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Stéphane MALLARME (1842-1898) - Apparition

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Stéphane MALLARME (1842-1898) - Apparition La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs Vaporeuses, tiraient de mourantes violes De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles. - C'était le jour béni de ton premier baiser. Ma songerie aimant à me martyriser S'enivrait savamment du parfum de tristesse Que même sans regret et sans déboire laisse La cueillaison d'un Rêve au coeur qui l'a cueilli. J'errais donc, l'oeil rivé sur le pavé vieilli Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue Et dans le soir, tu m'es en riant apparue Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.

« L'origine et la date de ce poème sont obscures.

Mallarmé ne le publie pas dans Le Parnasse contemporain de 1866.

Ce n'est qu'en 1883 qu'il le confie à Verlaine pour ses Poètes Maudits (avril 1884).

En 1887, dans La Revue Indépendante, il le place entre le "Le Guignon" et "Placet futile" (de 1862).

Victor Hugo appelait Mallarmé "mon cher poète impressionniste".

Sa manière est en effet celle des peintres impressionnistes : au lieu de décrire les objets, il exprime l'impression ressentie devant eux.

Le poème est une succession d'impressions dont l'ensemble compose une atmosphère suggestive. Mouvement du poème : Une succession de trois tableaux : V.

1-4 : la peinture sacrée d’un moment de hors du temps. V.

5-9 : la réflexion lyrique du moment qui suit le baiser donné par la bien-aimée. V.

10-16 : le bouleversement de la réalité due à l'apparition. Première partie : Peinture sacrée où dominent les tons bleus et blancs. Impression générale de tristesse voilée, marquée dès le premier vers : La lune s'attristait.

Aucun détail vraiment réel ; le poète semble absorbé dans la contemplation d'un tableau: les séraphins sont en effet les anges musiciens des peintres italiens de la renaissance et des préraphaélites anglais.

Ces derniers recherchent la naïveté mystérieuse et non la beauté resplendissante ; leur influence est grande sur les poètes, en particulier Rimbaud (son "Ophélie" et "la Mort d''Ophélie" du peintre Millais).

Ces séraphins sont "en pleurs" : impression de mélancolie rêveuse.

Les rejets des vers 2 et 3, "rêvant", "vaporeuses", détachent très nettement ces deux termes qui donnent l'atmosphère particulière de ces 4 vers.

Le vers 2 est une suite d'impressions de plus en plus larges (schéma : 2 - 4 - 6 ) ; progression stoppée brusquement par le rejet "vaporeuses".

Au vers 3, toujours cette sensation d'alanguissement : "de mourantes violes". Les musiciens célestes soutiennent de leur suave mélodie la songerie du poète : couleurs et sons se confondent pour créer une atmosphère paradisiaque, surnaturelle, qui s'épanouit au vers 4.

Ce vers "de blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles" est ample, rythmé, très riche en correspondances.

Il réunit en les superposant auditives: (sanglots), visuelles (blancs) musicales et plastiques (glissant) ; pour les corolles des fleurs bleues, il faut remarquer l'emploi du mot "azur», expression de la future hantise du poète (Cf.

"L'Azur").

Le vers est plein d'allitérations : le son "s" qui évoque la note haute et filée sur les "violes" interrompue par une brève dissonance qui la souligne la nasale "â " accompagnant les nombreuses consonnes liquides "1" : musicalité extrême de ce vers : "de blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles". Deuxième partie : Méditation amoureuse qui suit le premier baiser : sorte de chaste songerie après cette "victoire". Le v.

5 précise l'action dans le temps (le vers 10 la précisera dans l'espace).

c'est un très jeune homme qui parle au vers 5; ce qui justifie l'épithète "béni". Les quatre vers suivants évoquent l'atmosphère de mélancolie verlainienne et sont parfaitement clairs, sans ambiguïté : cette mélancolie n'est pas due au regret ou à la déception (V.

8), mais à quelque chose de bien plus vague : un parfum (V.

7), quelque chose d'immatériel, d'indéfini : après la rencontre de l'être aimé, le jeune homme éprouve en quelque sorte la nostalgie du moment qui précédait la rencontre. Vers 6 et 7 : l'état d'âme du poète après la rencontre est bien évoquée ici : l'esprit occupé par cette rencontre qui l'envahit tout entier: "S'énivrait savamment".

Le vers 7 est un beau tétramètre nettement rythmé, avec la correspondance "parfum de tristesse" qui rapproche un sentiment d'une sensation olfactive. Les rimes féminines 7 et 8 contrastent avec la rime du vers 9 : "cueilli": celle-ci n'est plus douce, mais plus aiguë, plus sèche.

Le vers 9 développe une très belle image introduite par les quatre vers précédents (Tout comme les vers 4 et 16, qui sont préparés par les vers précédents des tableaux) ; ces quatre vers sans ponctuation se déroulent amplement comme la rêverie se déroule sans heurts dans l'esprit du poète.

Ce dernier vers est très musical (schéma : 4 - 2 - 2 - 4); il évoque une coupe de fruits, encore suggérée par la répétition : "cueillaison"/ "cueilli" ; les allitérations en "c" sont un peu brutales, elles répètent une sorte de plainte du jeune homme en proie à sa songerie.. »

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