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Siméon-Guillaume de LA ROQUE (1551-1611) (Recueil : Amours de Phyllis) - Or que la nuit et le silence

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Siméon-Guillaume de LA ROQUE (1551-1611) (Recueil : Amours de Phyllis) - Or que la nuit et le silence Or que la nuit et le silence Donnent place à la violence Des tristes accents de ma voix, Sortez, mes plaintes désolées, Étonnez parmi ces vallées Les eaux, les rochers et les bois ! Je viens sous la fraîcheur de l'ombre Pour augmenter l'amoureux nombre De ceux que j'y vois transformés, Blâmant le sujet de ma peine, Qui pour changer ma forme humaine, A les dieux jaloux réclamés. Courant à mon mal volontaire Je suis en passe solitaire Changé par trop de cruauté. L'ingrate dont j'ai l'âme atteinte Le veut afin que par ma plainte J'aille éternisant sa beauté. Depuis caché sous ce plumage, Nuit et jour parmi ce bocage Je fais retentir ma langueur, Mais enfin ma belle adversaire Tout soudainement me fait taire, Si je parle de sa rigueur. Maintenant la mort courroucée Se fait objet de ma pensée, L'espoir m'est un monstre odieux, Le jour m'importune et m'ennuie, Si bien qu'en cette obscure vie, Je me passerais de mes yeux. Narcis, quand ton amour extrême Te changea, mourant pour toi-même, Ton feu s'éteignit promptement, Mais las, ma flamme est continue ! Pour avoir ma forme perdue, Je n'ai point perdu mon tourment. Ainsi mon amour mémorable Aura ce loyer misérable, Puisque la cause est sans pitié. Ha ! combien son âme est cruelle, Croyant que qui ne meurt pour elle Fait preuve de peu d'amitié ! Enfin réduit à la constance, Mon coeur s'apprend à la souffrance, Mes yeux s'accoutument aux pleurs, En ce lieu je vis plein d'alarmes, Contant mes erreurs par mes larmes, Et ses beautés par mes douleurs. Vous forêts, à qui je raconte La fureur du mal qui me dompte, Croyez qu'Amour me fait parler, Je ne mens point de mon martyre, Car si la douleur m'en fait dire, Le respect m'en fait bien céler. Passants, témoins de la tristesse D'un chevalier qu'une déesse Exile en ce lointain séjour, Annoncez par toute la terre Qu'autant qu'il fut heureux en guerre, Il est misérable en amour...

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