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Mark Twain

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Je n'en sais pas bien long sur Mark Twain ; car n'étant, quant à moi, ni lecteur ni critique, je n'ai pas lu un seul de ses livres. J'ai bien l'intention de lire quelque jour, lorsque j'aurai moi-même fini d'écrire, ses nouvelles et menus récits, de même que sa biographie : n'écrivant alors plus moi-même, j'apprendrai quelque chose sur sa vie et son œuvre, mais il me manquera l'occasion d'en parler. Et c'est pourquoi j'écris aujourd'hui : parce que l'occasion m'en est offerte. Mais que peut-on bien dire sur un sujet dont on n'a aucune connaissance ? Un critique, certainement, s'abstiendra de dire quoi que ce soit ; mais je suis, moi, un conteur, et non pas un critique, et je n'ai aucune hésitation à dire que je ressens un penchant pour Mark Twain. Je le ressens parce que Twain a pris les éléments de création qui se trouvent partout et leur a donné une forme et un aspect vivants. Cela, il m'est permis de l'affirmer, parce que je crois bien connaître l'environnement et les gens au milieu desquels il se développa, au cours de ses années de formation. Je crois les connaître, parce que les hommes et les femmes, les garçons et les filles de ses nouvelles et historiettes ont été créés dans son esprit et son cœur, avant que, les ayant créés, il n'en ait peuplé la terre. Et je sais qu'il en a peuplé la terre en son temps, parce que bien des années plus tard, en mon temps à moi, je les ai vus et j'ai pu les reconnaître en tous lieux.

« Mark Twain Je n'en sais pas bien long sur Mark Twain ; car n'étant, quant à moi, ni lecteur ni critique, je n'ai pas lu un seul de ses livres.

J'ai bien l'intention de lire quelque jour, lorsque j'aurai moi-même fini d'écrire, ses nouvelles et menus récits, de même que sa biographie : n'écrivant alors plus moi-même, j'apprendrai quelque chose sur sa vie et son oeuvre, mais il me manquera l'occasion d'en parler.

Et c'est pourquoi j'écris aujourd'hui : parce que l'occasion m'en est offerte. Mais que peut-on bien dire sur un sujet dont on n'a aucune connaissance ? Un critique, certainement, s'abstiendra de dire quoi que ce soit ; mais je suis, moi, un conteur, et non pas un critique, et je n'ai aucune hésitation à dire que je ressens un penchant pour Mark Twain.

Je le ressens parce que Twain a pris les éléments de création qui se trouvent partout et leur a donné une forme et un aspect vivants.

Cela, il m'est permis de l'affirmer, parce que je crois bien connaître l'environnement et les gens au milieu desquels il se développa, au cours de ses années de formation.

Je crois les connaître, parce que les hommes et les femmes, les garçons et les filles de ses nouvelles et historiettes ont été créés dans son esprit et son coeur, avant que, les ayant créés, il n'en ait peuplé la terre.

Et je sais qu'il en a peuplé la terre en son temps, parce que bien des années plus tard, en mon temps à moi, je les ai vus et j'ai pu les reconnaître en tous lieux. C'est ainsi que j'ai eu connaissance de Mark Twain, et je ne suis pas seul à en avoir eu connaissance, tout un chacun en a eu connaissance en Amérique.

J'ai eu connaissance de plus d'une chose qu'il a faite dans son enfance et son âge mûr, et j'ai eu connaissance de plus d'une des nouvelles et des esquisses qu'il a écrites.

J'attache beaucoup d'importance à ma connaissance par ouï-dire de Mark Twain, parce que tout ce que j'ai appris sur lui sonnait bien et vrai, en sorte que j'en suis venu à tout naturellement ressentir de l'affection pour lui et son oeuvre.

Tout comme Mark Twain, j'ai passé plusieurs de mes jeunes années sur les coteaux, dans les saulaies et dans les plaines marécageuses qui bordent le Mississippi, et mes souvenirs de la vie dans cette merveilleuse contrée ont toujours été bons et vrais. Si vous êtes jeune et vivez sous le charme du Mississippi, vous ne désirez être nulle part ailleurs en ce monde.

Ce que vous voyez, ce que vous faites, ce que vous sentez, jour après jour, a beaucoup plus d'importance que toute autre chose sous le soleil.

Le charme du fleuve, le flux indolent de l'eau trouble, les gens qui le longent, le cri des corneilles, le soleil et le vent : impossible de dire toutes les émotions que l'on peut ressentir tout le long du Mississippi ! Mais toute chose que vous pouvez désirer ou imaginer est là, que vous rêviez tout éveillé sur les hautes falaises ou pêchiez sur un banc de sable ou ramiez dans une barque.

La vie que vous aimez et en laquelle vous croyez est là, jour après jour, mois après mois, et vous en faites vous-même partie, parce que vous savez quelle chance vous avez d'être là où vous êtes.

Et même si vous ne pouvez que la sentir, sans être, comme Mark Twain, capable d'en parler, vous la comprenez d'instinct, parce que, à chaque respiration, vous sentez, en votre for intérieur, combien elle est bonne et vraie. Peut-être est-ce pour cela que ceux qui, en tout lieu de ce monde, lisent les livres de Mark Twain ressentent si vivement tout ce qu'il dit du milieu qu'il a décrit.

Vous respirez la fumée bleue du feu qu'ont allumé les pêcheurs campant sur un banc de sable bourbeux.

Vous voyez de petits garçons imprudents patauger demi nus dans un bayou.

Vous sentez le fouet de la pluie d'été tombant des étranges nuages noirs, là-haut.

Vous entendez la fille brune chantant dans sa petite barque une chanson d'amour qui ne peut signifier qu'une seule chose : qu'elle soupire pour vous.

Ces visions, ces bruits, ces sensations sont les battements de coeur des ouvrages de Mark Twain.

Ils doivent l'être ; ils sont parvenus à l'être.

Et pourquoi suis-je tellement certain que l'on peut trouver tout cela dans des récits dont je n'ai pas, je le répète, une connaissance de première main ? Parce que telle est la vie le long des falaises, des rives et des bayous du Mississippi. Vivant parmi les gens et les choses qu'il a décrits, Mark Twain, comme tout écrivain créateur, a puisé son inspiration dans la vie qui l'entourait. Là sont le coeur et l'âme de l'Amérique, dans cette province, d'Hannibal à Saint-Louis, au Caire, à Memphis, à Natchez.

Là sont l'âtre et le foyer des Américains.

Il y a là des villes enfumées, des bateaux rouillés, des filles en fuite, des prédicateurs criards, des péniches allant à la dérive, des carnavals ambulants, des fermes inondées, des convois de chargements résonnant dans la nuit, des sentiers ombragés, des négrillons jouant aux billes, des femmes offrant l'amour, des mulets peinant durement, des matinées vertes comme l'herbe et des après-midi noires d'orage.

Suis-je bien certain que Mark Twain a écrit sur tout cela ? Peut-être l'a-t-il fait, peut-être ne l'a-t-il pas fait.

Là n'est pas la question.

Ce qui importe, c'est que son oeuvre a rendu la région des rives du Mississippi à jamais présente à l'esprit du peuple américain. Ce n'est pas tout.

Ayant grandi depuis sa première enfance près du Mississippi, Mark Twain emporta avec lui, le jour où il s'en alla voyager à travers l'Amérique, une profonde intuition, une connaissance réelle et un amour sincère pour les gens de là-bas, qui ne devaient plus quitter et qui prenaient vie dans tout ce qu'il allait écrire sur eux.

Où qu'il se trouvât, il était chez lui, parce qu'il avait eu la chance de vivre près du Mississippi et de connaître les joies et les soucis des hommes de cette merveilleuse région. J'ai dit que je ne savais pas grand-chose de Mark Twain.

Qui plus est, je ne connais ni sa vie, ni les jugements que les critiques ont portés sur lui.

Vous pouvez aisément trouver ailleurs ce que d'autres ont dit de sa vie et de son oeuvre ; vous pouvez consulter les critiques pour savoir lesquels de ses livres pourraient vous plaire ou ne pas vous plaire.

Ici, vous n'aurez trouvé que ce que j'ai dit en commençant : j'ai de l'affection pour Mark Twain ; et parce qu'elle est restée bonne et vraie durant toute ma vie passée, cette affection me pousse à rendre hommage à l'immortel esprit de cet homme.. »

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