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Christofle de BEAUJEU (1550-x) - Source de mes pleurs, arrêtez

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Christofle de BEAUJEU (1550-x) - Source de mes pleurs, arrêtez Source de mes pleurs, arrêtez En ce lieu votre vite course, Pour ouïr chanter les beautés D'une qui est devenue Ourse, Que les Dieux punissant ainsi Ont mise en ce rocher ici. Je veux aussi mon mal chanter, Où toujours plus constant je dure, Voulant désormais habiter Auprès de cette roche dure, Où ma maîtresse d'autrefois, Pourra toujours ouïr ma voix. Je lui disais bien que les Dieux Puniraient sa cruauté fière ; Ainsi la vengeance des Cieux L'a mise ici pour forestière, Où je veux ermite mourir, Afin de la pouvoir servir. Ces belles mains que j'aimais tant Sont ores deux pattes velues, Qui vont maint rocher éclatant, Et maint arbre voisin des nues. Au lieu de deux monts albatrins Elle a vingt ou trente tétins. Ses yeux sur tous autres beaux Ne sont plus de l'Amour les armes, Ce ne sont plus ces deux flambeaux Qui m'ont tant fait verser de larmes. Hélas ! beaux yeux, pour vos méfaits, Vous serez ainsi à jamais ! Ce teint poli dont j'avais peur, Que j'aimais, qui était ma crainte, N'a plus rien de cette blancheur Dont j'ai encore l'âme atteinte : Ce n'est plus qu'un gros poil tanné. Hélas ! que j'en suis étonné ! Cette bouche, embellie autour De deux rangs de perles naïves, N'est plus la bouche où cet Amour Trouvait ces atteintes si vives, Ces roses vermeilles ne sont Comme autrefois dessus son front. Cette belle taille qui fut, Et ces démarches si glorieuses, Ne sont plus des âmes le but, Pour se rendre tant amoureuses. Il n'y a plus de majesté, D'ardeur ni de propriété. Sa voix, qui jadis captivait Jusques aux charmeuses sirènes, N'a plus ces attraits qu'elle avait, Pour mettre ses amants en peine. Ce n'est plus qu'un mugissement, Qui me fait peur extrêmement. Ce beau pied qui savait danser Toutes danses de façon gaie, Ne fait ores que traverser Un rocher, une eau, une haie, N'y ayant, au lieu de patins, Que des pointures d'aubépins. Ces cheveux, jadis d'or frisés, Pires que brûlés se hérissent, Et tous ces brandons attisés De ces regards aussi périssent, Ayant perdu sa gaîté, Tristes de son adversité. Quand je pleurais à deux genoux Devant son lit, qui eût pu dire, Ce qui se voit à l'oeil de tous, Et ce que si fort je soupire, Qui eût pensé que mes amours Eût été la femme d'un Ours ?

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