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SIMON Claude 1913

SIMON Claude 1913

Romancier, né à Tananarive, de parents français. Il habite tantôt près de Perpignan - il y est viticulteur -, tantôt à Paris ; et il a semblé longtemps ne pas trop se soucier de la bonne ou mauvaise fortune de ses œuvres littéraires, pourtant marquées dès le début (Le Tricheur, 1946) au coin d'une personnalité tout à la fois pénétrante et savoureuse. Mais son style s’aiguise encore, tandis que sa vision s'amplifie, dans Le Sacre du printemps (1954) ; et Le Vent, tentative de restitution d'un retable baroque (1957) qui révèle qu'il avait voulu être peintre; et photographe aussi (Album d'un amateur, 1988). Peu à peu il s'impose comme un des maîtres de la littérature contemporaine avec L'Herbe (1958); bientôt suivie de La Route des Flandres, qui restera longtemps son livre le plus célèbre (1960) : Durant la dérisoire campagne de mai 1940, trois soldats errent sur la route avant d'être, à leur tour, faits prisonniers; ils parlent de leur capitaine, disparu (De Reixach; prononcer: Reichac), de sa célèbre écurie de courses, de sa femme Corinne, etc. En fait, les interférences du présent sur le souvenir, ou les rêveries sur l’avenir, sont si serrées, qu'il n'y a plus de récit - de « fil » du récit - mais en quelque sorte, comme dans un tissu, une trame et une chaîne. Lors de la sortie du livre un critique saluait ainsi dans Les Nouvelles littéraires cette audacieuse formule romanesque : « Le roman-récit ne satisfait plus la sensibilité de l'homme du XXe siècle [...], qui sent que la réalité est plus complexe qu'un récit bien fait. »
La « réalité »? Sans doute, mais comme Roussel naguère, dans le poème qui prend pour prétexte la bataille des Pyramides (Nouvelles Impressions d'Afrique), Claude Simon pourrait affirmer qu'il n'est pas nécessaire qu'une œuvre « contienne rien de réel». La réalité, les souvenirs (Je n'invente rien, dit-il), l'observation d'un tableau ou de l'intérieur d'une boîte à cigares (dans Orion aveugle, par exemple, 1970) ou de cartes postales (dans Histoire, 1967, qui est peut-être son plus beau livre) ne sont qu'une simple base de départ, un tremplin, le but étant l'écriture elle-même: les mots, avec leur prodigieux pouvoir de rapprocher et de confronter. Et encore : Le mot de réalisme me gêne. J'aperçois si mal la réalité [...] et dès qu'elle est retranscrite, c'est une autre réalité de mots, de langage, qui obéit à ses lois propres. Mais il est vrai que tout se présente à moi sous forme d'images, de sensations. Pour rendre comme il le souhaite la perception confuse, multiple et simultanée du monde, Claude Simon, depuis Le Vent jusqu'à Leçon de choses (1975) et au-delà, invente peu à peu une langue à lui, qui, malgré ses remous, ses méandres, ses sous-courants, ne cesse de retenir l'attention à force de richesse et d'éclat. « Immense foisonnement baroque», écrivait Ludovic Janvier dans La Quinzaine littéraire ; mais œuvre subtilement concertée, aussi. Pour conclure, Claude Simon - le cas n'est pas si fréquent - a le souffle et le verbe d'un vrai poète.

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