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Charles-Marie LECONTE DE LISLE (1818-1894) (Recueil : Poèmes antiques) - Les étoiles mortelles

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Charles-Marie LECONTE DE LISLE (1818-1894) (Recueil : Poèmes antiques) - Les étoiles mortelles Un soir d'été, dans l'air harmonieux et doux, Dorait les épaisses ramures ; Et vous alliez, les doigts rougis du sang des mûres, Le long des frênes et des houx. O rêveurs innocents, fiers de vos premiers songes, Coeurs d'or rendant le même son, Vous écoutiez en vous la divine chanson Que la vie emplit de mensonges. Ravis, la joue en fleur, l'oeil brillant, les pieds nus, Parmi les bruyères mouillées Vous alliez, sous l'arome attiédi des feuillées, Vers les paradis inconnus. Et de riches lueurs, comme des bandelettes, Palpitaient sur le brouillard bleu, Et le souffle du soir berçait leurs bouts en feu Dans l'arbre aux masses violettes. Puis, en un vol muet, sous les bois recueillis, Insensiblement la nuit douce Enveloppa, vêtus de leur gaine de mousse, Les chênes au fond des taillis. Hormis cette rumeur confuse et familière Qui monte de l'herbe et de l'eau, Tout s'endormit, le vent, le feuillage, l'oiseau, Le ciel, le vallon, la clairière. Dans le calme des bois, comme un collier divin Qui se rompt, les étoiles blanches, Du faîte de l'azur, entre les lourdes branches, Glissaient, fluides et sans fin. Un étang solitaire, en sa nappe profonde Et noire, amoncelait sans bruit Ce trésor ruisselant des perles de la nuit Qui se posaient, claires, sous l'onde. Mais un souffle furtif, troublant ces feux épars Dans leur ondulation lente, Fit pétiller comme une averse étincelante Autour des sombres nénuphars. Chaque jet s'épandit en courbes radieuses, Dont les orbes multipliés Allumaient dans les joncs d'un cercle d'or liés Des prunelles mystérieuses. Le désir vous plongea dans l'abîme enchanté Vers ces yeux pleins de douces flammes ; Et le bois entendit les ailes de vos âmes Frémir au ciel des nuits d'été !

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