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Pourquoi les personnages de comédie se déguisent-ils si souvent ? Vous vous demanderez quelles fonctions peut avoir le travestissement des personnages au théâtre ?

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Au déguisement pesant de la bienséance, la comédie oppose un travestissement joyeux, un plaisir ludique du changement de forme par lequel le transfuge social découvre l'étendue de son pouvoir naissant.   II   _ Cet enjeu social du déguisement trouve un médium particulièrement fécond dans l'art de la scène, puisqu'il se double alors d'une nécessité à demi formelle : les personnages de théâtre ne sont pas des êtres en soi, mais des fonctions, les pures expressions de rapports de force manifestés par le dispositif scénique. Ils peuvent donc changer d'apparence et même d'identité sans modifier la structure des situations, et sont bien souvent tenus de le faire, étant donné les moyens financiers du théâtre en général : chaque comédien joue assume plusieurs rôles au sein d'une même pièce. Le texte lui-même réalise la même économie : un même personnage incarne un ensemble de forces, sociales certes, mais aussi psychologiques, morales et plastiques. La Commedia dell'arte s'avère particulièrement révélatrice de ce processus, puisqu'elle se limite à une douzaine de personnages, toujours les mêmes, présents dans chaque comédie. Le masque porté réduit (ou élargit) l'identité de l'acteur jusqu'à en faire le représentant d'un caractère ou d'une fonction particulière. Ainsi la figure du Capitan est reconnaissable à son nez proéminent, sa moustache en bataille, son torse bombé et son accent espagnol. Chacun de ces traits de déguisement ouvre la personnalité de l'individu sur scène vers des données extrascéniques. Ainsi, l'accent espagnol évoque les fantassins de l'armée de Charles Quint, présents dans tous les pays d'Europe au XVIe siècle. A cette fonction réaliste, l'attitude du capitan rattache des données psychologiques que sont l'autosatisfaction, la fanfaronnade et la vanité, sur laquelle vient encore se greffer un jugement moral qu'est l'accusation de ridicule.

« I _ La comédie se distingue du genre tragique dans la mesure où elle ne représente plus des être royaux ou divins, mais qu'elle s'attache au contraire à la représentation du monde populaire et bourgeois.

Historiquement, les époques fécondes pour le théâtre de comédie correspondent systématiquement à l'émergence de classes bourgeoises : celle d'Aristophane en Grèce, de Goldoni en Italie du nord, de Corneille en France... _ Bien plus, le personnage de comédie par excellence qu'est le valet répond à une problématique d'ascension sociale. Arlequin, Sganarelle ou Scapin entreprennent au fond un même mouvement au sein de l'univers social modélisé qu'est l'intrigue de comédie : il s'agit d'un personnage plein de ressources mais roturier ; le héros de comédie trouve sa force dans sa capacité à changer de vêtement, en ce que ce dernier est censé désigner la position sociale de celui qui le porte. Dans Le Barbier de Séville, Figaro excelle ainsi à endosser l'habit du comte Amalviva, et quoiqu'il n'agisse que dans le but de servir son maître, ce faisant il s'approprie un peu de son pouvoir, qui ira jusqu'à se retourner contre la volonté de ce dernier dans Le mariage de Figaro.

Le déguisement établit donc sur scène des rapports qui contournent ceux qu'impose la hiérarchie sociale. _L'acte de travestissement est ainsi porteur d'une réflexion d'abord descriptive qui répond aux habitudes sociales.

Ces dernières exigent de l'individu qu'il adopte des visages différends, qui dans la vie quotidienne n'ont rien d'un jeu, mais doivent devenir la véritable peau de tout un chacun.

La comédie présente le même phénomène, mais sur un mode absolument positif : jamais le valet ne souffre de la transformation de son apparence, qui fait au contraire sa joie.

Au déguisement pesant de la bienséance, la comédie oppose un travestissement joyeux, un plaisir ludique du changement de forme par lequel le transfuge social découvre l'étendue de son pouvoir naissant. II _ Cet enjeu social du déguisement trouve un médium particulièrement fécond dans l'art de la scène, puisqu'il se double alors d'une nécessité à demi formelle : les personnages de théâtre ne sont pas des êtres en soi, mais des fonctions, les pures expressions de rapports de force manifestés par le dispositif scénique.

Ils peuvent donc changer d'apparence et même d'identité sans modifier la structure des situations, et sont bien souvent tenus de le faire, étant donné les moyens financiers du théâtre en général : chaque comédien joue assume plusieurs rôles au sein d'une même pièce.

Le texte luimême réalise la même économie : un même personnage incarne un ensemble de forces, sociales certes, mais aussi psychologiques, morales et plastiques.

La Commedia dell'arte s'avère particulièrement révélatrice de ce processus, puisqu'elle se limite à une douzaine de personnages, toujours les mêmes, présents dans chaque comédie.

Le masque porté réduit (ou élargit) l'identité de l'acteur jusqu'à en faire le représentant d'un caractère ou d'une fonction particulière. Ainsi la figure du Capitan est reconnaissable à son nez proéminent, sa moustache en bataille, son torse bombé et son accent espagnol.

Chacun de ces traits de déguisement ouvre la personnalité de l'individu sur scène vers des données extrascéniques.

Ainsi, l'accent espagnol évoque les fantassins de l'armée de Charles Quint, présents dans tous les pays d'Europe au XVIe siècle.

A cette fonction réaliste, l'attitude du capitan rattache des données psychologiques que sont l'autosatisfaction, la fanfaronnade et la vanité, sur laquelle vient encore se greffer un jugement moral qu'est l'accusation de ridicule.

Le déguisement n'est jamais indifférent : il désigne, il signifie. _ En ce sens, le travestissement du personnage ne dissimule pas tant l'acteur au public qu'il ne révèle le public à lui-même. Le propension au déguisement du personnage de comédie apparaît comme nécessaire par rapport à la situation formelle que créé la représentation théâtrale, en ce qu'elle produit un phénomène de théâtre dans le théâtre.

Chaque scène déguisée reproduit l'expérience d'Hamlet, puisqu'elle donne à voir au spectateur une situation dans laquelle l'acteur se fait passer pour ce qu'il n'est pas auprès de son interlocuteur immédiat, tout en prenant un tiers (le public et le personnage informé) pour complice.

Comme forme artistique, le théâtre trouve dans le déguisement un moyen d'exprimer sa propre réalité, et apprend ainsi à jouer de lui-même. III _ Il faut donc considérer le travestissement de comédie non seulement comme le simple rebondissement d'une intrigue qui se plaît à rechercher des phénomènes de quiproquos et d'inversions, mais encore comme un acte qui interroge le théâtre dans sa signification totale.

Ainsi considéré, le déguisement apporte plus au valet qu'une puissance usurpée : il est la condition de possibilité de son discours.

Le médecin malgré lui de Molière développe cette réalité, par la scène dans laquelle Sganarelle, grimé en médecin, examine la fille de Géronte et se lance dans de longue théories qui laissent l'assistance pantoise.

Fort de son statut que rien ne confirme hormis son habit, Sganarelle va jusqu'à prouver au vieil homme que le cœur humain est situé dans la partie droite du corps humain, et le foie à gauche.

A partir d'un travestissement originel, c'est aussi le discours, puis la vérité elle-même qui se trouvent inversés tout entiers. _ Il convient donc d'envisager dans toute son importance le phénomène du travestissement, qui doit son apparente légèreté au contexte de la comédie, mais s'avère être une arme dangereuse.

Ainsi, l'expérience du théâtre expressionniste bouleverse la signification du déguisement, et en particulier du masque sur la scène.

En effet, le masque de comédie, antique ou de Commedia, est composé par des rictus typiques, et des éléments orientés vers une signification particulière (par exemple la bosse d'Arlequin, signe de son génie quelque peu malin).

A l'inverse, et y compris dans des oeuvres présentées comme des comédies, le théâtre du XXe siècle invente le masque neutre, qui n'est plus une écriture du visage, mais son effacement.

Le personnage de comédie est mis à distance dans l'art contemporain, et se trouve placé sous le signe de la perte d'identité (comme dans le Mephisto de Klaus Mann). _ Peut être l'art baroque permet-il de réconcilier ces deux significations antagonistes du travestissement, conquête d'une identité et perte d'identité, en ce que la coexistence de deux mouvements inverses n'est pas sentie par l'artiste comme contradictoire, mais apparaît au contraire comme la meilleure représentation possible du réel.

Ainsi, dans La nuit des rois, comédie de Shakespeare, l'héroïne qu'est Viola, déguisée en homme, retrouve son frère jumeau, dont elle a exactement la même apparence.

S'en suit une scène de vertige, dans laquelle chacun des deux personnage projette son identité dans celui qui lui fait face, réalisant par là une sorte de transposition optique du sentiment amoureux.

Par le déguisement, le personnage de comédie fait de son identité une chose mobile, et susceptible de trouver dans l'autre, le double, un nouvelle chair.. »

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