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Céline, Voyage au bout de la nuit.

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Céline, Voyage au bout de la nuit. Je leur raconterai plus rien à l'avenir ! » que je me disais, vexé. Je voyais bien que c'était pas la peine de leur rien raconter à ces gens-là, qu'un drame comme j'en avais vu un, c'était perdu tout simplement pour des dégueulasses pareils ! qu'il était trop tard pour que ça intéresse encore. Et dire que huit jours plus tôt on en aurait mis sûrement quatre colonnes dans les journaux et ma photographie pour la mort d'un colonel comme c'était arrivé.. Des abrutis. C'était donc dans une prairie d'août qu'on distribuait toute la viande pour le régiment, - ombrée de cerisiers et brûlée déjà par la fin de l'été. Sur des sacs et des toiles de tentes largement étendues et sur l'herbe même, il y en avait pour des kilos et des kilos de tripes étalées, de gras en flocons jaunes et pâles, des moutons éventrés avec leurs organes en pagaïe, suintant en ruisselets ingénieux dans la verdure d'alentour, un bœuf entier sectionné en deux, pendu à l'arbre et sur lequel s'escrimaient encore en jurant les quatre bouchers du régiment pour lui tirer des morceaux d'abattis. On s'engueulait ferme entre escouades à propos de graisses, et de rognons surtout, au milieu des mouches comme on en voit que dans ces moments-là importantes et musicales comme des petits oiseaux. Et puis du sang encore et partout, à travers l'herbe en flaques molles et confluentes qui cherchaient la bonne pente. On tuait le dernier cochon quelques pas plus loin. Déjà quatre hommes et un boucher se disputaient certaines tripes à venir. - C'est toi eh vendu ! qui l'as étouffé hier l'aloyau !... J'ai eu le temps encore de jeter deux ou trois regards sur ce différent alimentaire, tout en m'appuyant contre un arbre et j'ai dû céder à une immense envie de vomir, et pas qu'un peu, jusqu'à l'évanouissement. On m'a bien ramené jusqu'au cantonnement sur une civière, mais non sans profiter de l'occasion pour me barboter mes deux sacs en toile cachou. Je me suis réveillé dans une autre engueulade du brigadier. La guerre ne passait pas.

« Sujet: Céline, Voyage au bout de la nuit. Je leur raconterai plus rien à l'avenir ! » que je me disais, vexé.

Je voyais bien que c'était pas la peine de leur rien raconter à ces gens-là, qu'un drame comme j'en avais vu un, c'était perdu tout simplement pour des dégueulasses pareils ! qu'il était trop tard pour que ça intéresse encore.

Et dire que huit jours plus tôt on en aurait mis sûrement quatre colonnes dans les journaux et ma photographie pour la mort d'un colonel comme c'était arrivé..

Des abrutis. C'était donc dans une prairie d'août qu'on distribuait toute la viande pour le régiment, - ombrée de cerisiers et brûlée déjà par la fin de l'été. Sur des sacs et des toiles de tentes largement étendues et sur l'herbe même, il y en avait pour des kilos et des kilos de tripes étalées, de gras en flocons jaunes et pâles, des moutons éventrés avec leurs organes en pagaïe, suintant en ruisselets ingénieux dans la verdure d'alentour, un bœuf entier sectionné en deux, pendu à l'arbre et sur lequel s'escrimaient encore en jurant les quatre bouchers du régiment pour lui tirer des morceaux d'abattis. On s'engueulait ferme entre escouades à propos de graisses, et de rognons surtout, au milieu des mouches comme on en voit que dans ces moments-là importantes et musicales comme des petits oiseaux. Et puis du sang encore et partout, à travers l'herbe en flaques molles et confluentes qui cherchaient la bonne pente. On tuait le dernier cochon quelques pas plus loin.

Déjà quatre hommes et un boucher se disputaient certaines tripes à venir. - C'est toi eh vendu ! qui l'as étouffé hier l'aloyau !... J'ai eu le temps encore de jeter deux ou trois regards sur ce différent alimentaire, tout en m'appuyant contre un arbre et j'ai dû céder à une immense envie de vomir, et pas qu'un peu, jusqu'à l'évanouissement. On m'a bien ramené jusqu'au cantonnement sur une civière, mais non sans profiter de l'occasion pour me barboter mes deux sacs en toile cachou. Je me suis réveillé dans une autre engueulade du brigadier.

La guerre ne passait pas.

Dans son roman aux tonalités autobiographiques, Louis Ferdinand Céline révolutionne l’écriture romanesque. Voyage au bout de la nuit est un roman qui dénonce, au travers du regard du narrateur Bardamu (médecin en région parisienne) les changements de la société française du début du siècle : tout passe au crible de la révolte du narrateur qui condamne la guerre et l’absurdité de la condition humaine.

Cette dénonciation passe par un rapport au langage totalement novateur pour le style romanesque : Céline à écrit comme l’on parle, en oralisant son style et en mêlant les registres de langue, il a su créer un nouveau style qui correspondait à sa vision du monde. Le récit est-il objectif ou subjectif, le narrateur émet il un jugement à travers le récit ? Quel sens est donné à l’évènement à travers le récit ? I Description d’un champ de bataille Les deuxième et troisième paragraphes de l’extrait sont une description d’un champ de bataille : Ascension de l’horreur : la nature est recouverte et souillée par l’homme : l’herbe est recouverte, cachée par cette boucherie à ciel ouvert : L’heure du repas : scène de carnage mise en évidence par la longueur de la phrase « Sur des sacs et des toiles de tentes… morceaux d’abattis » Analyser l’énumération et les juxtapositions : tripes/ moutons éventrés/ un bœuf entier. Cette phrase décrit non seulement un paysage apocalyptique, mais de surcroit l’absurdité de la situation : l’homme se dispute encore « en jurant les quatre bouchers », « on s’engueulait » pour finalement nourrir des hommes qui euxmêmes sont voués à la mort.

Se demander dans le fond comment Céline différencie si peu le sort des bêtes à celui des hommes.

« Et puis le sang encore et partout…». »

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