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cratylisme critique critique génétique critique psychanalytique cycle (épique ou romanesque) dada dancourade dandysme

cratylisme. Le terme tire son origine du dialogue de Platon intitulé Cratyle. Dans ce dialogue, Socrate intervient dans une discussion entre deux sophistes : Cratyle, qui défend l’idée que le langage et en particulier le vocabulaire sont motivés, et Hermogène, pour qui le langage et le vocabulaire sont soumis à l’arbitraire et sont le résultat d’un consensus. C’est un débat qui n’a cessé de se poursuivre jusqu’à nos jours, comme le montre l’ouvrage de G. Genette, Mimologiques, 1976. Le xvie siècle, dans la ligne des Grands Rhétoriqueurs, a prêté une grande attention au cratylisme et à ce que portent les noms, en particulier les noms propres. Ronsard, désireux de s’attirer l’amour de Marie, invoque son nom Marie, qui voudrait votre beau nom tourner,
Il trouverait Aimer : aimez-moi donc, Marie,
Faites cela vers moi dont votre nom vous prie.

Saussure (1857-1913), en affirmant l’arbitraire du signe, établit une barre très nette entre signifiant et signifié, laissant simplement aux onomatopées le privilège de la motivation. Or toute une réflexion poétique montre que, dans une communauté linguistique, au niveau individuel et à la faveur de contextes et d’associations où opère ce que G. Genette appelle une « suggestion par le sens », peut se produire une remotivation du signifiant.


critique. Ce terme désigne à l’origine l’ars critica, qui consiste à examiner les textes anciens pour en éclaircir le sens et en fixer le texte à partir des différentes versions manuscrites et de l’étude de la langue (grammaire, lexique, etc.). A la suite de l’humanisme, le terme a désigné toute activité d’examen des textes littéraires, philosophiques ou religieux : il s’agit alors de lire et de juger les ouvrages, et non plus seulement de les éditer. A ce titre, la critique littéraire, même si elle a existé dans l’Antiquité (notamment par le biais des traités de poétique ou de rhétorique, qui analysent les œuvres pour en comprendre les règles : Aristote, Cicéron, Quintilien, Hermogène, etc.), trouve ses lettres de noblesse en Europe à partir de la Renaissance italienne, relayée par l’Europe entière à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, qui est à proprement parler l’âge de la « Renaissance de la critique » (Jehasse). Devenue très polémique à l’occasion des diverses querelles (autour du cicéronianisme, entre les Anciens et les Modernes), la critique est une activité littéraire de premier plan, qu’il s’agisse d’étudier les textes plus anciens (critique historique) ou d’évaluer les œuvres contemporaines (critique littéraire à proprement parler). Elle est la principale activité de la « République des Lettres » (XVIIe XVIIIe siècles).
Au début du XIXe siècle, en même temps que la littérature, naguère incluse dans les Belles-Lettres, prend le sens moderne que nous lui connaissons, la critique elle-même devient une activité autonome et, dans cet essor, le développement de la conscience historique, l’essor de la presse puis le renouveau de l’Université ont compté. Mais il s’agit d’une pratique diverse qu’exercent souvent les créateurs (Mme de Staël, Hugo, Baudelaire, Zola) et qui donne lieu aussi à l’élaboration de doctrines inspirées de modèles scientifiques (Taine, Brunetière). L’indétermination, cependant, qui permettait à une personnalité comme Sainte-Beuve d’être à la fois écrivain, critique et professeur s’efface largement au tournant des XIXe et XXe siècles. Désormais, il convient de distinguer trois pratiques différentes : la critique journalistique qui s’attache, dans une presque immédiateté, à discriminer et juger pour inviter à lire ou ne pas lire ; la critique d’écrivain, qui peut aussi bien éclairer son œuvre ou celle des autres, prendre la forme d’une écriture très littéraire ou définir des lois plus théoriques ; la critique universitaire enfin, qui s’attache à faire mieux connaître les œuvres, à les mieux lire par des éditions fréquemment renouvelées, à les rendre plus accessibles au lecteur - et à se constituer enfin en un vrai savoir sur la littérature où il faut distinguer, surtout après les années 1960, ce qui relève d’une théorie qui dégage des lois de fonctionnement et ce qui ressortit à une critique qui étudie les œuvres par une approche singulière. Mais ce qui réunit ces trois critiques, c’est quelles contribuent tacitement, par leurs choix et par leurs refus, à constituer le corpus mouvant des œuvres qui, pour chaque époque, constituent sa littérature.


critique génétique. Depuis les années 1970, étude de la genèse des œuvres et tout particulièrement du processus de création tel qu’il apparaît dans les brouillons et autres avant-textes. Par son souci d’exhaustivité et d’érudition, la critique génétique est l’héritière de la critique philologique du début du XXe siècle, celle de Gustave Lanson et de Gustave Rudler, ou - dans une moindre mesure - d’Antoine Albalat. Mais elle ne se contente plus de relever des variantes pour enrichir les éditions critiques, elle a aussi une ambition herméneutique non seulement elle permet de valider sur le manuscrit des hypothèses de lecture intuitives, mais elle parvient parfois aussi à renouveler complètement l’interprétation d’un texte, d’un point de vue psychanalytique par exemple. La critique génétique a enfin un évident intérêt linguistique, parce qu’elle permet d’observer finement le travail de récriture, de paraphrase et de correction. Au sens large, la critique génétique n’est pas seulement interné (étude des avant-textes), elle est aussi externe (étude des circonstances présidant à la création d’une œuvre).

critique psychanalytique. Depuis Freud, la psychanalyse a voulu mettre ses procédures et ses concepts au service de l’interprétation des textes littéraires (Ch. Baudouin, J. Lacan, J. Kristeva, J. Bellemin-Noël...). La critique psychanalytique propose une herméneutique du texte sur des bases assez proches de son interprétation du rêve : il s’agit de remonter du contenu explicite à un contenu latent pour mettre en évidence les pulsions fondamentales qui ont présidé à la création, d’expliquer certains aspects du texte par le travail de fictionalisation ou de mise en discours (avec déplacement et condensation) du fantasme du sujet. La critique génétique a parfois été influencée par la psychanalyse.


critique thématique. On regroupe sous cette appellation différentes démarches critiques qui, au moment du renouvellement des études littéraires en France (1950-1970), cherchèrent dans les textes littéraires la spécificité d’une relation au réel ou le déploiement structuré d’un imaginaire qui sert de grille de lecture du monde. La critique thématique fut fortement inspirée, d’une part, par la psychanalyse et par la phénoménologie (théorie philosophique développée par Husserl, Sartre, Merleau-Ponty... qui prend pour objet d’étude la relation de la conscience et du réel), et, d’autre part, par les travaux des grands précurseurs comme M. Raymond (De Baudelaire au surréalisme, 1933), A. Béguin (L’Ame romantique et le rêve, 1937), G. Bachelard (La Psychanalyse du feu, 1938 ; L’Eau et les rêves, 1943). La critique thématique tente de décrire « de l’intérieur » un univers irréductiblement personnel et de souligner la façon dont il se transforme en un univers littéraire cohérent et structuré. On distingue parfois deux moments dans la critique thématique : d’une part, ce qu’il est convenu d’appeler l’« École de Genève », qui regroupe G. Poulet (Études sur le temps humain, 1950-1958), J. Rousset (Forme et signification, 1962), J. Starobinski (L’Œil vivant, 1961) et se propose d’opérer une « critique de la conscience » qui prenne aussi en considération les aspects formels et historiques des œuvres ; d’autre part, la « critique de l’imaginaire » qui étudie la façon dont une constellation de sensations, d'impressions, de sentiments s’organise en réseaux et féconde l’œuvre littéraire (J.-P. Richard, Littérature et sensation, 1954).


cycle (épique ou romanesque). Au Moyen Âge, un cycle est un ensemble, structuré ou non, de textes appartenant au même genre et ayant entre eux des affinités thématiques, et relatant différents moments de la vie d’un héros, de son lignage, ou d’un règne, dans les domaines épique et romanesque. Dans le domaine épique, le terme de « cycle » traduit l’ancien français geste : cycle (ou geste) du roi, cycle de Guillaume d’Orange, cycle des vassaux rebelles (de Doon de Mayence). Le terme désigne également des sous-ensembles, quelquefois appelés « petits cycles » : cycle de Nanteuil, cycle des Lorrains (tous deux dans le cycle des vassaux rebelles), petit cycle de Rainouart (dans le cycle de Guillaume). Des manuscrits dits cycliques rassemblent plusieurs chansons en essayant de restituer un ordre chronologique : vie et exploits des parents, du ou des fils, des petits-enfants et des collatéraux, par exemple, en distinguant, pour le héros principal, l’enfance, la chevalerie, l'âge mûr et la vieillesse qui prend souvent la forme d’un moniage (voir ces mots). Dans le roman médiéval, le terme n’est employé que pour désigner l’ensemble dit du Lancelot-Graal (xiiie siècle), et comprend cinq romans en prose qui se font suite : Estoire del saint Graal, Estoire Merlin, Lancelot en prose, Queste del saint Graal, La mort le roi Artu, qui sont ainsi transmis dans leur continuité par de nombreux manuscrits. Phénomène de transcription manuscrite, totalement indépendant de la vie orale des textes, le cycle relève du goût du XIIIe siècle pour les sommes.

dada. Mouvement de négation iconoclaste créé à Zurich en 1916, dont le principal animateur fut l’écrivain Tristan Tzara, dada ouvre une entière transgression - rupture avec l’héritage littéraire, culte de l’arbitraire, spontanéité totale du langage - et s’accompagne de violences provocatrices. Une revue du même nom paraît de 1917 à 1920 où figurent bientôt des textes d’André Breton, Philippe Soupault et Louis Aragon. C’est aussi en 1920 que, venu à Paris retrouver le poète et peintre Francis Picabia, Tzara rencontre de nombreux écrivains qui seront les tout premiers surréalistes. Des manifestations à sensation sont organisées, mais à partir de 1922, le surréalisme naissant relègue toutes les désorientations dadaïstes à une sorte de moment de fièvre désormais dépassée.

dancourade (n. f.). Petite comédie à la manière de celles de Dancourt (1661-1725), c’est-à-dire des comédies de mœurs, légères et cruelles, qui font un tableau sans concession de la société mondaine de leur époque.

dandysme. Terme usité en France à partir de 1830, formé sur l’anglais dandy, et désignant un comportement marqué par une volonté de raffinement et d’anticonformisme. Sous différents noms et différentes formes, le dandysme est de toutes les époques. Baudelaire affirme que « César, Catilina, Alcibiade nous en fournissent des types éclatants ». Après les Raffinés du XVIe siècle français, les Beaux d’Angleterre et les Incroyables du Directoire, les Lions de la Restauration précédèrent les dandys avant de se confondre avec eux. La Comédie humaine en fournit les meilleurs exemples romanesques, avec les personnages de Montriveau, Henri de Marsay, Rastignac, Maxime de Trailles, La Palférine, etc. Dans son essai Du dandysme et de George Brummell (1845), Barbey d’Aurevilly montre qu’au-delà du désir d’élégance, d’originalité parfois extravagante et de froideur calculée, le dandysme, étroitement lié à la société anglaise, se joue des règles tout en les respectant. Il souligne la valeur intellectuelle de Brummell, qui mit son art dans sa vie et dont le ton se retrouve dans le Don Juan de Byron. Plus tard, Baudelaire, après avoir longtemps songé à un essai sur le dandysme littéraire (où il aurait inclus Chateaubriand), résume dans un chapitre du Peintre de la vie moderne (1863) sa conception du dandysme : « C’est une espèce de culte de soi-même [...]. C’est le plaisir d’étonner et la satisfaction de ne jamais être étonné. [...] Le dandysme est le dernier éclat d’héroïsme dans les décadences [...]. » Ces textes confèrent au dandysme une dimension spirituelle qu’Albert Camus confirme à sa manière dans L’Homme révolté (1951), en voyant dans la révolte du dandy « une forme dégénérée de l’ascèse ».


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