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Pierre LE MOYNE (1602-1671) (Recueil : Lettres morales et poétiques) - Miroir fidèle

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Pierre LE MOYNE (1602-1671) (Recueil : Lettres morales et poétiques) - Miroir fidèle (Lettre I) [...] Tous les soirs, le soleil éteint par les ténèbres Et comme enseveli sous de grands draps funèbres Remit tous les matins, aussi jeune, aussi beau Qu'il se fit voir aux yeux du monde encor nouveau ; La lune a tous les mois une pareille grâce, Sa jeunesse revient, sa vieillesse se passe ; Tous les ans le zéphyr ressuscite les fleurs, Et l'aube, tous les jours, rend la vie aux couleurs. Il n'est pourtant, iris, qu'un printemps pour les belles : Leurs jours sont d'un moment, leurs nuits sont éternelles, Et celui qui les montre et les cache à son choix Ne leur ouvre jamais la scène qu'une fois. Le soleil qui dissout les neiges surannées Du front de l'Apennin, du front des Pyrénées, Avec tous ses rayons, avecque tous ses feux, Jamais ne dissoudra celle de vos cheveux, Quand la triste blancheur de la froide vieillesse S'épandra malgré vous le long de votre tresse ; Et vos jours, à leur tour, une fois écoulés, D'aucun astre jamais ne seront rappelés. Depuis que le ciel roule, et que les feux qu'il porte Ont passé sur la terre où Cléopâtre est morte, Jamais il n'a manqué tous les ans une fois De redonner la vie et la jeunesse aux bois ; Il a remis (esprit dans le sein des campagnes, Il a fait reverdir la tête des montagnes ; Et jamais il n'a pu, parmi tant de grands morts, Rétablir une belle, et ranimer son corps. Allez aux cours, Iris, allez aux Tuileries, Voyez leurs promenoirs, voyez leurs galeries, Et cherchez dans ces lieux si vous y trouverez Les beautés dont jadis ils furent éclairés. Des fleurs de la fortune et du temps couronnées, Elles ont là régné, durant quelques journées, Pareilles en leur pompe à ces flambeaux trompeurs Qui, sortis de la terre et nourris de vapeurs, Paraissent des soleils, dans la nue enflammée Et s'écoulent en pluie ou s'en vont en fumée. Leur mort désabusa les coeurs et les esprits Qui de leur faux éclat par les yeux s'étaient pris. Tout ce train fastueux de bruit et de lumière Les quitta sur la fin d'une courte carrière Et rien n'en demeura, pour honorer le deuil, Que la fumée en l'air, et la cendre au cercueil. [...]

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