu de Rameau, furent, en fait, publiés en allemand avant de l'être en français. Ce n'est qu'en 1947 qu'un professeur américain a finalement réussi à découvrir la plus importante mine de manuscrits et de documents de Diderot que l'on connaisse. Chose exceptionnelle pour un grand écrivain français, les premiers lecteurs à reconnaître son génie furent des étrangers : Goethe, Schiller, Hegel, Marx ; les premiers ouvrages d'ensemble consacrés à son oeuvre virent le jour en Allemagne et en Angleterre. Aujourd'hui encore, il est sans doute le seul écrivain français à être étudié avec autant de ferveur par les érudits des États-Unis d'Amérique que par ceux de l'Union soviétique, signe sans doute de l'universalité et de l'ambiguïté de son génie.

« Denis Diderot La fortune littéraire de Diderot est plus surprenante encore que celle de Stendhal : ce n'est pas, en effet, avec un demi-siècle, mais avec plus d'un siècle et demi de retard que la postérité a reconnu son génie.

Véritablement découverte par notre époque, l'oeuvre de Diderot n'a pas encore triomphé des monstrueuses erreurs de jugement et des sots préjugés paresseusement admis par un public longtemps victime d'une critique rétrograde.

Cette destinée, Diderot l'avait sans doute prévue lorsqu'il écrivait, en 1767, à son ami le sculpteur Falconet : "Combien d'auteurs qui n'ont obtenu la célébrité qu'ils méritaient que longtemps après leur mort ? C'est le sort de presque tous les hommes de génie ; ils ne sont pas à la portée de leur siècle ; ils écrivent pour la génération suivante." La plupart des ouvrages de Diderot que nous admirons aujourd'hui sont posthumes : plusieurs d'entre eux, dont le Neveu de Rameau, furent, en fait, publiés en allemand avant de l'être en français.

Ce n'est qu'en 1947 qu'un professeur américain a finalement réussi à découvrir la plus importante mine de manuscrits et de documents de Diderot que l'on connaisse.

Chose exceptionnelle pour un grand écrivain français, les premiers lecteurs à reconnaître son génie furent des étrangers : Goethe, Schiller, Hegel, Marx ; les premiers ouvrages d'ensemble consacrés à son oeuvre virent le jour en Allemagne et en Angleterre.

Aujourd'hui encore, il est sans doute le seul écrivain français à être étudié avec autant de ferveur par les érudits des États-Unis d'Amérique que par ceux de l'Union soviétique, signe sans doute de l'universalité et de l'ambiguïté de son génie. Et pourtant, rien de plus ordinaire que ses origines : fils d'un maître coutelier, Diderot naquit à Langres le 5 octobre 1713 d'une famille de bonne bourgeoisie provinciale, profondément convaincue de l'excellence de la morale chrétienne, de la vertu sacrée du travail et de la perfection de l'Église à laquelle, à chaque génération, elle fournissait prêtres et religieuses.

Élève turbulent et brillant des jésuites de Langres, Diderot reçoit la tonsure en 1726, et s'il ne devient pas chanoine, c'est uniquement parce que le chapitre refuse de lui transmettre la prébende que son oncle désirait qu'il reçût après lui.

C'est à son frère cadet qu'allait revenir plus tard l'honneur de représenter la famille Diderot au chapitre de Langres.

En attendant, à Paris au collège Louis-le-Grand, Diderot poursuit de 1729 à 1732 de très bonnes études.

Devenu maître ès arts, il semble avoir oublié et sa vocation ecclésiastique et l'exaltation mystique qui, il n'y a que quelques années, lui faisait vêtir le cilice.

Il refuse de rentrer à Langres, tâte successivement de diverses occupations, fréquente les coulisses des théâtres et fraie avec de jeunes intellectuels, venus de province comme Condillac, ou de l'étranger, comme J.-J.

Rousseau, pour conquérir la gloire à Paris. Privé des subsides paternels à cause de l'obstination avec laquelle il refuse de s'établir dans un métier quelconque, Diderot vit d'expédients plus ou moins inavouables, meurt presque de faim, mais poursuit tout seul son éducation en se livrant à une véritable débauche de lecture.

Déjà expert en latin et en grec, il apprend l'anglais et l'italien.

Il finit même par obtenir quelque argent en traduisant divers ouvrages anglais, notamment un gros dictionnaire de médecine.

Tout naturellement, les éditeurs parisiens, désireux de faire paraître une version française de la Cyclopædia publiée 1728 en Angleterre par Chambers, s'adressent à lui en 1746 après avoir eu quelques mécomptes avec plusieurs autres traducteurs.

De simple ouvrier littéraire, Diderot ne tarde pas à s'élever au poste de rédacteur en chef de toute l'entreprise qui se transforme elle-même de modeste traduction en oeuvre originale. Entre temps, en 1743, Diderot avait épousé contre le gré de son père une petite lingère parisienne nommée Antoinette Champion.

Les responsabilités de chef de famille le pressant, il s'était inquiété de trouver un emploi régulièrement rétribué et avait accepté avec enthousiasme la proposition de Le Breton et des autres éditeurs de l'Encyclopédie.

S'il s'engage donc témérairement dans ce terrible engrenage, c'est parce qu'il a senti l'éperon du besoin.

"Je rencontre sur mon chemin une femme belle comme un ange, écrira-t-il plus tard ; je veux coucher avec elle ; j'y couche ; j'en ai quatre enfants ; et me voilà forcé d'abandonner les mathématiques que j'aimais, Homère et Virgile que je portais toujours dans ma poche, le théâtre pour lequel j'avais du goût ; trop heureux d'entreprendre l'Encyclopédie, à laquelle j'aurai sacrifié vingt-cinq ans de ma vie." Des quatre enfants dont il s'agit ici, une seule devait survivre, Angélique, née en 1753. Le premier volume de l'Encyclopédie n'allait paraître qu'en 1751.

Entre temps, Diderot, devenu l'amant d'une médiocre romancière nommée Mme de Puisieux, entreprend, pour satisfaire les goûts dispendieux de sa maîtresse, plusieurs travaux littéraires originaux.

En 1746 paraît anonymement un petit opuscule intitulé Pensées philosophiques, où Diderot entreprend une apologie des passions fortes qu'il continuera sa vie durant.

S'en tenant encore à une position déiste inspirée par le philosophe anglais Shaftesbury, dont il avait traduit deux ans auparavant L'Essai sur le mérite et la vertu, Diderot tonne à la fois contre l'ascétisme et l'athéisme.

En 1748, toujours anonymement, il fait paraître un gros roman licencieux, Les Bijoux indiscrets, et, sous son nom, un ouvrage sérieux et digne d'un homme qui est en train de travailler à un dictionnaire encyclopédique, les Mémoires sur différents sujets de mathématiques.

C'est en 1749 que paraît, sans nom d'auteur, la fameuse Lettre sur les aveugles, où, pour la première fois, Diderot laisse entendre que l'hypothèse de l'existence de Dieu n'est nullement nécessaire à la philosophie.

"Si la nature nous offre, écrit-il, un noeud difficile à délier, laissons-le pour ce qu'il est ; et n'employons pas à le couper la main d'un être qui devient ensuite pour nous un nouveau noeud plus indissoluble que le premier." Du coup, Diderot, surveillé depuis quelques années par la police à la suite de la dénonciation du curé de sa paroisse, est arrêté et mis au secret au donjon de Vincennes.

Pendant deux ans, rendu prudent par la condamnation au feu dont ses Pensées philosophiques avaient été victimes, il n'avait rien publié.

Mais la police, qui avait perquisitionné chez lui, savait qu'il était l'auteur de trois écrits inédits contraires aux bonnes moeurs et à la religion : la Promenade du sceptique, De la Suffisance de la religion naturelle et l'Oiseau blanc, conte bleu.

Les audaces de la Lettre sur les aveugles firent déborder la coupe.

Les éditeurs de l'Encyclopédie sont au désespoir : Diderot s'est vite rendu. »

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