Mal du siècle Maniérisme Manifeste Marivaudage Maxime Mélodrame Métalangue Métaphore Métonymie
Mal du siècle. Expression qui apparaît après 1830 sous la plume des romantiques pour désigner l’inadéquation fondamentale entre le moi et l’ordre du monde. Musset, en 1836, dans Confession d'un enfant du siècle, exprime le désarroi de la jeunesse désabusée sous la Restauration. • Canat R., Une forme du mal du siècle. Du sentiment de la solitude morale chez les romantiques et les parnassiens, Genève, Slatkine Reprints, 1967.
Maniérisme. Idéal artistique de raffinement en liaison avec la vie de cour et de salon. A l’origine, on regroupe sous cette étiquette des peintres italiens de la seconde moitié du XVIe siècle, tels Parmigianino, Sodoma, etc., imitateurs de la maniera de Raphaël ou de Michel-Ange dont ils accentuent certains des traits. Par extension, on qualifiera en peinture de maniéristes des artistes qui privilégient le style sur le naturel, comme par exemple Le Greco ou Modigliani. Le concept de maniérisme littéraire a été forgé en 1935 par E.R. Curtius pour caractériser la première période du baroque, c’est-à-dire en France les années 1530 à 1580. La technique des écrivains consiste alors à raffiner sur la règle et sur les procédés d’expression. Cet art se caractérise par la recherche de l’effet, la distorsion des formes, l’étrangeté des atmosphères. Issu du pétrarquisme, ce courant accorde à l’amour, sublimé, une place essentielle.
Manifeste. Déclaration publique par laquelle un courant littéraire ou un auteur définit ses conceptions (procédés, buts, etc.). Au Moyen Age où le rapport à l’art est fort différent et où la notion d’originalité n’existe pas, l’artiste, qui reste le plus souvent anonyme, ne s’explique pas. Le manifeste naît avec les Temps modernes. La Défense et illustration de la langue française de Du Bellay (1549) est le premier manifeste. Les manifestes se multiplient depuis le XIXe siècle, époque où la critique littéraire commence à se constituer en tant que genre. Certaines préfaces comme certains avant-propos ont valeur de manifeste. Ex. : la Préface de Cromwell de Victor Hugo (1827), ou l’Avant-propos de la Comédie humaine (1842) de Balzac.
Marivaudage. Terme qui apparaît, du vivant même de Marivaux, pour caractériser un style où le badinage, quoique imité de la conversation, se teinte de préciosité. «Jamais on n’a mis autant d’apprêt à vouloir paraître simple », lui reprochera La Harpe (1799).
A l’acception strictement stylistique du terme, s’ajoute, après le XVIIIe siècle, une notation psychologique. Le marivaudage prend en effet la forme d’un jeu constant entre le mensonge et la vérité dans des relations amoureuses où le conflit n’est pas insoluble. C’est une joute, faite de coquetterie, entre l’amour propre qui tente de dissimuler l’aveu, et l’amour, manège que Marivaux, selon d’Alembert, a défini ainsi :
J’ai guetté dans le cœur humain toutes les niches différentes où peut se cacher l’amour lorsqu’il craint de se montrer, et chacune de mes comédies a pour objet de le faire sortir d’une de ces niches. (Eloge de Marivaux)
Maxime. Genre littéraire, la maxime est une forme brève limitée au cadre de la phrase qui présente une affirmation à valeur générale souvent morale également appelée sentence : Les grandes âmes ne sont pas celles qui ont moins de passions et plus de vertu que les âmes communes, mais celles seulement qui ont de plus grands desseins. (La Rochefoucauld)
Lorsqu’elles sont très courtes, elles sont parfois appelées aphorismes : L’esprit est toujours la dupe du cœur. (La Rochefoucauld)
Mélodrame. Avatar du drame bourgeois, né au lendemain de la Révolution de 1789, qui triomphe jusqu’à la révolution de Juillet (1830), sur les grands boulevards parisiens, le Boulevard du Crime notamment. Influencé par la mode du roman noir (notamment par Radcliffe et Lewis), le mélodrame, genre manichéen, joue en permanence sur le pathétique. Il se définit par trois traits caractéristiques : - La typologie des personnages est quasi invariable : on trouve toujours trois personnages vertueux, la jeune fille, son protecteur généreux et son amoureux, auquel s’ajoute un traître odieux (qui peut être secondé par une légion de complices). - L’action est toujours identique : le traître, après avoir compromis le bonheur des amants, est puni au dénouement, ou se repent. Guilbert de Pixérécourt est le maître du genre, avec, par exemple Coelina ou l'enfant du mystère (1801). - Les éléments de spectacle (décor, machinerie, costumes, bruitage, etc.) sont privilégiés.
Métalangue. Discours de la langue sur la langue. La métalangue est liée à la propriété des langues naturelles dite de réflexivité qui leur permet de parler d’elles-mêmes. Cette propriété est l’une de celles qui permettent de définir une langue naturelle. Aucun autre système de signes en effet ne peut parler de lui-même. Ceci est possible grâce à l’existence de termes explicitement métalinguistiques, comme les termes de la grammaire : On conjugue les verbes ou certains termes du langage ordinaire, qui renvoient à la parole, comme dire, murmurer, discours, etc., et grâce au fonctionnement autonyme du signe : Chevaux est un nom pluriel.
Métaphore. Figure de signification ou trope qui joue sur des relations entre signes et est la manifestation de la fonction symbolique du langage. A la différence des métonymies et des synecdoques, elle n’est pas attachée aux propriétés des objets et est vraiment construite par le langage. Plusieurs définitions de la métaphore ont été proposées, dont aucune ne saurait, à elle seule, rendre compte de tous les cas. La métaphore est parfois définie comme une comparaison abrégée : Cet enfant est lent comme un escargot Cet enfant est un escargot définition, qui, outre qu’elle ne s’applique pas à toutes les métaphores, ne met pas en évidence la différence majeure entre la comparaison, rationnelle et logique étant donnés ses outils, et la métaphore. La métaphore est souvent définie par la ressemblance. Il importe alors de bien souligner que la ressemblance est parfois objective, lorsqu'elle repose par exemple sur des propriétés perceptives des objets : Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l’ombre Brillait à l’occident, et Ruth se demandait, Immobile, ouvrant l’œil à moitié sous ses voiles Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été Avait, en s’en allant, négligemment jeté Cette faucille d’or dans le champ des étoiles. (V. Hugo, Booz endormi)
mais que le plus souvent, elle est le résultat d’un « voir comme », selon l’expression de Ricœur, qui naît de la subjectivité de celui qui la construit. La métaphore est ainsi révélatrice de rapports cachés, et c’est en cela qu’elle a une fonction heuristique, mais du coup, elle comporte souvent, en particulier dans la poésie baroque ou surréaliste une part d’énigme :
le cœur d’eau noire du soleil. (Char, Force clémente)
Enfin, on dit également que la métaphore repose sur une proportion ou analogie. Ceci n’est vrai, au sens strict, que des métaphores qui impliquent quatre termes :
[...] les orgues de Barbarie Sanglotent dans les cours grises (Apollinaire, La Chanson du Mal-Aimé) et peuvent ainsi s’analyser : musique / orgues = sanglot / humain. Ici, la métaphore implique un verbe et son sujet, dans d’autres cas, il s’agit de noms reliés par une préposition :
Le baiser en l’Amour est l’octave en Musique, Vous en avez pris un, et vous en voulez deux [...] (Abraham de Vermeil, Sonnet XXXI)
Toute métaphore implique une syntaxe. Même si celle-ci ne lui est pas spécifique, et si elle emprunte des configurations non métaphoriques, elle se localise dans quelques cadres qui permettent d’opposer les métaphores in praesentia, où deux substantifs sont reliés par le verbe être, la configuration d’apposition ou une préposition :
Je pense à toi mon Lou ton cœur est ma caserne. (Apollinaire)
Juin ton soleil ardente lyre Brûle mes doigts endoloris. (Apollinaire, La Chanson du Mal-Aimé)
le citron d’or de l’idéal amer. (Mallarmé)
et les métaphores in absentia qui ne font que suggérer les rapprochements explicités dans les configurations précédentes, et indiquent par un adjectif ou un verbe, les propriétés d’un substantif :
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse (Baudelaire, Tristesses de la luné)
Sur le plan sémantique, l’interprétation d’une métaphore se fait par le parcours des traits de signification des termes propres et figurés pour trouver leurs points de rencontre, et par le parcours des séries associatives dans lesquelles ils s’inscrivent. Le mécanisme de la métaphore filée, explicité dans certains textes :
Mon beau navire, ô ma mémoire
Avons-nous assez navigué dans une onde mauvaise à boire Avons-nous assez navigué de la belle aube au triste soir (Apollinaire, La Chanson du Mal-Aimé)
est en fait sous-jacent à l’interprétation de toute métaphore.
Comme tout phénomène linguistique, la métaphore vit et s’use. Un grand nombre de métaphores sont ainsi lexicalisées, en particulier dans le langage quotidien : sauter sur l'occasion, avoir des cheveux aile de corbeau, etc. Ces métaphores, opaques, diffèrent de langue à langue, et peuvent être révélatrices de visions du monde. Elles peuvent toujours être revivifiées, remotivées, comme c’est souvent le cas chez les poètes surréalistes et tous ceux qui jouent avec le langage :
Il sauta sur l’occasion et lui tordit le cou. (Boris Vian)
Les fonctions de la métaphore sont multiples, mais on peut dire qu’elles sont le résultat de deux dimensions, qui lui sont toujours inhérentes. En premier lieu, la figure donne à voir et fait image (on confond d’ailleurs souvent les termes d’image et de métaphore). Elle permet en particulier d’illustrer de façon concrète des idées qui sans elle resteraient abstraites :
O âme, console-toi. Si ce divin architecte qui a entrepris de te réparer laisse tomber pièce à pièce ce vieux bâtiment de ton corps, c’est qu’il veut te le rendre en meilleur état, c’est qu’il veut le rebâtir dans un meilleur ordre [...] (Bossuet, Sermon sur la mort)
Dans certains textes elle a d’ailleurs souvent un simple rôle d’ornement et participe au beau langage ou appartient aux conventions d’un certain type de texte, par exemple de la lyrique amoureuse :
Le feu dedans mon cœur flambe éternellement, Des larmes en mes yeux un Océan abonde [...] (Claude Gaspar Bachet, Les Amours de Rosine)
Mais également, la métaphore, par la construction qu’elle implique sur le plan sémantique et sur le plan syntaxique, a une dimension abstraite et intellectuelle, puisque qu’elle opère une sélection de propriétés. Toute métaphore, à des degrés divers, comporte une part d’énigme et d’« impertinence ». Elle a ainsi une fonction cognitive, mais aussi argumentative, comme dans L'Albatros de Baudelaire, du fait qu’elle se relie à des mécanismes logiques comme l’analogie. Enfin, le choix des mots et des propriétés qu’elle met enjeu peut révéler une vision obsédante et construire un imaginaire. La métaphore serait, sur le plan du langage, un processus analogue au phénomène psychique de condensation décrit par Freud dès 1900, dans L'Interprétation des rêves. Il s’agit de l’un des deux modes, avec le déplacement, du fonctionnement des processus inconscients. Plusieurs chaînes associatives trouvent leur mode d’expression dans une représentation unique qui se situe à leur intersection. La condensation est tangible dans toutes les formations de l’inconscient, rêve, symptôme, lapsus, etc. Elle ne répond pas au seul but de déjouer la censure, mais, plus profondément, elle s’explique en termes d’économie libidinale. Sur une image composite, créée par exemple par le rêve, viennent s’additionner des énergies qui appartiennent à différentes chaînes associatives. Ainsi, dans le rêve inaugural de L'Interprétation des rêves (1900), « l’injection à Irma», où Freud raconte son propre rêve, sa patiente s’avère être la condensation de plusieurs chaînes associatives (Freud lui-même, sa femme, ses proches, une autre patiente féminine). C’est toute l’ambivalence de sa relation aux autres qui s’exprime par cette figure unique.
• Freud, L’Interprétation des rêves, Paris, PUF, 1967; Langages, n° 54; Mauron Ch., Des métaphores obsédantes au mythe personnel, Paris, Corti, 1962; Ricœur P., La Métaphore vive, Paris, Seuil, 1975.
Métonymie. Figure de signification ou trope qui joue sur les relations de contiguïté entre objets (individus, événements) existant dans le monde et qui remplace le nom d’un des deux objets par celui de l’autre. Les deux objets, à la différence de ce qui se passe dans la synecdoque, sont indépendants l’un de l’autre, et sont liés par un lien de contiguïté spatiale ou temporelle. On distingue entre autres la métonymie du contenant pour le contenu : boire un verre pour boire le vin contenu dans le verre du lieu pour l’objet fait dans ce lieu : du jean pour de la toile de Gênes de l’objet pour la matière de cet objet : un jean pour un pantalon fait en jean de l’antécédent pour le conséquent (ou l’inverse) : elle a vécu pour elle est morte de la cause pour l’effet (ou l’inverse) : refroidir pour tuer ces deux dernières catégories sont parfois appelées métalepses. Les métonymies sont abondantes en argot. Transparentes, elles sont fréquentes dans les textes classiques : Fer qui causes ma peine, M’es-tu donné pour venger mon honneur? (Corneille, Le Cid)
La métonymie serait, selon Jakobson, sur le plan du langage, un processus substitutif analogue au phénomène psychique du déplacement décrit par Freud, l’un des deux modes essentiels, avec la condensation, du fonctionnement des processus inconscients. Freud constate qu’il existe une indépendance relative de l’affect et de la représentation. L’affect lié à une représentation est en effet susceptible de se détacher d’elle pour se reporter sur d’autres représentations, à l’origine peu chargées d’intensité et reliées à la première par un réseau associatif (associations originelles établies par contiguïté ou ressemblance). Le déplacement est à l’œuvre dans toutes les formations de l’inconscient, symptômes, rêve, etc. Ainsi, dans la phobie, le déplacement de l’angoisse sur l’objet phobique, fonctionne comme une tentative faite par le sujet pour maîtriser l’angoisse. Le petit Hans, dont le cas est décrit par Freud dans les Cinq Psychanalyses, présente une peur phobique du cheval qui est le déplacement d’une angoisse liée au personnage paternel, fantasmatiquement défaillant. • Freud, Cinq psychanalyses, Paris, PUF, 1967; Jakobson R., Essais de linguistique générale, Paris, Ed. de Minuit, 1963.
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