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Balzac, Le Colonel Chabert.

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Balzac, Le Colonel Chabert. - Que voulez-vous donc, madame ? - Je veux, je ne veux pas de procès, je veux... - Qu'il reste mort, dit vivement Derville en l'interrompant. - Monsieur, dit la comtesse, s'il faut vingt-quatre mille livres de rente, nous plaiderons... - Oui, nous plaiderons, s'écria d'une voix sourde le colonel qui ouvrit la porte et apparut tout à coup devant sa femme, en tenant une main dans son gilet et l'autre étendue vers le parquet, geste auquel le souvenir de son aventure donnait une horrible énergie. - C'est lui, se dit en elle-même la comtesse. - Trop cher ! reprit le vieux soldat. Je vous ai donné près d'un million, et vous marchandez mon malheur. Hé ! bien, je vous veux maintenant vous et votre fortune. Nous sommes communs en biens, notre mariage n'a pas cessé... - Mais monsieur n'est pas le colonel Chabert, s'écria la comtesse en feignant la surprise. - Ah ! dit le vieillard d'un ton profondément ironique, voulez-vous des preuves ? Je vous ai prise au Palais-Royal... La comtesse pâlit. En la voyant pâlir sous son rouge, le vieux soldat, touché de la vive souffrance qu'il imposait à une femme jadis aimée avec ardeur, s'arrêta ; mais il en reçut un regard si venimeux qu'il reprit tout à coup : - Vous étiez chez la... - De grâce, monsieur, dit la comtesse à l'avoué, trouvez bon que je quitte la place. Je ne suis pas venue ici pour entendre de semblables horreurs. Elle se leva et sortit. Derville s'élança dans l'Etude. La comtesse avait trouvé des ailes et s'était comme envolée. En revenant dans son cabinet, l'avoué trouva le colonel dans un violent accès de rage, et se promenant à grands pas. - Dans ce temps-là chacun prenait sa femme où il voulait, disait-il ; mais j'ai eu tort de la mal choisir, de me fier à des apparences. Elle n'a pas de cœur.

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