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Sei-Shônagon

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Sei-Shônagon 965- ? Sei-Shônagon est un des écrivains les plus importants de l'histoire de la littérature japonaise. Cependant personne ne l'a dit au Japon, exception faite des savants et des spécialistes qui étudient la littérature "nationale classique". Les écrivains l'oublient et les critiques littéraires ne parlent jamais d'elle. Pourquoi ? Lorsque, en 1946, un groupe d'écrivains soviétiques visita le Japon, l'un d'eux, Constantin Simonov, parla du Roman de Genji des termes fort élogieux, une romancière très intellectuelle d'extrême-gauche l'interrompit brusquement : "Mais hélas ! c'est une œuvre de la noblesse !" Les Notes de l'Oreiller de Sei-Shônagon sont, aussi, un livre aristocratique et réactionnaire, aurait-elle dit... Au Japon, le mouvement littéraire moderne commença seulement au début de notre siècle, tandis qu'en Europe il remonte au temps de la Renaissance. La mission qu'assumaient nos écrivains était de nier les lettres médiévales, et, en même temps, d'introduire celles de l'Europe moderne. Ils firent un effort ardent et tenace pour européaniser notre littérature. Aussi les écrivains japonais de nos jours ne s'intéressent plus à Sei-Shônagon, ni à Murasaki-Shikibu, comme c'est le cas des Français d'aujourd'hui pour l'Astrée, ou le Grand Gyrus. Les Occidentaux nous conseillent toujours de conserver nos propres traditions, parce que, disent-ils, nous, les Japonais, possédons Murasaki-Shikibu, Hônen, Hokusai, etc... Cependant, depuis la révolution de 1868, nous nous sommes toujours efforcés d'échapper à l'état de stagnation asiatique et de transplanter la civilisation européenne dans notre climat. Si nous échouons dans cette entreprise, nous nous perdrons. Pour les penseurs de l'Ouest, de Schopenhauer jusqu'à Hermann Hesse, l'Asie est peut-être la source la plus ancienne de la sagesse humaine, mais, pour nous autres, Japonais, cette Asie-là ne signifie que misère et désastre. Pour la majeure partie du peuple qui vient de connaître la dignité de l'homme et la liberté de l'esprit, notre littérature du Moyen Âge n'est qu'un amas horrible de souvenirs d'un régime féodal fondé sur une hiérarchie intolérable. D'ailleurs, pendant la seconde guerre mondiale, nos chauvins rendaient un culte fanatique à nos classiques et attaquaient la littérature moderne de l'Occident. On ne pouvait lire Dickens ou Emerson sans courage ni danger.