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Maupassant, Bel-Ami, II, chapitre 8.

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Maupassant, Bel-Ami, II, chapitre 8. Il se tut. Les poissons à qui on ne jetait plus de pain demeuraient immobiles, rangés presque en lignes, pareils à des soldats anglais, et regardant les figures penchées de ces deux personnes qui ne s'occupaient plus d'eux. La jeune fille murmura, moitié tristement, moitié gaiement: "C'est dommage que vous soyez marié. Que voulez-vous? On n'y peut rien. C'est fini!" Il se retourna brusquement vers elle, et il lui dit, tout près, dans la figure: "Si j'étais libre, moi, m'épouseriez-vous?" Elle répondit, avec un accent sincère: "Oui, Bel-Ami, je vous épouserais, car vous me plaisez beaucoup plus que tous les autres." Il se leva, et balbutiant: "Merci..., merci..., je vous en supplie, ne dites " oui " à personne? Attendez encore un peu. Je vous en supplie! Me le promettez-vous?" Elle murmura, un peu troublée et sans comprendre ce qu'il voulait: "Je vous le promets." Du Roy jeta dans l'eau le gros morceau de pain qu'il tenait encore aux mains, et il s'enfuit, comme s'il eût perdu la tête, sans dire adieu. Tous les poissons se jetèrent avidement sur ce paquet de mie qui flottait n'ayant point été pétri par les doigts, et ils le dépecèrent de leurs bouches voraces. Ils l'entraînaient à l'autre bout du bassin, s'agitaient au-dessous, formant maintenant une grappe mouvante, une espèce de fleur animée et tournoyante, une fleur vivante, tombée à l'eau la tête en bas. Suzanne, surprise, inquiète, se redressa, et s'en revint tout doucement. Le journaliste était parti.

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