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Maurice Scève

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Maurice Scève 1501-vers 1564 La vie de Maurice Scève demeure mal connue. Il naît à Lyon vers le début du XVIe siècle. Sa famille appartient à la bourgeoisie notable. Son père revêt de hautes charges municipales. Privés par la mort de ses soins, ni Maurice Scève, ni ses trois sœurs ne pâtissent. Elles épousent des personnages en vue. Il poursuit une carrière de riche amateur érudit. Docteur en droit, il séjourne, environ 1533, à Avignon. Il y suit les conférences des juristes pontificaux. Pétrarquiste à la fois consommé et consumé, il entreprend d'y découvrir le sépulcre de Laure. Il s'imagine de bonne foi l’avoir trouvé. En 1535, il se procure un enviable renom en confiant aux presses la Deplourable fin de Flamete, Elegante invention de Jehan de Flores, Espaignol. Cet opuscule, dont on a beaucoup médit, ne manque point d'un charme rugueux. Il se présente comme étant l'achèvement obligatoire de la Fiammetta, célèbre roman lyrique de Boccace. Les amants n'y recherchent que l'honneur de souffrir. En composant une version française de ces analyses masochistes, Maurice Scève se prépare à répondre à sa vocation. Représentant accrédité de ce que l'on nomme, avec quelque niaiserie, l'École Lyonnaise, Maurice Scève participe à ses jeux collectifs. Marot donne une vogue au Blason, sorte de poème — chose (pour emprunter une expression à Rilke), où les Grands Rhétoriqueurs se plaisaient à peindre diverses créatures. Exilé à Ferrare, il divulgue le fameux Blason du Beau Tetin. Aussitôt les poètes lyonnais de rivaliser avec lui. Ils pillent à l'envi le corps des dames. Maurice Scève proteste contre leur grivoiserie. Il dédie cinq idylles éthérées au Front, au Sourcil, au Soupir, à la Larme, à la Gorge. Dans ce tournoi de gaillardise et d'euphuisme, il obtient la palme.

« Maurice Scève 1501-vers 1564 La vie de Maurice Scève demeure mal connue.

Il naît à Lyon vers le début du XVIe siècle.

Sa famille appartient à la bourgeoisie notable. Son père revêt de hautes charges municipales.

Privés par la mort de ses soins, ni Maurice Scève, ni ses trois sœurs ne pâtissent.

Elles épousent des personnages en vue.

Il poursuit une carrière de riche amateur érudit.

Docteur en droit, il séjourne, environ 1533, à Avignon. Il y suit les conférences des juristes pontificaux.

Pétrarquiste à la fois consommé et consumé, il entreprend d'y découvrir le sépulcre de Laure.

Il s'imagine de bonne foi l'avoir trouvé. En 1535, il se procure un enviable renom en confiant aux presses la Deplourable fin de Flamete, Elegante invention de Jehan de Flores, Espaignol.

Cet opuscule, dont on a beaucoup médit, ne manque point d'un charme rugueux.

Il se présente comme étant l'achèvement obligatoire de la Fiammetta, célèbre roman lyrique de Boccace.

Les amants n'y recherchent que l'honneur de souffrir.

En composant une version française de ces analyses masochistes, Maurice Scève se prépare à répondre à sa vocation. Représentant accrédité de ce que l'on nomme, avec quelque niaiserie, l'École Lyonnaise, Maurice Scève participe à ses jeux collectifs. Marot donne une vogue au Blason, sorte de poème — chose (pour emprunter une expression à Rilke), où les Grands Rhétoriqueurs se plaisaient à peindre diverses créatures.

Exilé à Ferrare, il divulgue le fameux Blason du Beau Tetin.

Aussitôt les poètes lyonnais de rivaliser avec lui.

Ils pillent à l'envi le corps des dames.

Maurice Scève proteste contre leur grivoiserie.

Il dédie cinq idylles éthérées au Front, au Sourcil, au Soupir, à la Larme, à la Gorge.

Dans ce tournoi de gaillardise et d'euphuisme, il obtient la palme. Centre d'une société aussi élégante que bien apprise, Maurice Scève joue avec distinction le rôle ingrat d'écrivain lauréat.

Il déplore la mort du Dauphin François dans une élégie conventionnelle (1536).

En 1540, pour célébrer le passage à Lyon du Cardinal de Ferrare, il fournit à un peintre florentin, fixé à Lyon, les éléments de trois mistaires.

En 1544, il publie son œuvre maîtresse : Delie, Object de plus haulte vertu.

C'est un recueil qui comprend quatre cent quarante-neuf dizains décasyllabiques, plus un huitain liminaire.

Ils chantent les aspects lunaires de l'Éternel Féminin qui, suivant ou sa fantaisie ou la volonté d'un Dieu presque immanent au cosmos, assume le masque terrible de Diane, l'allure funèbre d'Hécate, la rayonnante majesté de Séléné.

Face à face avec cette déité triple, dont celle qu'il chérit sur terre est l'incarnation, Maurice Scève se tient dans un état de souffrance bienheureuse et d'humilité.

Son esprit s'amplifie jusqu'à comprendre les significations et les vertus de toutes les créatures tant animées qu'inanimées.

Mais sa sexualité tolère mal la chasteté purificatrice qu'il lui impose.

Avec un bon sens peu commun, Maurice Scève entrevoit les dangers physiques et spirituels qui le menacent, lui qui brûle pour une femme qu'il ne cesse d'entretenir assez familièrement pour se permettre avec elle quelques délicates privautés.

Ses inquiétudes, ses terrifiantes angoisses, sa jalousie contre celui qui possède légalement le corps de sa dame, toutes ces passions humaines, trop humaines, font que Delie n'est pas seulement un poème idéologique où se manifestent les archétypes les plus pathétiques de la pensée méditerranéenne, mais l'hymne confidentiel d'une personne humaine, qui surveille et domine à chaque instant tous les plans de sa conscience. L'expérience existentielle de l'amour, que Scève a obtenue à force de souffrir, est tout entière contenue dans Delie.

Ce que lui fournissent maintes poursuites amoureuses, il l'offre à la plus chère de ses maîtresses, Pernette du Guillet.

Celle-ci, d'ailleurs, est digne de cette faveur excessive.

Quoique savante, elle évite le pédantisme.

Poétesse bien douée, bonne musicienne, parée des agréments de la jeunesse, elle prend soin que l'esprit de lourdeur ne s'appesantisse point sur elle.

Elle offre à Maurice Scève le mélange léger d'ironie, de mélancolie, de tendresse qui lui convient le mieux.

Elle meurt le 17 juillet 1545. Accablé de tristesse, Maurice Scève s'enferme dans une propriété rustique.

Il y touche du luth, aiguise ses pinceaux, demande à la philosophie une consolation peu sûre.

L'existence contemplative qu'il mène lui semble si riche d'enseignements qu'il entreprend de résumer ceux-ci à l'usage de ses fidèles.

Ainsi naît cette admirable champêtrerie toute vibrante et parfumée d'effluves végétaux : la Saulsaye, Églogue de la vie solitaire (1547). Mais les commandes officielles auxquelles il a coutume de satisfaire viennent le troubler dans sa retraite.

En outre, il dispense à plusieurs élèves ses courtoises leçons.

Ajoutons que les deux chefs de la Pléiade naissante l'entourent d'une hypocrite vénération.

Lui, cependant, ces mille soins ne le détournent pas de ses voies.

Rien ne l'empêche de méditer, au cœur de son silence intérieur, l'ouvrage où il met son espoir de survivre : Microcosme.

Quoique Lyon soit livrée aux horreurs des discordes civiles, Microcosme paraît en 1562. Scève divise cette vaste composition en trois chants de mille alexandrins chacun, terminés par un tercet complémentaire.

A propos d'Adam et d'Eve, prototype du couple humain, il narre l'histoire mythique (mais non pas fabuleuse) de l'humanité tout entière.

Celle-ci, séparée de Dieu par sa propre création, ayant à peine savouré la limpidité de l'Eden, commet un mystérieux forfait qui entraîne sa chute.

Mais c'est là une heureuse faute, car, pour remédier aux maux qui la suivent, l'humanité prend au sérieux ce sacerdoce de la terre dont la clémence de Dieu l'investit.

Elle colonise le monde.

Elle le met en valeur.

Elle invente les sciences et les arts.

Enfin, par une longue chaîne de découvertes et de mérites, où l'assiste le Christ, modérateur du progrès humain, elle rejoint Dieu qu'à l'origine des temps elle avait quitté. Ce Microcosme, histoire du petit monde ou homme, aurait pu être le testament épique où la Renaissance aurait attesté son optimisme religieux, son appétit d'agir, sa foi dans la raison spéculative et dans l'intuition mécanicienne.

Malheureusement le génie lapidaire de Maurice Scève ne s'exprime parfaitement que dans le poème court.

Microcosme est une œuvre mal digérée.

Tantôt minutieuse, tantôt hâtive, parfois lyrique, parfois prosaïque, souvent scientifique, plus souvent didactique, elle résulte du pénible avortement d'un dessein grandiose. Après 1563, Maurice Scève ne laisse plus de traces de son existence.

On ne sait ni ce qu'il devient, ni quand il meurt.

Révéré jusqu'au début du XVIIe siècle, il tombe ensuite dans l'oubli.

On ne l'en tire que pour se récrier sur l'opaque obscurité de ses vers.

On le nomme un nouveau Lycophron.

On s'engoue derechef de lui vers 1920.

A partir de cette date, sa faveur ne cesse de croître.

Mais cette mode ne subsiste qu'à force d'interprétations fausses et de malentendus.

Pour comprendre les poèmes de Maurice Scève, il faut se familiariser lentement avec les formes prises par l'intelligence et la sensibilité françaises dans la première moitié du XVIe siècle, et renoncer à attribuer au prince des poètes lyonnais des idées et des affections qu'il ne pouvait avoir.

Qui, parmi nous, est encore capable de cette patience, de ce respect, de cette abnégation ?. »

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