SAGAN Françoise [Françoise QuoiREz] 1935
SAGAN Françoise [Françoise QuoiREz] 1935
Romancière, née à Cajarc, Lot. Précoce en tout, ce n'est toutefois qu'à quarante-neuf ans qu'elle commence à « écrire ses Mémoires»: (Avec mon meilleur souvenir, 1984); mais c'est en réalité le «bilan» de toute une génération, composée de jeunes intellectuels de solide bourgeoisie, dont elle a semblé donner le plus heureux reflet : désabusés avant l'âge; et, surtout, désœuvrés de naissance. Tel avait été le triomphe de Bonjour tristesse (1954), qu'on fut tout étonné qu'il se répète à chacun de ses très brefs et très nerveux romans (faisons abstraction de son théâtre, brillant certes, mais qui semble être d'un autre écrivain), depuis Un certain sourire (1956), jusqu'à La Laisse (1989), en passant - entre autres - par Dans un mois dans un an (1958), Aimez-vous Brahms? (1959), Les Merveilleux Nuages (1961), Des bleus à l’âme (1972). Notons le titre du dernier nommé de ces romans; l'« âme » en question nous ramène, en somme, au « vague des passions» de René, et de Rolla. Et André Bourin, dans Les Nouvelles littéraires, ne parlait-il pas, à propos de Sagan, des « enfants du demi-siècle » ? Par là, elle a porté - dans une certaine mesure et comme malgré elle - un «jugement sur son temps», et mérite d'être qualifiée de moraliste.
Avec cette réserve, pourtant, que la femme émancipée qui est dépeinte ici sous des traits si « fascinants » n'est nullement émancipée, dès lors qu'elle n'a d'autre souci que d'être fascinante. De « plaire » à l'homme. Mais après tout la grande Colette, non plus, ne se pose pas de problème sur ce point. On a un peu vite reproché à cet écrivain qui a fait preuve d'une vigueur sans défaillance d'avoir perdu son insolence en route, et son mordant. Voire son talent de créateur: « Françoise Sagan (déclare, par exemple, John Updike dans La Vie littéraire, Gallimard, 1979) a cessé de s'aimer elle-même; et avec cet amour perdu elle a perdu l'élan nécessaire pour créer un univers de fiction. » Plaisanterie vraiment trop injuste. C'est l'époque et son esprit qui ont changé. Mais l'écrivain, lui, reste aussi dense, dru; et pourtant, dans son ton (c'est bien là le miracle) discret. On peut dire, en résumé, que Françoise Sagan, sans y avoir jamais prétendu, aura été un grand romancier.