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Acéphale (1936-1939)

Acéphale (1936-1939). Revue fondée à Paris par Georges Bataille, Georges Ambrosino et Pierre Klossowski. Bataille est la tête pensante et le cœur frémissant de cette revue dont le dessin de couverture d’André Masson représente un homme nu et vigoureux, à la tête tranchée, les tripes visibles, un petit crâne masquant le sexe, les bras en croix, une main brandissant un poignard et l’autre une grenade ou un cœur en flammes. « Quand le cœur humain deviendra feu et fer, l’homme échappera à sa tête comme le condamné à sa prison. » Le titre Acéphale s’accompagne du sous-titre « Religion — Sociologie — Philosophie » et d’une figure esquissant un dédale. Ce dernier symbole peut rappeler la spirale initiatique dessinée sur la couverture du Grand Jeu de Daumal et Gilbert-Lecomte. Bataille, qui a été secrétaire général de Documents et collaborateur assidu de La Critique sociale de Boris Souvarine, s’engage avec quelques amis, Masson, Klossowski, Ambrosino, Caillois, dans une expérience réflexive et extatique, publique et fraternelle, dont le Collège de sociologie sera l’un des prolongements.
Acéphale eut quatre livraisons : un premier cahier de huit pages, daté du 24 juin 1936, deux numéros plus volumineux consacrés à « Nietzsche et les fascistes » et à « Dionysos » et, en juin 1939, un numéro entièrement écrit par Bataille mais non signé, commémorant le jour de janvier 1889 où Nietzsche succombait à la folie, évoquant la menace de la guerre et méditant sur la pratique de la «joie devant la mort ». La place de Nietzsche, auquel Bataille s’identifie, est très importante : les falsifications de la sœur du philosophe sont vigoureusement dénoncées, le prétendu lien de parenté des doctrines fascistes ou racistes avec la pensée nietzschéenne est réfuté. La religion de Bataille et de ses amis, rejetant la mortification ou la crucifixion, en appelle aux mystères dionysiaques, à la frénésie, à l’ivresse, au sacrifice. L’élément de la tragédie commande la mise à mort du chef, sa décapitation. Acéphale se veut un instrument d’analyse et de méditation de la tragédie moderne, dont individus et masses sont les acteurs privilégiés. Sur un plan plus affectif et personnel, l’Acéphale, en mettant de côté le concept psychanalytique de castration, semble une représentation commune à plusieurs poètes de l’entre-deux-guerres : Pierre Albert-Birot dont la pièce de 1920, L'Homme coupé en morceaux, fut reprise sous forme romanesque ; André Breton, hanté par la guillotine, en particulier dans Les Vases communicants ; Michel Leiris, qui évoque la femme au masque de cuir du voyageur américain Seabrook dans un article de Documents, « Le caput mortuum ou la femme de l’alchimiste ». Dans le même numéro de Documents, Bataille étudiait « La mutilation sacrificielle et l’oreille coupée de Vincent Van Gogh ». -> Acéphale, fac-similés n° 1 à n° 5, Jean-Michel Place, 1980.

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