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Plutarque

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Natif de Chéronée en Béotie, Plutarque vit le jour vers l'an 50 de notre ère, à une époque où l'Antiquité classique se mettait à boucler ses comptes et, de vivant, ne lançait plus guère dans la circulation que la menue monnaie de la grammaire et de la rhétorique moralisante représentée aussi par la prédication ou diatribe populaire. Un gigantesque résumé de la pensée, de la science et de l'histoire s'imposait : ce fut l'œuvre de Plutarque. Mieux peut-être que Balzac, il eût pu dire : en ma tête j'ai porté un monde. Le demi-siècle, tout de même, et le quart du suivant allaient fournir encore, en première ligne, la satire sulfureuse de Juvénal et les torches de l'historien Tacite, qui versent la flamme et l'ombre sur les convulsions d'une pâte humaine empruntée aux carnages et à l'orgie. De ce demi-siècle, la première décennie allait se signaler par le suicide à main forcée des deux grandes figures de la période précédente : le philosophe stoïcien (tragédien aussi à ses heures) Sénèque, et le poète Lucain, deux Cordouans que le sort mêla aux préoccupations toujours dangereuses et à la présence funeste de Néron. C'est encore là, paraît-il, que se place un fait divers : Epaphroditos, l'affranchi du tyran, brisant pour s'amuser la jambe de l'esclave stoïcien Epictète. Après ces monstruosités, suivies encore d'un ébranlement général de l'empire, quand les armées, à la mort de Néron (an 68), convergèrent de l'Ibérie, de la Germanie, du Danube et de la Judéo-Syrie vers la capitale pour essayer, chacune pour son compte, d'instituer empereur leur général, après les sacrilèges perpétrés par la soldatesque sur la personne auguste de Rome, après les massacres où s'écroulèrent Vitellius, Galba et Othon, la paix du glaive s'établit. Les légions du Danube et de Syrie, victorieuses, ouvraient à Vespasien leur chef les portes du Capitole (an 70). Plutarque avait vingt ans. La dynastie des Flaviens (Vespasien, Titus, Domitien) assura au monde impérial une paix relative jusque vers la fin du premier siècle. Cette dynastie fut relayée en 98 par celle non moins fameuse et non moins excellente des Antonins, qui remplirent les trois quarts du second siècle (ne parlons pas de l'affreux Commode) et dont les trois premiers représentants, Nerva, Trajan et Hadrien coïncident avec l'arrière-été, l'automne et l'hiver de Plutarque, si vraiment l'écrivain s'éteignit une dizaine d'années après la mort de Trajan, survenue en 117. Malgré des séjours à Rome, un voyage en Égypte, Plutarque fut toujours un provincial attaché à son municipe de Chéronée. Géant du travail, il fut en même temps bon citoyen et bon père de famille. Il fait un peu songer à Littré, par ses mœurs irréprochables et sa curiosité encyclopédique. Alors qu'à Rome on se pressait autour des honneurs, il déroulait dans le calme, à Chéronée, ses fleuves immenses : les Vies parallèles, et les Moraux ou Œuvres morales. Il disait que celui qui abandonne sa cité ressemble à l'adultère, délaissant pour une concubine sa légitime épouse. Les provinces d'ailleurs n'eurent pas trop à souffrir au cours des désastres impériaux, et Néron, adoré de la plèbe romaine, était fort apprécié des Grecs, qu'il gâtait. Plutarque rompt une lance en faveur du repos de son âme, à la fin d'une des Œuvres morales, intitulée Des délais de la Justice divine. Dans le grand mélange de l'Empire, Plutarque resta purement grec, se vantant d'ignorer le latin.

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