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Anaïs SEGALAS (1814-1893) - Bertile

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Anaïs SEGALAS (1814-1893) - Bertile Voici que ma maison est vivante et folâtre, Et que Dieu l'aperçoit ; L'oiseau du paradis, le bonheur, vient s'abattre Et chanter sur mon toit. Hier, dans mon jardin, une fleur est éclose Sur le plus frais rosier ; Hier un bel enfant, autre céleste rose, Est né dans mon foyer. Bonjour, petit enfant, petit roseau qui penches, Bonjour, mon diamant ; Dis, ma Bertile, dis, colombe aux plumes blanches, Qui viens du firmament, Quels dons as-tu reçus de Jésus, de sa mère, De l'ange Gabriel, Qui t'ouvrirent en pleurs, pour t'envoyer sur terre, Les portes d'or du ciel ? Gabriel t'a donné ce qui fait son essence, L'angélique douceur ; Puis, sans doute, il a mis sa robe d'innocence À sa petite soeur, Sa couronne de lis, belle entre les plus belles. Oui, pour lui ressembler, Prends sa robe de lin ; mais ne prends pas ses ailes, Tu pourrais t'envoler ! Jésus t'a dit : « À toi la piété, mon ange, Oh ! sur terre, aime-moi ! Car je fus un enfant tout chétif dans son lange, Fragile comme toi. Aussi, toujours je veille et couvre de mon aile Tous les pauvres petits, Et tous les nouveau-nés ont dans leur berceau frêle Les clefs du paradis. « Oh ! tu n'auras pas, toi, ma crèche et mon empire ! Nul mage ne viendra T'apporter d'Orient l'or, l'encens et la myrrhe ; On ne te donnera Que des baisers ; mais, va, l'or et la perle fine, Qui pourraient te peser, Au front d'un nouveau-né ne vont pas, ma divine, Aussi bien qu'un baiser. » Et la Vierge t'a dit : « Sois pure, sois limpide, Du front jusques au coeur. Mais vois-tu, mon enfant, savoir qu'on est candide, C'est perdre sa candeur ; Aussi tu seras pure, ô ma douce colombe, Sans t'en apercevoir : Le lis de la vallée et la neige qui tombe Sont blancs sans le savoir. » Si j'avais été là, dans le ciel de lumière D'où l'enfant descendit, Moi, j'aurais fait un voeu profane, un voeu de mère ; Tout haut, j'aurais bien dit : Vierge, vous êtes sainte, oh ! mettez-lui dans l'âme Candeur et pureté ! Mais j'aurais dit tout bas : Vierge, vous êtes femme, Donnez-lui la beauté ! Merci, vous m'exaucez, ma fille est déjà belle ! Je l'admire et j'attends. Tout germe, tout sourit, et tout est frais en elle Et couleur du printemps. Bouche en fleur, peau de soie, à la teinte vermeille, Longs yeux noirs et jolis, Tout est dans ce berceau : n'est-ce pas la corbeille Où fleurit mon beau lis !

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