L'originalité de Rimbaud

« LA MÉTHODE POÉTIQUE Rimbaud a formulé, en mai 1871, une sorte d'Art Poétique dans une lettre à son ami Paul Demeny, dite Lettre du voyant.

Dans ce texte capital, il proclame la nécessité, pour le poète moderne, d'apporter « du nouveau, idées et formes ». Lui-même a voulu renouveler l'inspiration poétique.

Il compte dépasser les poètes romantiques, qui ont été « voyants sans trop bien s'en rendre compte » et seulement sous le coup d'émotions accidentelles; les poètes parnassiens, qui se sont trop aisément contentés de voir en imagination le passé; et même Baudelaire, « roi des poètes » cependant, et voyant authentique, mais prisonnier d' « un milieu trop artiste ».

Pour parvenir à ce résultat, il s'impose « un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens » et provoque, par tous les moyens, les expériences susceptibles d'enrichir sa vision : « (le Poète) cherche lui-même et épuise en lui-même tous les poisons pour n'en garder que les quintessences.

» Il a précisé, dans Une Saison en enfer, par quelle méthodique « étude » il a pu, délibérément, s'installer dans la contemplation des beautés qu'il croyait avoir conquises et voir défiler comme un « opéra fabuleux » de chimériques visions enchantées. Il a voulu aussi renouveler le langage poétique.

Notamment, il se propose de découvrir et d'exprimer, après Baudelaire, des « correspondances » de plus en plus rares entre les diverses sensations.

Il rêve même d' « un verbe poétique accessible, un jour ou l'autre, à tous les sens », d'un langage universel, qui soit « de l'âme pour l'âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant ».

Cette transmutation du verbe par une « alchimie » poétique, il l'a tentée, notamment, dans les Illuminations. L'INFLUENCE POÉTIQUE Rimbaud a exercé sur la poésie moderne et contemporaine une influence considérable.

Mallarmé tente, à son exemple, de se transformer en démiurge et d'exprimer, grâce au langage poétique, une réalité transcendante. D'autres symbolistes découvrent dans deux de ses poèmes, Marine et Mouvement, les premiers exemples de ce « vers libre » dont ils voudront répandre la mode.

Paul Claudel, reprenant une formule de Verlaine, vante sa « prose de diamant », où il puise maint exemple et mainte ressource d'expression.

Enfin, les poètes surréalistes, qui ont cultivé, eux aussi, « le désordre de leur esprit », le saluent à juste titre comme un précurseur : « Cette oeuvre, qui a révolutionné la poésie, mérite de demeurer en vigie sur notre route » (André Breton).. »