Commentaires de texte, Lettres persanes - Rica à lbben, à Smyrne
Publié le 15/10/2022
Extrait du document
«
les le/Ires persanes forment un roman épistolaire dont les deux personnages principaux sont deux Pcrsans1
•
Usbck et Rica, qui voyagent en France de 1712 à 1720.
Ils décrivent cc qu'ils découvrent à Paris dans les le11rcs
qu' ils envoient à leurs amis restés en Perse.
Pour eux, la France est un sujet d'étonnement perpétuel : c'est un
pays inconnu et une culture radicalement nouvelle pour eux, très difTérente de la leur.
Rica à lbben, à Smyrne2
•
Les habitants de Paris sont d'une curiosité qui va jusqu'à l'extravagance3
• Lorsque
j'arrivai, je fus regardé comme si j'avais été envoyé du ciel : vieillards, hommes, femmes,
enfants, tous voulaient me voir.
Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres; si j'étais
aux Tuileries4
, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi ; les femmes mêmes
5 faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m'entourait.
Si j'étais aux spectacles, je
voyais aussitôt cent lorgnettes5 dressées contre ma figure : enfin jamais homme n'a tant été vu
que moi.
Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur
chambre, qui disaient entre eux : « li faut avouer qu'il a l'air bien persan ».
Chose admirable !
Je trouvais de mes portraits partout ; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur
10 toutes les cheminées, tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu.
Tant d'honneurs ne laissent pas6 d'être à charge7
: je ne me croyais pas un homme si
curieux et si rare ; et quoique j'aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé
que je dusse8 troubler le repos d'une grande ville où je n'étais point connu.
Cela me fit
résoudre à quitter l'habit persan, et à en endosser un à l'européenne, pour voir s'il resterait
15 encore dans ma physionomie9 quelque chose d'admirable.
Cet essai me fit connaître ce que je
valais réellement.
Libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste.
J'eus
sujet de me plaindre de mon tailleur 10
, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et
l'estime publique ; car j'entrai tout à coup dans un néant 11 affreux.
Je demeurais quelquefois
une heure dans une compagnie sans qu'on m'eût regardé, et qu'on m'eût mis en occasion
20 d'ouvrir la bouche ; mais, si quelqu'un par hasard apprenait à la compagnie que j'étais Persan,
j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement : « Ah ! Ah ! monsieur est Persan ? C'est
une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Persan?»
A Paris, le 6 de la lune de Cha/val, 1712
L'époque des Lumières est marquée par une critique politique et sociale de la part de
philosophes qui souhaitent, par leurs écrits, construire une société meilleure, plus juste et plus
libre.
Montesquieu fait partie de ce mouvement de pensée.
Observateur de son temps, penseur
politique qui a théorisé la séparation des pouvoirs, il est aussi romancier et public en 1721 un
long roman épistolaire, l es l ettres persanes.
Les protagonistes sont deux Persans, Rica et
Usbck, qui effectuent un voyage en France au début du X VI Il c siècle.
Dans les missives qu' ils
envoient à leurs amis orientaux, ils leur décrivent ce qu' ils découvrent à Paris et la manière
dont ils voient la France.
Dans la lettre 30, Rica raconte la façon très particulière dont les
Parisiens l'ont accueilli.
Nous étudierons comment, à travers l'étonnement d'un Persan
découvrant Paris, Montesquieu critique les préjugés et la superficialité des Français.
Tout
d'abord, cette critique est rendue possible par le côté divertissant de la lettre, qui est écrite à la
manière d'une anecdote amusante.
Ensuite, nous verrons que cette anecdote dissimule une
habile satire de la société parisienne..
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