Molière, L'École des femmes, Acte II, scène 5
Extrait du document
Molière, L'École des femmes, Acte II, scène 5
ARNOLPHE
Peut-être. Mais enfin contez-moi cette histoire.
AGNES
Elle est fort étonnante, et difficile à croire.
J'étais sur le balcon à travailler au frais,
Lorsque je vis passer sous les arbres d'auprès
Un jeune homme bien fait, qui, rencontrant ma vue,
D'une humble révérence aussitôt me salue :
Moi, pour ne point manquer à la civilité,
Je fis la révérence aussi de mon côté.
Soudain il me refait une autre révérence ;
Moi, j'en refais de même une autre en diligence ;
Et lui d'une troisième aussitôt repartant,
D'une troisième aussi j'y repars à l'instant.
Il passe, vient, repasse, et toujours de plus belle
Me fait à chaque fois révérence nouvelle ;
Et moi, qui tous ces tours fixement regardais,
Nouvelle révérence aussi je lui rendais :
Tant que, si sur ce point la nuit ne fût venue,
Toujours comme cela je me serais tenue,
Ne voulant point céder, ni recevoir l'ennui
Qu'il me pût estimer moins civile que lui.
ARNOLPHE
Fort bien.
AGNES
Le lendemain, étant sur notre porte,
Une vieille m'aborde, en parlant de la sorte :
"Mon enfant, le bon Dieu puisse-t-il vous bénir,
Et dans tous vos attraits longtemps vous maintenir!
Il ne vous a pas fait une belle personne,
Afin de mal user des choses qu'il vous donne ;
Et vous devez savoir que vous avez blessé
Un coeur qui de s'en plaindre est aujourd'hui forcé."
ARNOLPHE, à part.
Ah! suppôt de Satan! exécrable damnée!
Liens utiles
- Molière, l'École des femmes, acte III, scène 2
- Molière, L'École des femmes : acte II, scène 5 - Quiproquos
- Molière, L'École des femmes, Acte IV, scène 9
- Molière, L'École des femmes, Acte III, scène 1
- Molière, l'École des femmes, Acte III, scène 4.