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Polybe

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Polybe 201-120 av. J.-C. Polybe est le véridique témoin de la conquête du monde par les armes de Rome. Sa vie et son oeuvre sont révélatrices des sentiments réciproques des Grecs et des Romains lorsque ces deux peuples s'affrontèrent, et surtout lorsque les meilleurs des deux camps, apprenant à se connaître, apprirent aussi à s'estimer, à se respecter et parfois à s'aimer. L'admiration des Romains pour la culture, la science et la littérature helléniques est bien connue, et nul n'ignore que "la Grèce vaincue conquit son farouche vainqueur", mais il faut lire Polybe pour comprendre que Rome aussi, par la force et l'équilibre de son organisation politique et militaire comme par les vertus de ses hommes, a pu séduire certains Hellènes qui souffraient pourtant de la brutalité conquérante des "Barbares de l'Ouest". Quand naquit Polybe, vers 210 av. J.-C., Alexandre le Grand était mort depuis plus d'un siècle (323). Athènes, Sparte, Thèbes avaient perdu leur puissance, et les cités grecques ne pouvaient conserver une partie de leur indépendance qu'en se groupant pour faire masse en face des royaumes de Macédoine, d'Égypte et de Syrie. Au nord de l'isthme de Corinthe, la Confédération étolienne réunissait presque tous les peuples de la Grèce centrale ; au sud, le Péloponnèse tendait à s'unifier sous la direction de la Confédération achéenne. Polybe est un Achéen : il est né au coeur du Péloponnèse, en Arcadie, à Mégalopolis, la "Grande Ville" fondée par le Thébain Epaminondas pour devenir le centre politique des cités arcadiennes. Il appartenait à une famille noble et en vue : son père Lycortas fut stratège des Achéens et était l'ami de Philopoemen, le grand homme de la Confédération depuis la mort d'Aratos.

« Polybe 201-120 av.

J.-C. Polybe est le véridique témoin de la conquête du monde par les armes de Rome.

Sa vie et son oeuvre sont révélatrices des sentiments réciproques des Grecs et des Romains lorsque ces deux peuples s'affrontèrent, et surtout lorsque les meilleurs des deux camps, apprenant à se connaître, apprirent aussi à s'estimer, à se respecter et parfois à s'aimer.

L'admiration des Romains pour la culture, la science et la littérature helléniques est bien connue, et nul n'ignore que "la Grèce vaincue conquit son farouche vainqueur", mais il faut lire Polybe pour comprendre que Rome aussi, par la force et l'équilibre de son organisation politique et militaire comme par les vertus de ses hommes, a pu séduire certains Hellènes qui souffraient pourtant de la brutalité conquérante des "Barbares de l'Ouest". Quand naquit Polybe, vers 210 av.

J.-C., Alexandre le Grand était mort depuis plus d'un siècle (323).

Athènes, Sparte, Thèbes avaient perdu leur puissance, et les cités grecques ne pouvaient conserver une partie de leur indépendance qu'en se groupant pour faire masse en face des royaumes de Macédoine, d'Égypte et de Syrie.

Au nord de l'isthme de Corinthe, la Confédération étolienne réunissait presque tous les peuples de la Grèce centrale ; au sud, le Péloponnèse tendait à s'unifier sous la direction de la Confédération achéenne.

Polybe est un Achéen : il est né au coeur du Péloponnèse, en Arcadie, à Mégalopolis, la "Grande Ville" fondée par le Thébain Epaminondas pour devenir le centre politique des cités arcadiennes.

Il appartenait à une famille noble et en vue : son père Lycortas fut stratège des Achéens et était l'ami de Philopoemen, le grand homme de la Confédération depuis la mort d'Aratos. Polybe entra de bonne heure dans la vie politique et militaire au côté de son père.

En 183, quand Philopoemen, fait prisonnier par ses ennemis en Messénie, eut été contraint de boire la ciguë, c'est à Polybe qu'échut l'honneur de rapporter les cendres du héros dans sa patrie.

Puis il accompagne son père dans une ambassade en Égypte, et se trouve mêlé de près à la plupart des événements militaires et diplomatiques qui marquent la lutte de Rome et de la Macédoine jusqu'à la bataille de Pydna, où Paul-Émile vainquit le roi Persée en 168.

Polybe, comme son père, avait prudemment essayé de maintenir la neutralité achéenne au cours de la tourmente, mais cette politique du parti aristocratique avait été combattue par les démocrates achéens dont le chef, Callicrate, prônait alors l'alliance avec Rome.

Aussi, après la victoire de 168, le Sénat réclama-t-il aux Achéens mille otages, que Callicrate choisit parmi les familles nobles et riches, et Polybe fut du nombre. C'est dans ces conditions que, vers l'âge de quarante ans, il fut envoyé en Italie, où il devait séjourner seize ans, à cette époque qui fut, au jugement de Cicéron, l'âge d'or de la République.

Son exil devait avoir les plus grandes conséquences pour la pensée de Polybe et son appréciation des événements.

Il fut émerveillé par le spectacle de la discipline et des vertus romaines.

Comme on l'a dit, "il y avait, pour ainsi dire, harmonie préétablie entre son esprit vigoureux et ce monde nouveau ; personne n'était mieux que lui en état de le comprendre et de l'apprécier".

En Achaïe, il n'avait jamais été un ennemi déclaré de Rome ; en Italie, il devint son admirateur le plus décidé et aussi le plus lucide.

Il ne s'agit donc pas d'une conversion politique, mais de la découverte, provoquée par les lois de la guerre, d'une société mieux adaptée à son tempérament que n'était l'Achaïe troublée et querelleuse de son temps. Cette découverte fut favorisée par la haute et précieuse amitié des propres fils de Paul-Émile, le vainqueur de Pydna : Fabius et Publius, celui-ci connu sous le nom de Scipion Émilien, le futur vainqueur de Carthage et de Numance.

Polybe nous a raconté en des pages charmantes comment le prêt de quelques livres fut à l'origine de cette amitié et comment le plus jeune des deux frères, Publius, qui n'avait alors que dix-huit ans (en 164), sollicita avec modestie les conseils et l'attention de Polybe, qui jusque-là s'occupait surtout de son frère aîné.

Dans cette maison, où il n'était plus un otage, mais un ami respecté, Polybe rencontra Laelius et toute la fleur de l'aristocratie romaine.

Il dut à ces amitiés de pouvoir rester à Rome, au lieu d'être envoyé, comme la plupart des exilés, dans un municipe italien, et il put ainsi approcher familièrement beaucoup de Romains éminents dans la politique et dans les lettres. Scipion, par amitié pour lui, plaida auprès de Caton la cause des proscrits achéens, et Caton finit par obtenir du Sénat leur libération, en 150.

Mais, lorsque Polybe regagna alors son pays, Rome était devenue pour lui comme une seconde patrie ; il y revint plusieurs fois et accompagna Scipion dans ses campagnes ; en 146, il se trouvait auprès de lui lors de la prise de Carthage. Entre temps, l'Achaïe s'était soulevée contre Rome, les sages conseils de Polybe n'ayant pas été écoutés.

C'est alors que Corinthe fut prise et la Grèce réduite en province romaine.

Polybe usa de son influence pour sauver plusieurs de ses compatriotes compromis et mérita la reconnaissance de certaines cités grecques, notamment d'Elis, qui lui éleva par gratitude une statue à Olympie.

Il mena une vie active jusqu'à un âge avancé : il mourut à quatre-vingtdeux ans, vers 128, d'une chute de cheval. C'est sans doute lors de son exil à Rome que Polybe conçut le projet de son grand ouvrage : une Histoire en quarante livres qui raconterait la conquête du monde par les Romains entre le début de la seconde guerre punique (221) et la prise de Corinthe (146).

Polybe a eu pleinement conscience de la grandeur et de l'unité de son sujet.

Comme Thucydide, il pense que l'historien fait oeuvre utile en permettant aux hommes d'État et aux généraux de profiter des exemples du passé, et il veut que son oeuvre soit "pragmatique", c'est-à-dire entièrement consacrée à la connaissance précise, technique de la politique, de la diplomatie, des opérations militaires.

Formé par la pratique des affaires, il analyse profondément les mobiles des hommes publics, le caractère des peuples et leurs institutions.

Ses études sur les constitutions de Sparte, de Rome et de Carthage sont des monuments d'information exacte et de pénétrante réflexion ; elles ont mérité de devenir classiques. Son exposé a une allure scientifique et, par endroits, philosophique, par exemple quand il fait la théorie des causes.

Il sait qu'il paraîtra à bien des lecteurs "sévère et monotone", mais il ne veut qu'être utile, bien loin de désirer charmer et séduire à la façon d'un Hérodote.

Son seul point faible, comme historien, est sa partialité à l'égard de certains ennemis des Achéens, comme les Etoliens, qu'il accuse en toute occasion de brutalité et de cupidité.

Comme écrivain, il possède à un haut degré la clarté, mais son style est terne et sans art.

On a même pu lui reprocher d'annoncer le jargon parlementaire et journalistique d'aujourd'hui : de nos jours, il aurait parlé d'"agissements", de "compromissions", d'"aboutissements", de "facteurs" et d'"organismes". Dans cette époque hellénistique, qui est caractérisée à la fois par une littérature frivole et décadente, et par une science en plein et prodigieux essor, Polybe se rattache beaucoup plus à des savants comme Eratosthène, Archimède ou Hipparque qu'à des hommes de lettres comme Théocrite ou Callimaque. Comparé à Tite-Live, qui a beaucoup utilisé son oeuvre, c'est lui, le Craeculus, qui a l'esprit positif et réaliste, tandis que le Romain se préoccupe beaucoup plus d'art et de rhétorique.

Si l'oeuvre de Polybe, qui n'a subsisté qu'en faible partie, avait entièrement disparu, l'éclat purement littéraire de la Grèce n'en serait guère diminué, mais notre connaissance historique de Rome et des États grecs serait beaucoup plus pauvre, et il nous manquerait le témoignage lucide et profond de l'un des esprits les plus vigoureux de l'antiquité.. »

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