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Raymond Queneau, Zazie dans le métro, IV.

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Raymond Queneau, Zazie dans le métro, IV. Il en faisait des hypothèses. Zazie lui rendit son mouchoir très humidifié. L'autre ne manifesta nul dégoût en remettant cette ordure dans sa fouillousse. Il continuait : "Il faut tout me dire. N'aie pas peur. Tu peux avoir confiance en moi. – Pourquoi ? demanda Zazie bredouillante et sournoise. – Pourquoi ?" répéta le type déconcerté. Il se mit à racler l'asphalte avec son pébroque. "Oui, dit Zazie, pourquoi que j'aurais confiance en vous ? – Mais, répondit le type en cessant de gratter le sol, parce que j'aime les enfants. Les petites filles. Et les petits garçons. – Vous êtes un vieux salaud, oui. – Absolument pas", déclara le type avec une véhémence qui étonna Zazie. Profitant de cet avantage, le meussieu lui offrit un cacocalo, là, au premier bistrot venu, en sous-entendant : en plein jour, devant tout le monde, une proposition bien honnête, quoi. Ne voulant pas montrer son enthousiasme à l'idée de se taper un cacocalo, Zazie se mit à considérer gravement la foule qui, de l'autre côté de la chaussée, se canalisait entre deux rangées d'éventaires. "Qu'est-ce qu'ils foutent tous ces gens ? demanda t-elle. – Ils vont à la foire aux puces, dit le type, ou plutôt c'est la foire aux puces qui va-t-à-z-eux, car elle commence là. – Ah ! la foire aux puces, dit Zazie de l'air de quelqu'un qui veut pas se laisser épater, c'est là où on trouve des ranbrans pour pas cher, ensuite on les revend à un Amerlo et on n'a pas perdu sa journée. – Y a pas que des ranbrans, dit le type, y a aussi des semelles hygiéniques, de la lavande, des clous et même des vestes qui n'ont pas été portées. – Y a aussi des surplus américains ? – Bien sûr. Et aussi des marchands de frites. Des bonnes. Faites dans la matinée. – C'est chouette, les surplus américains. – Si on veut, y a même des moules. Des bonnes. Qu'empoisonnent pas.

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