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séquence. Au cinéma, suite de plans successifs formant une totalité du point de vue de l’action. L’expression peut être aussi utilisée au théâtre, notamment dans le théâtre de tableaux, pour désigner, à l’intérieur d’un acte ou d’un tableau, un ensemble de scènes ou d’actions qui forment un tout.

Séquence. Forme littéraire médiévale constituée par huit à vingt phrases mélodiques (appelées clausules) dont chaque note supporte une syllabe. Ex. : L’Epiphanie du Seigneur (ixe siècle). Les séquences sont souvent consacrées à des saints. Parmi celles-ci, la plus ancienne qui nous soit parvenue en français est la Séquence de Sainte Eulalie, composée vers 880 par un moine de la région de Valenciennes. C’est un poème hagiographique. Séquence est actuellement un terme de narratologie, emprunté au cinéma et introduit en critique littéraire par Todorov, pour désigner une unité de récit. L’intrigue d’un roman est faite d’un enchaînement de séquences. Au théâtre, où l’action est découpée en actes et en scènes, on parle de séquence pour désigner une partie d’une scène (le moment où il se passe une action précise).

sermon. Les recueils de sermons (en latin) adaptés aux différentes fêtes et destinés à faciliter la tâche des prêtres étaient très répandus depuis l’époque carolingienne. Au XIIe siècle apparaissent les premiers sermons en langue vulgaire, en vers ou même en prose (sermons de Maurice de Sully, à la fin du XIIe siècle, d’abord en latin, puis transcrits en prose française avant 1220). Les sermons en prose sont adaptés à un public populaire (répétitions, didactisme plus pesant), alors que les sermons en vers, qui ne sont pas destinés à la prédication, constituent une forme de poésie morale (Vers de Thibaut de Marly, Poème Moral, Bible Guiot de Guiot de Provins), à laquelle se rattachent les revues dites des « états du monde ». Certains sermons en vers comme le Sermon des plaies sont destinés à la méditation des religieux (ce dernier évoque la mystique des plaies du Christ, qu’affectionnaient les franciscains). Au Moyen Age, le sermon en langue vulgaire est le seul moyen d’accès des illettrés au contenu de l’Écriture sainte ; genre largement oral, il ne subsiste que peu de chose de l’énorme production du XIIIe siècle.
A l’époque classique, le sermon est le genre oratoire majeur : il est le discours que le prédicateur prononce en français lors des offices religieux (alors que la messe est dite en latin). C’est pour cela que le sermon fût pendant longtemps le genre littéraire le plus connu du grand public, et souvent son seul accès à une prose qui vise à la beauté et au grand style. La structure en est claire et bien charpentée, car tout doit être perçu immédiatement dans la performance orale : l’orateur commence par le texte, c’est-à-dire la citation biblique qui donne le sujet du sermon. Ensuite l’exorde prépare le public, puis, après l'Ave prononcé par toute l’assistance, arrive le développement proprement dit ; son plan est soigneusement annoncé (en deux ou trois points de préférence). La péroraison enfin conclut le discours en en tirant les principales leçons pour la vie chrétienne ici-bas. Le sermon apparaît en définitive comme une vaste amplification, qui illustre et rend vivante une vérité de foi, à l’aide d’exemples, de narrations, de tableaux, réactualisant ainsi un texte éternel dans le contexte précis d’une cérémonie religieuse, au contact d’un public réel et des préoccupations d’une époque. Pour l’âge classique, le grand représentant du genre est Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704) ; à l’époque romantique, le genre sera encore brillamment illustré, notamment par Lacordaire (1802-1861) qui, avec ses Conférences de Notre-Dame de Paris (1835-1851), met sa puissante éloquence au service de la religion contre l’« indifférence » du monde moderne.

Sermon. Discours prononcé en chaire sur un sujet religieux. Au XVIIe siècle, les sermons de Bossuet comme ceux de Bourdaloue sont des modèles d’éloquence. Le genre est destiné à la déclamation, même si certains sermons n’ont jamais été proférés. Au Moyen Age on appelle Sermon Joyeux un genre dramatique carnavalesque. Ex. : Le Sermon de Saint Hareng parodie la vie de saint Laurent. Ces sermons tournent en dérision les sermons sérieux (ceux de la chaire) et les Mystères. Aussi sont-ils émaillés d’un latin macaronique qui ridiculise le latin d’Eglise et de plaisanteries obscènes (ex. : Saint Andouille, Saint Frappe-culs) semblables à celles des fabliaux.


sermon joyeux. Forme dramatique brève (environ 250 vers) de la fin du Moyen Age et de la Renaissance. Il se présente comme un monologue parodique, qui réutilise la structure et la rhétorique des sermons (thème issu de l’Ecriture, exorde, construction rigoureuse ; rhétorique de la preuve, recours à des exemples et des préceptes) sur un sujet profane, voire grossier ou scatologique. L’invocation à la Trinité peut être remplacée par une invocation à Bacchus. Le sermon joyeux appartient à la même veine que la poésie goliardique des siècles précédents. Il était souvent joué à l’occasion de repas de noces, de banquets de corporations, ou sur des places publiques, dans des tavernes. On dénombre une trentaine de sermons joyeux {Sermon joyeux de tous les fous, Sermon de saint Fausset, Sermon joyeux de saint Velu, Sermon du pou et de la puce).


serventois. Forme poétique médiévale, transposition en langue d’oïl du surventes de la poésie d’oc. Mais si le serventois est lui aussi une poésie au service d’une cause, il a tendance à se spécialiser dans le service du sacré, et plus particulièrement de la Vierge. Il reprend la mélodie de la chanson pieuse. Au XIVe siècle, sa structure jusque-là souple tend à se figer en une forme fixe composée de cinq onzains sur cinq rimes, avec un envoi, mais sans refrain. C’est l’une des formes pratiquées dans les puys poétiques de la France du Nord (Paris, Artois, Picardie, Hainaut, Flandre), jusqu’à la fin du XIVe siècle.

sextine (n. f., du latin sextus, « sixième »). Poème sur deux rimes, composé de six sizains suivis d’un envoi (tomada) de trois vers, avec reprise des mêmes mots à la rime, mais dans un ordre différent (1 2 3 4 5 6 -> 6 1 5 2 4 3). Les six mots sont répétés à la fin de chaque hémistiche de l’envoi, dans l’ordre de la première strophe. D’après Thomas Sébillet, c’est l’Italien Pétrarque qui a écrit les plus belles sextines. C’est surtout à la Renaissance que ce genre a été pratiqué en France.

Sextine. Forme fixe créée au xiie siècle par le troubadour Arnaud Daniel, puis utilisée par Pétrarque. Elle est remise en honneur au xixe siècle par le comte F. de Gramont. Elle tire son nom (sixième) du fait qu’elle comprend six strophes de six vers, auxquelles s’ajoute une demi-strophe de trois vers. Sa caractéristique est que les rimes reprennent les mots à la rime de la première strophe, dans un ordre qui est toujours le même, la première rime d’une strophe devenant la sixième de la strophe suivante, la seconde la première, etc., selon le schéma : 1 6 2 1 3 5 4 2 5 4 6 3
Voici la fin de la sextine Autour d’un étang du comte de Gramont, citée par Banville : En vain j’irai chercher de plus nobles rivages, Pactole aux sables d’or, Bosphore au flot vermeil, Aganippe, Permesse aux éloquents feuillages, Pénée avec ses fleurs, Hèbre et ses chœurs volages, Eridan mugissant, Mincie au frais sommeil Et Tibre que couronne un étemel soleil; Non, tous ces bords fameux n’auraient point ce soleil Que me rend votre aspect, anonymes rivages ! Du présent nébuleux animant le sommeil, Ils y font refleurir le souvenir vermeil Et sonner du printemps tous les échos volages Dans les rameaux jaunis non moins qu’aux verts feuillages. Doux feuillages, adieu; vainement du soleil Les volages clartés auront fui ces rivages, Ce jour vermeil luira jusque dans mon sommeil. La demi-strophe finale reprend dans l’ordre les six mots à la rime de la première strophe, les 2e, 4e et 6e à la rime, les autres à l’intérieur du vers.

signature. En codicologie médiévale, ce terme désigne la numérotation des cahiers, disposée en bas de page, destinée à permettre au relieur de respecter leur ordre de succession correct. Cette numérotation est en chiffres romains minuscules : ii, iij, iv ou iiij, etc. Leur observation permet à l’éditeur moderne de repérer les éventuelles interversions de cahiers.

Signe linguistique. Toute la linguistique et la poétique modernes sont construites sur la définition du signe linguistique procurée par F. de Saussure au début du XXe siècle, comme combinaison d’un signifiant (un segment sonore, un ensemble de phonèmes, [arbr] par exemple) et d’un signifié (un contenu conceptuel, un sens, l’idée d’« arbre » par exemple). Le signe linguistique a deux caractéristiques majeures : il est arbitraire (il n’y a pas de relation entre les sons du mot « arbre » et la notion d’« arbre »), il est linéaire : contrairement aux arts plastiques qui proposent des données dans la simultanéité, les signes linguistiques se disposent successivement dans la phrase.

signifiance. Depuis les travaux d’E. Benveniste, on tend à appeler signifiance la propriété qu’a tout mot, tout signe, tout symbole... de signifier. La signifiance, comme aptitude à signifier et façon de signifier, se distingue donc de la signification, comme contenu sémantique ou portée référentielle. On pourra dire, par exemple, que tel poème et tel morceau de musique, tel tableau et telle description ont la même signification (ils désignent ou expriment la même chose) ; il n’en demeurera pas moins vrai qu’ils diffèrent totalement par leur signifiance (verbale, musicale, picturale...).

simultanéisme. Technique qui consiste dans la juxtaposition de scènes, de fragments de pensées ou de paroles qui, dans la diégèse, se déroulent au même moment. Il s’agit donc d’une tentative pour vaincre la linéarité de la parole romanesque (et poétique : songeons aux poèmes simultanés d’Apollinaire). Certaines expériences unani-mistes de Jules Romains dans Les Hommes de bonne volonté (1932-1947) montrent une telle ambition, mais c’est seulement après la Seconde Guerre mondiale et la rencontre de certaines expérimentations américaines ou cinématographiques que le roman français tira le meilleur parti de la gageure simultanéiste : Hitler dormait, Chamberlain dormait, son nez faisait une petite musique de fifre, Daniel s'était assis sur son lit, ruisselant de sueur (J.-P. Sartre, Le Sursis, 1945).

sirventés (n. m.). Forme poétique de langue d’oc, littéralement « poème de service ou de serviteur », qui se met précisément au service d’une cause, qu’elle soit morale (pour corriger les méchants), politique ou militaire. La forme est celle de la canso. Les sirventés de Bertrand de Born sont célèbres.

sizain (n. m.). Écrit aussi parfois « sixain ». Strophe de six vers, iso- ou hétérométrique. Il s’agit d’une strophe prolongée. La forme la plus employée dans la disposition des rimes est celle du rythme tripartite : aabccb. Ainsi, dans « Lux » de Victor Hugo (Châtiments, 1853) : Temps futurs ! vision sublime ! Les peuples sont hors de l'abîme, Le désert morne est traversé. Après les sables, la pelouse ; Et la terre est comme une épouse, Et l'homme est comme un fiancé ! Il existe quantité d’autres formules sur deux rimes (abba-ba ; ababba ; aabbab...), sur trois (aabcbc ; ababcc ; abbacc...).

sociocritique. On tend à regrouper sous ce terme deux interrogations critiques relativement différentes : la première est celle de la sociologie de la littérature, qui s’intéresse au fonctionnement social de la création littéraire (statut des institutions littéraires, conditions de production des textes, relation avec le public...) ; la seconde est la sociologie des textes, qui cherche à retrouver dans l’œuvre elle-même à la fois la représentation d’un univers social et de ses préoccupations, et les traces de l’imaginaire collectif, selon une sorte de parallèle entre structures de l’œuvre et structures sociales. Cette sociologie des textes s’inspire souvent des catégories marxistes (G. Lukàcs, L. Goldmann).

sociolecte. Tout ensemble de spécificités langagières propres à un groupe d’individus, tout registre de langue spécialisé, jargon technique, ensemble de termes propres à une catégorie sociale ou professionnelle donnée. On appelle aussi sociolecte un terme ou une tournure propre à un groupe social identifiable. Molière a parodié le sociolecte des médecins, des précieuses, des paysans. Les romanciers réalistes ont eu fréquemment recours aux sociolectes pour rendre compte des divers groupes de la société : des galibots, des haveurs, des raccommodeurs (É. Zola, Germinal). A « sociolecte », l’analyse littéraire préfère parfois le mot « parlure ».

songe. L’Antiquité distinguait les songes véridiques (sortis des Enfers par la porte de corne selon Virgile) et les songes trompeurs (sortis par la porte d’ivoire). Dans les textes du Moyen Age, « songe » rime souvent avec « mensonge ». Mais, à la suite de l’Antiquité tardive, ceux-ci usent fréquemment de la fiction du songe, dans un but didactique, comme cadre d’une allégorie narrative ou d’un récit de visite dans l’Au-delà : le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris (vers 1230), le Songe d’Enfer de Raoul de Houdenc (début XIIIe siècle), ou le Tournoiement Antéchrist d’Huon de Méry (1234) par exemple. A la fin du XIVe siècle, le Songe du Vieil Pelerin de Philippe de Mézières retrace un rêve allégorique dans lequel l’auteur, vieux pèlerin, parcourt le monde avec des personnifications pour juger de sa décadence morale ; le Songe du Vergier utilise le même cadre pour présenter un dialogue entre la Puissance temporelle et la Puissance spirituelle, arbitré par un clerc et un chevalier, qui se présente comme une réflexion approfondie sur les deux pouvoirs. Le songe s’accordait bien avec le goût des médiévaux pour l’allégorie narrative. Le XVIe siècle reprend au Moyen Age le genre et les procédés du songe, y compris le langage allégorique qu’il cultive. C’est un « Songe » riche en symboles qui ouvre les Antiquitez de Rome de Du Bellay. Bien plus tôt, Le Songe de Poliphile, œuvre du Vénitien Francesco Colonna (1499), raconte la quête onirique « du héros-narrateur, qui poursuit, puis retrouve, dans un décor de ruines, d’architectures antiques et de jardins, sa bien-aimée Polia» (G. Polizzi). Le néoplatonisme donne au songe des lettres de noblesse qui ne font que renforcer son prestige. Il explique en effet que l’âme, prisonnière du corps, retrouve dans le sommeil le chemin du ciel et ses vérités natives. La littérature sur le songe, très abondante, distingue entre les songes du soir, souvent trompeurs, et ceux du matin, beaucoup plus fiables. Le texte de la Bible, où abondent les songes, renforce le crédit qu’on peut leur accorder. D’Aubigné s’en souvient dans Les Tragiques.




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