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Cécile SAUVAGE (1883-1927) (Recueil : L'âme en bourgeon) - Tu tettes le lait pur...

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Cécile SAUVAGE (1883-1927) (Recueil : L'âme en bourgeon) - Tu tettes le lait pur... Tu tettes le lait pur de mon âme sereine, Mon petit nourrisson qui n'as pas vu le jour, Et sur ses genoux blancs elle, berce la tienne En lui parlant tout bas de la vie au front lourd. Voici le lait d'esprit et le lait de tendresse, Voici le regard d'or qu'on jette sur les cieux ; Goûte près de mon coeur l'aube de la sagesse ; Car sur terre jamais tu ne comprendras mieux. Vois, mon âme sur toi s'inclinant plus encore, Dans le temps que tu dors au berceau de mon flanc, Brode des oiseaux blonds avec des fils d'aurore Pour draper sur ton être un voile étincelant ; Elle forme en rêvant ton âme nébuleuse Dont le jeune noyau est encore amolli Et t'annonce le jour, prudente et soucieuse, En le laissant filtrer entre ses doigts polis. Ouvre d'abord tes yeux à mon doux crépuscule, Prépare-les longtemps à l'éclat du soleil ; Vole dans mes jardins, léger comme une bulle, Afin de ne pas trop t'étonner au réveil. Cours après les frelons, joue avec les abeilles Que pour toi ma pensée amène du dehors, Soupèse entre tes mains la mamelle des treilles, Souffle sur cette eau mauve où la campagne dort. Entre dans ma maison intérieure et nette Où de beaux lévriers s'allongent près du mur, Vois des huiles brûler dans une cassolette Et le cristal limpide ainsi qu'un désir pur. Ce carré de clarté là-bas, c'est la fenêtre Où le soleil assied son globe de rayons. Voici tout l'Orient qui chante dans mon être Avec ses oiseaux bleus, avec ses papillons ; Sur la vitre d'azur une rose s'appuie. En dégageant son front du feuillage élancé ; Ma colombe privée y somnole, meurtrie De parfum, oubliant le grain que j'ai versé. Entr'ouvre l'huis muet, petit mage candide. Toi seul peux pénétrer avec tes légers pas Dans la salle secrète où, lasse et le coeur vide, Sur des maux indécis j'ai sangloté tout bas. Ou bien, si tu le veux, descends par la croisée Sur le chemin poudreux du rayon de midi, Ainsi qu'un dieu poucet à la chair irisée Qui serait de la rose et du soleil sorti. Je suis là, je souris, donne-moi ta main frêle, Plus douce à caresser que le duvet des fleurs ; Je veux te raconter la légende éternelle Du monde qui comprend le rire et les douleurs. Écoute et souviens-toi d'avoir touché mon âme ; Quelque jour je pourrai peut-être dans tes yeux La retrouver avec son silence et sa flamme Et peut-être qu'alors je la comprendrai mieux. Ô toi que je cajole avec crainte dans l'ouate, Petite âme en bourgeon attachée à ma fleur, D'un morceau de mon coeur je façonne ton coeur, Ô mon fruit cotonneux, petite bouche moite.

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