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Raymond Queneau, Zazie dans le métro, III.

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Raymond Queneau, Zazie dans le métro, III. C'est une rue tranquille. Les autos y passent si rarement que l'on pourrait jouer à la marelle sur la chaussée. Il y a quelques magasins d'usage courant et de mine provinciale. Des personnes vont et viennent d'un pas raisonnable. Quand elles traversent, elles regardent d'abord à gauche ensuite à droite joignant le civisme à l'excès de prudence. Zazie n'est pas tout à fait déçue, elle sait qu'elle est bien à Paris, que Paris est un grand village et que tout Paris ne ressemble pas à cette rue. Seulement pour s'en rendre compte et en étre tout à fait sûre, il faut aller plus loin. Ce qu'elle commence à faire, d'un air dégagé. Mais Turandot sort brusquement de son bistrot et, du bas des marches, il lui crie : "Eh petite, où vas-tu comme ça ?" Zazie ne lui répond pas, elle se contente d'allonger le pas. Turandot gravit les marches de son escalier : "Eh petite", qu'il insiste et qu'il continue à crier. Zazie du coup adopte le pas de gymnastique. Elle prend un virage à la corde. L'autre rue est nettement plus animée. Zazie maintenant court bon train. Personne n'a le temps ni le souci de la regarder. Mais Turandot galope lui aussi. Il fonce même. Il la rattrape, la prend par le bras et, sans mot dire, d'une poigne solide, lui fait faire demi-tour. Zazie n'hésite pas. Elle se met à hurler : "Au secours ! Au secours !" Ce cri ne manque pas d'attirer l'attention des ménagères et des citoyens présents. Ils abandonnent leurs occupations ou inoccupations personnelles pour s'intéresser à l'incident. Après ce premier résultat assez satisfaisant, Zazie en remet : "Je veux pas aller avec le meussieu, je le connais pas le meussieu, je veux pas aller avec le meussieu." Exétéra.

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