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Céline, Voyage au bout de la nuit :

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Céline, Voyage au bout de la nuit : Donc pas d'erreur ? Ce qu'on faisait à se tirer dessus, comme ça, sans même se voir, n'était pas défendu ! Cela faisait partie des choses qu'on peut faire sans mériter une bonne engueulade. C'était même reconnu, encouragé sans doute par les gens sérieux, comme le tirage au sort, les fiançailles, la chasse à courre!... Rien à dire. Je venais de découvrir d'un coup la guerre tout entière. J'étais dépucelé. Faut être à peut près seul devant elle comme je l'étais à ce moment-là pour bien la voir la vache, en face et de profil. On venait d'allumer la guerre entre nous et ceux d'en face, et à présent ça brûlait ! Comme le courant entre les deux charbons, dans la lampe à arc. Et il n'était pas près de s'éteindre le charbon ! On y passerait tous, le colonel comme les autres, tout mariole qu'il semble être, et sa carne ne ferait pas plus de rôti que la mienne quand le courant d'en face lui passerait entre les deux épaules. Il y a bien de façons d'être condamné à mort. Ah ! combien n'aurais-je pas donné à ce moment-là pour être en prison au lieu d'être ici, moi crétin! Pour avoir, par exemple, quand il en était temps encore. On ne pense à rien ! De la prison, on en sort vivant, pas de la guerre. Tout le reste, c'est des mots. Si seulement j'avais encore eu le temps, mais je ne l'avais plus! Il n'y avait plus rien à voler! Comme il ferait bon dans une petite prison pépère, que je me disais, où les balles ne passent pas! Ne passent jamais ! J'en connaissais une toute prête, au soleil, au chaud! Dans un rêve, celle de Saint-Germain précisément, si proche de la forêt, je la connaissais bien, je passais souvent là, autrefois. Comme on change ! J'étais un enfant alors, elle me faisait peur la prison. C'est que je connaissais pas encore les hommes. Je ne croirai plus jamais à ce qu'ils disent, à ce qu'ils pensent ? C'est des hommes et d'eux seulement qu'il faut avoir peur, toujours.

« Céline, Voyage au bout de la nuit : "Donc pas d'erreur ? Ce qu'on faisait à se tirer dessus, comme ça, sans même se voir, n'était pas défendu ! Cela faisait partie des choses qu'on peut faire sans mériter une bonne engueulade.

C'était même reconnu, encouragé sans doute par les gens sérieux, comme le tirage au sort, les fiançailles, la chasse à courre!...

Rien à dire.

Je venais de découvrir d'un coup la guerre tout entière.

J'étais dépucelé.

Faut être à peut près seul devant elle comme je l'étais à ce moment-là pour bien la voir la vache, en face et de profil.

On venait d'allumer la guerre entre nous et ceux d'en face, et à présent ça brûlait ! Comme le courant entre les deux charbons, dans la lampe à arc.

Et il n'était pas près de s'éteindre le charbon ! On y passerait tous, le colonel comme les autres, tout mariole qu'il semble être, et sa carne ne ferait pas plus de rôti que la mienne quand le courant d'en face lui passerait entre les deux épaules.

Il y a bien de façons d'être condamné à mort.

Ah ! Combien n'aurais-je pas donné à ce moment-là pour être en prison au lieu d'être ici, moi crétin! Pour avoir, par exemple, quand il en était temps encore.

On ne pense à rien ! De la prison, on en sort vivant, pas de la guerre.

Tout le reste, c'est des mots.

Si seulement j'avais encore eu le temps, mais je ne l'avais plus! Il n'y avait plus rien à voler! Comme il ferait bon dans une petite prison pépère, que je me disais, où les balles ne passent pas! Ne passent jamais ! J'en connaissais une toute prête, au soleil, au chaud! Dans un rêve, celle de Saint-Germain précisément, si proche de la forêt, je la connaissais bien, je passais souvent là, autrefois.

Comme on change ! J'étais un enfant alors, elle me faisait peur la prison.

C'est que je connaissais pas encore les hommes.

Je ne croirai plus jamais à ce qu'ils disent, à ce qu'ils pensent ? C'est des hommes et d'eux seulement qu'il faut avoir peur, toujours." Dans son roman aux tonalités autobiographiques, Louis Ferdinand C éline révolutionne l’écriture romanesque. Voyage au bout de la nuit est un roman qui dénonce les changements de la société française du début du siècle : tout passe au crible de la révolte du narrateur qui condamne la guerre et l’absurdité de la condition humaine.

C ette dénonciation passe par un rapport au langage totalement novateur pour le style romanesque : Céline à écrit comme l’on parle, en oralisant son style et en mêlant les registres de langue, il a su créer un nouveau style qui correspondait à sa vision du monde. I L’horreur décrite Pour susciter l’intérêt du lecteur, C éline fait progresser son récit à la manière d’un monologue de théâtre.

La structure du texte commence par une phrase nominale interrogative. Les types de phrases, en particulier les interrogatives et les exclamatives permettent au texte de se dérouler de manière émotionnelle.

Le lecteur se retrouve face à une introspection du narrateur qui s’interroge sur le sens de la vie, et surtout de la mort, de la façon de mourir. Dénonciation de la guerre : relever les indices qui permettent d’aboutir à la dernière phrase de l’extrait : de l’interrogative qui débute le texte, jusqu’a l’assertion finale «C'est des hommes et d'eux seulement qu'il faut avoir peur, toujours." (Avec la forme impersonnelle qui donne l’aspect d’un présent de vérité générale). La situation dans le temps et les marques temporelles : alternance d’un récit à l’imparfait et au présent.

Le présent à des valeurs de vérité générale lorsque le narrateur décrit l’absurdité de la guerre : « On ne pense à rien ! »: Il parle au passé pour en décrire l’horreur : « Je venais de découvrir d'un coup la guerre tout entière.

J'étais dépucelé »: marquer la différence. II Une réflexion sur le sens de la vie Le situation du narrateur évolue par rapport au récit : il prend des distances, tout en s’impliquant de manière personnelle. Revenir sur le mode de narration et l’intérêt du lecteur : alternance questions et exclamations qui montrent les doutes et les incertitudes. L ' énonciation : là aussi alternance entre je pronom « je » et « on » (pronom de l’indéfini par excellence).

Qui C éline implique t’il dans ce « on ».

De la même manière, son « je » évolue t’il tout au long de l’extrait ? La focalisation est –elle interne, externe ou omnisciente ? Toutes ces questions vous permettront d’évaluer le point de vue du narrateur. Ici, relever que la focalisation est interne, (dans le récit des souvenirs) mais aussi omnisciente quand il parle de l’état d’esprit du colonel : universalisation des hommes et de leur condition face à la guerre. Relever aussi les marques d’implication personnelles du narrateur : nous fait –il part de ses sentiments intimes ? (là aussi, les types de phrases peuvent vous aider à évaluer son état d’esprit). III le jugement dernier Nous venons de voir dans la deuxième partie que le narrateur fait part de ses sentiments mais aussi il exprime ses doutes sur la condition humaine en généralisant son propos. Le récit est à la fois objectif : l’horreur de la guerre dénoncée, mais aussi subjectif, n’oublions pas que Céline à vécu la guerre alors qu’il était jeune.

Expérience traumatisante qu’il raconte ici. Pouvons nous donc dire que Céline porte un jugement sur la guerre ? Assurément : Les indices : le lexique dépréciatif, les nombreuses comparaisons (la vache, la prison), l’oralité du texte (là aussi cet extrait regorge de mots issus du langage familier : pépère, engueulade…) Quelle image de la guerre et de la condition humaine sont ici connotées : relever les indices qui montrent les marques de la bêtise de l’obéissance des hommes lorsqu’il s’agit de se battre ou se tuer. Conclure sur le sens donné à l’évènement décrit à travers le récit.

Et revenir aussi sur la tonalité du texte : les registres de langue, ici familier, et le jeu au niveau de l’énonciation je/on. D’une part Céline dénonce la violence d’un état de guerre, mais aussi il juge les hommes, et leurs comportements d’un point de vue général.. »

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