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Paul SCARRON (1610-1660) - Chanson pastorale

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Paul SCARRON (1610-1660) - Chanson pastorale La jeune Lisette, Sur le bord d'un ruisseau, Jouoit de sa musette En gardant son troupeau. Le Berger Tyrcis, qui l'ayme Plus que soy-mesme, Luy faisoit, tout trancy, Les pleintes que voicy Jeune Pastourelle, Ton oeil est plein d'appas, Mais ton humeur cruelle Ne luy ressemble pas. Est-ce que ton coeur ignore Que je t'adore, Ou qu'il le sçache bien Et n'en decouvre rien ? Tes aymables charmes Et mes bruslans desirs Me coustent bien des larmes, Des chagrins, des soûpirs ; Tu t'en ris, belle inhumaine, Sans estre en peine Si je pourray souffrir Ta rigueur sans mourir. Lors que, dans la lande Où nous estions tous deux, Je mis une guirlande Dessus tes blonds cheveux, Je te vis toute en cholere, Toute severe, Et de ta blanche main Tu la rompis soudain. Et qu'il te souvienne Que, gravant d'un cousteau Ta devise et la mienne Sur le tronc d'un ormeau, Tu le pris pour une offence Par une absence Qui dura plus d'un mois, Tu me mis aux abois. Un jour, dans la dance, Un Berger inconnu Eut assez d'asseurance Pour baiser ton sein nu : Tu ne fis point la farouche Et quand je touche Seulement ton habit, Tu rougis de despit. Des bleds dans la pleine, Des vins sur les costeaux, Mille bestes à laine, Des chevres, des taureaux, Ma jeunesse et mon courage, Mon parentage, Mon amour et ma foy Ne peuvent rien sur toy. Outre la musette Dont je t'ay fait un don, Je grave une houlette Des chiffres de ton nom Dans peu de jours je l'acheve ; Et je t'esleve Les petits d'un faisant Pour te faire un present. Dans nostre village, Un soldat effronté Voulut faire un outrage A ta jeune beauté ; Si quelqu'un de l'assistance Prit ta deffence Plus hardiment que moy, Je m'en rapporte à toy. Dans nostre prairie, Un loup battit nos chiens, Attaquant de furie Tes troupeaux et les miens ; Tu vis avec quelle addresse, Quelle vitesse, La houlette à la main, J'attaquay l'inhumain. Quand, de nos montagnes Un grand ours descendu, Rendit de ces campagnes Tout le peuple esperdu, Nos Bergers, qui s'estonnerent, T'abandonnerent ; Tu vis, sans me vanter, S'il pût m'espouvanter. Je t'offris sa patte, Car j'en fus le vainqueur ; Ce fut là, belle ingratte, Où je connus ton coeur Ce jour là, comme enragée D'estre obligée, Daignas-tu seulement Me parler un moment ? Si ma mort te donne Tant soit peu de plaisir, Trop aymable personne, Contente ton desir : Pour peu que ma mort te touche Et qu'à ta bouche Il en couste un soûpir, Trop heureux de mourir. Il finit sa plainte ; La Bergere s'en rit : Il en eut l'ame atteinte De rage et de despit Et, sans pleurer davantage D'un tel outrage, La voyant rire ainsi Se mit à rire aussi.

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