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Masaccio

Extrait du document

Il n'y a pas équilibre entre la vie et l'oeuvre de Masaccio, entre le temps qu'il passa sur terre et la production picturale qu'il y accomplit : tandis que son existence a été, parmi les vies des peintres anciens, la plus courte que nous connaissions, son oeuvre est peut-être la plus considérable qui ait jamais existé. Comme talonné par le pressentiment d'une mort prématurée qui devait en effet l'emporter à la fleur de l'âge, Masaccio brûla les étapes de sa carrière. Noviciat, études, assimilation, création, tout se déroule en lui et au dehors de lui avec une rapidité qui ne saurait s'expliquer sans l'impulsion d'une volonté et les sollicitations d'un génie tous deux extraordinairement intenses et productifs. Bien que l'époque où il vécut ne se prête pas à une interprétation romantique de " l'enfant prodige ", il apparaît, dans le caractère et le destin de ce jeune artiste toscan du XVe siècle, quelque chose de " romantiquement " prodigieux. La splendeur de sa précoce maturité le rapproche d'un Mozart, d'un Keats, même si elle ne les apparente pas, et les prémices impétueuses de son style nous induisent, parfois, à y découvrir les traits d'un Rimbaud du XVe siècle.       La nature même de son étrange caractère, tel que nous le décrit Vasari, ne dément pas ces rapprochements inattendus : " Distrait, rêveur, et entièrement absorbé dans les pensées de son art, il vivait sans prévoyance et pour ainsi dire au hasard. Jamais les choses de ce monde ne semblèrent le préoccuper. Il fallait qu'il fût réduit au plus extrême besoin pour se déterminer à demander quelque argent à ses débiteurs. Il se nommait Tommaso, mais il fut surnommé Masaccio (vilain Thomas) à cause de ses bizarreries et non de ses méchancetés, car il était la bonté même et toujours prêt à rendre service..." Distrait, négligé, misérable : si l'époque le permettait et si notre imagination l'osait, nous pourrions découvrir, dans ce portrait, la préfiguration archaïque d'un artiste maudit d'aujourd'hui.