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Nicolas Gogol

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Fils de modestes propriétaires terriens, N.V. Gogol naquit à Sorotchinsk, en Ukraine. Dés l'école, l'adolescent prend conscience de ses forces : il ne sera pas relégué, dit-il, “ parmi ceux qui ne sortiront jamais de leur obscurité ”. Mais il songe à une brillante carrière administrative, nullement à la littérature. Ses études terminées, Gogol part pour Pétersbourg où il obtient un petit emploi. C'est alors seulement qu'afin d'augmenter ses maigres ressources, il se met à écrire. L'humour, la fantaisie de son premier recueil de contes, les Veillées du hameau, conquièrent d'emblée le public Suivent deux volumes de récits et d'articles, Arabesques et Mirgorod, une nouvelle, le Portrait, une farce, les Epousailles, et une comédie, le Révizor (l'Inspecteur général). Ecœuré par le scandale que soulève cette satire des mœurs provinciales, Gogol quitte la Russie ; il parcourt l'Allemagne, la Suisse, visite Paris et se fixe à Rome. Il y compose son œuvre capitale, les Aventures de Tchitchitov ou les Ames mortes, dont la première partie parut en I842 dont la seconde ne devait jamais voir le jour. Ayant par deux fois détruit ses manuscrits, l'auteur abandonne pour un temps ce roman qu'il intitule “ poème ” ; il écrit deux récits, le Manteau et Rome et publie Extraits choisis de ma correspondance avec des amis. En 1848 il se rend en Terre Sainte, puis s'installe à Moscou et reprend la seconde partie des Ames mortes ; mais, une nuit, il jette au feu tous ses brouillons et meurt quelques semaines plus tard. La valeur proprement esthétique de l'œuvre de Gogol, qui a pris place à côté de celle-de Tolstoï, de Dostoïevski, est reconnue depuis longtemps en Russie, de même que l'importance de son rôle historique, tant du point de vue littéraire que social. “ Nous sommes tous sortis du Manteau ”, disait Tourgueniev. Gogol est en effet la source de ce courant réaliste qui domine tout le roman russe. Et il est certain, d'autre part, que le rire de Gogol a largement contribué à libérer les esprits de l'atmosphère étouffante du régime impérial et exercé ainsi une action véritablement révolutionnaire. On ne peut cependant se cantonner dans une telle perspective où la portée de l'art de Gogol se trouve restreinte aux limites d'une société depuis longtemps abolie. Bien que sa prose souple, riche et expressive, défie la traduction, Gogol n'est pas “ que pour la Russie ”, comme l'affirmait naïvement le critique Bélinski : cet art a une signification universelle.

« Nicolas Gogol Fils de modestes propriétaires terriens, N.V.

Gogol naquit à Sorotchinsk, en Ukraine.

Dés l'école, l'adolescent prend conscience de ses forces : il ne sera pas relégué, dit-il, “ parmi ceux qui ne sortiront jamais de leur obscurité ”.

Mais il songe à une brillante carrière administrative, nullement à la littérature.

Ses études terminées, Gogol part pour Pétersbourg où il obtient un petit emploi.

C'est alors seulement qu'afin d'augmenter ses maigres ressources, il se met à écrire.

L'humour, la fantaisie de son premier recueil de contes, les Veillées du hameau, conquièrent d'emblée le public Suivent deux volumes de récits et d'articles, Arabesques et Mirgorod, une nouvelle, le Portrait, une farce, les Epousailles, et une comédie, le Révizor (l'Inspecteur général).

Ecœuré par le scandale que soulève cette satire des mœurs provinciales, Gogol quitte la Russie ; il parcourt l'Allemagne, la Suisse, visite Paris et se fixe à Rome.

Il y compose son œuvre capitale, les Aventures de Tchitchitov ou les Ames mortes, dont la première partie parut en I842 dont la seconde ne devait jamais voir le jour.

Ayant par deux fois détruit ses manuscrits, l'auteur abandonne pour un temps ce roman qu'il intitule “ poème ” ; il écrit deux récits, le Manteau et Rome et publie Extraits choisis de ma correspondance avec des amis.

En 1848 il se rend en Terre Sainte, puis s'installe à Moscou et reprend la seconde partie des Ames mortes ; mais, une nuit, il jette au feu tous ses brouillons et meurt quelques semaines plus tard. La valeur proprement esthétique de l'œuvre de Gogol, qui a pris place à côté de celle-de Tolstoï, de Dostoïevski, est reconnue depuis longtemps en Russie, de même que l'importance de son rôle historique, tant du point de vue littéraire que social.

“ Nous sommes tous sortis du Manteau ”, disait Tourgueniev.

Gogol est en effet la source de ce courant réaliste qui domine tout le roman russe.

Et il est certain, d'autre part, que le rire de Gogol a largement contribué à libérer les esprits de l'atmosphère étouffante du régime impérial et exercé ainsi une action véritablement révolutionnaire.

On ne peut cependant se cantonner dans une telle perspective où la portée de l'art de Gogol se trouve restreinte aux limites d'une société depuis longtemps abolie.

Bien que sa prose souple, riche et expressive, défie la traduction, Gogol n'est pas “ que pour la Russie ”, comme l'affirmait naïvement le critique Bélinski : cet art a une signification universelle. Lorsqu'on prétend que le Révizor ou les Aventures de Tchitchikov sont une peinture de la province russe, on oublie qu'à partir de son arrivée à Pétersbourg, à dix-huit ans, Gogol a perdu presque complètement contact avec les milieux qu'il est censé décrire ; en Russie et à l'étranger, il a toujours vécu parmi des intellectuels, des aristocrates.

C'est précisément cette élite qui figure dans son œuvre, mais “ dégradée ”, selon son propre aveu ; “ des généraux, dit-il, j'ai fait des soldats ”.

Le réalisme de Gogol n'est qu'un décor merveilleusement monté ; il suffit à l'auteur de quelques détails pittoresques, de menus faits, de locutions caractéristiques, obtenus souvent de seconde main, pour créer des personnages si profondément enracinés dans leur milieu que l'on ne peut évoquer l'un d'eux sans qu'il surgisse avec tout ce qui l'entoure.

Gogol cependant n'invente pas : ce qu'il nous impose, il le voit, mais ce qu'il voit en l'homme, c'est uniquement le pantin.

Les êtres mesquins et plats qui se démènent devant nous petits fonctionnaires, propriétaires stupides et avides, filous médiocres, maniaques grotesques, hableurs bavards tous ils n'ont de la vie que l'apparence, sous leur masque plus vrai que nature, ils sont tous morts.

Le thème central de Gogol est l'imposture, le mensonge d'un monde qui singe le vivant. Au début, l'écrivain n'en perçoit que le ridicule qu'il souligne pour son propre divertissement et celui du public ; ce dernier, bien entendu, ne songe même pas à se reconnaître dans l'image qu'on lui présente : ce n'est, croit-il, qu'une satire amusante des abus dont souffre le pays.

Déjà cependant, quelques récits de Mirgorod, des Arabesques, les plus beaux justement, le Journal d'un fou, Un ménage d'autrefois, Viï, faisaient entendre un autre son : la farce tournait au tragique.

Le Manteau accentue encore cette tendance : Gogol s'apitoie sur le sort de son misérable héros.

Et quant à l'avare des Ames mortes, Pliouchkine, il n'est plus drôle du tout, il est sinistre.

Gogol, dirait-on, commence à comprendre ce que lui dévoile sa vision, il en saisit le vrai sens et il a peur.

Les Extraits choisis de ma correspondance éclairent brusquement le chemin qu'il a parcouru : à la surprise et à l'indignation des lecteurs, l'écrivain comique admoneste ses concitoyens du fond de sa retraite romaine ; il leur prêche d'un ton doctoral, emphatique, le respect des autorités établies, une morale étroitement conformiste, un christianisme sombre et sectaire.

Délire mystique et mégalomanie, telle fut l'opinion générale en Russie, jugement que parurent confirmer les pratiques ascétiques de Gogol, l'hypocondrie et l'apathie des dernières années, coupées de brèves périodes d'exaltation, l'épuisement de ses facultés créatrices. Le drame de Gogol drame unique peut-être dans l'histoire de toutes les littératures tient à ce qu'il y a incompatibilité absolue en lui entre l'homme et l'artiste.

L'homme aime Homère, Raphaël, Pouchkine, l'architecture antique ; il aspire à la sérénité, à l'harmonie, il n'est heureux qu'à Rome, loin de l'agitation des villes modernes.

“ L'art, déclare-t-il, doit nous réconcilier avec la nature, extraire de la réalité la beauté.

” Or l'artiste, le visionnaire, fait “ exactement le contraire : il se complaît à la bassesse, à la laideur, n'enfante que des fantoches grimaçants : “ Des hures ! partout rien que des hures ! ” s'exclame l'un d'eux soudain réveillé.

Quand, après les Veillées du hameau qui sont encore un jeu, Gogol se refuse à être un “ amuseur ”, il lui faut composer avec son génie, trouver une justification à ce qu'il lui révèle : si l'écrivain bafoue ses semblables, c'est pour leur bien ; castigat ridendo mores.

Gogol est convaincu de sa haute mission : il “ sert ” l'Etat, la société.

Mais arrive un moment, peu après la publication des Aventures de Tchitchikov, où Gogol découvre son propre mensonge : lui aussi est un imposteur, pareil à Tchitchikov, à Khlestakov, le faux inspecteur ; il se voit “ plat ” comme eux, plongé dans la même torpeur, ensorcelé.

Horrifié, il veut renaître et ranimer ses personnages.

Son roman dont le plan sera calqué sur la Divine Comédie devra décrire la résurrection des “ âmes mortes ”, celle de l'auteur par conséquent, leur montée vers la lumière.

Il ne s'agit pourtant que de régénération morale : Gogol n'est pas plus un mystique qu'il n'est un révolutionnaire (jamais il ne se prononça contre le servage) ; il prêche uniquement la vertu, une vertu raisonnable et pratique : bons et honnêtes, tous seront heureux, et la Russie sera puissante et riche sous l'autorité d'un autocrate paternel.

Cependant, Gogol a tué en lui l'artiste incapable d'assumer le rôle qui lui est dévolu : les “ âmes mortes ” ne ressusciteront pas ; Gogol non plus, semble-t-il.

Que signifie son dernier geste ? Brûla-t-il ses manuscrits ayant reconnu son échec, ou bien sacrifia-t-il son œuvre à un Dieu dont le jugement le terrorisait ? Nous l'ignorons.

Quelques dizaines de feuillets échappèrent au feu, témoignage de la déchéance d'un génie.. »

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